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lemnelle. Qui eft-ce qui ignore que ce défordre n'a que trop long-temps duré dans ce pays? C'eft pourquoi rien n'empêche d'attribuer plutôt, avec les Théologiens & les Medecins de Paris, ces guérifons, s'il y en a, au Démon ou à la Nature, qu'à une grace finguliere de Dieu, & à un miracle.

On voit par-là combien eft frivole le raifonnement de ceux qui croient que Dieu tromperoit ceux qui vont au Monaftere de Saint Hubert pour fe préferver de la rage, en y obfervant la Neuvaine. Mais je veux que Dieu parût en quelque maniere approuver l'ufage fur lequel les Docteurs de Paris & de Louvain font partagés : fi la rage étoit toujours chaffée d'une maniere extraordinaire par l'infertion au front d'un petit brin de la fainte Etole, & par l'observation de la Neuvaine, il n'eft pas clair qu'il fe fît aucun prodige au-deffus des forces de la natu re. J'ai dit, quand même Dieu approuveroit en quelque maniere cet ufage, perfuadé que Dieu ne feroit aucune tromperie, quoiqu'il préservât de la rage quelques-uns de ceux qui, en recourant à la protection de Saint

par

Hubert dans la fimplicité de la foi & par un efprit de Religion, fe font mettre au front un brin de la fainte Etole, & obfervent la Neuvaine : car il ne faut pas attribuer leur guérifon à l'affurance qu'ils ont de l'obtenir (affurance fi efficace, felon le fentiment des Medecins, pour chaffer les maladies) il faudroit les attribuer à leur piété, que Dieu récompenseroit Tinterceffion de Saint Hubert; non aux cérémonies de la Neuvaine, aufquelles Dieu auroit attaché la vertu de la guérifon du corps, comme au Sacrement de l'Extrême-onction. Car, comme Dieu ne trompe point par l'accompliffement des prédictions d'un Prophete qui détourne de fon culte, parceque la Loi naturelle a plus d'autorité que ce Prophete (4) pour nous perfuader; ainfi la guérifon très rare d'un obfervateur de la Neuvaine n'autorife point une pratique fuperftitieufe que la loi naturelle. & pofitive commandent ouvertement de rejetter. Mais, fi vous me demandez pourquoi j'appelle très-rare une guérifon que vous croyez journaliere, & qui eft dite merveilleuse par vous,

́ (4) Deut. 13..

par les Examinateurs Synodaux du Diocèle de Liege, & par l'Evêque dans l'approbation datée du 4. d'Octobre 1690. en voici la raifon : c'est qu'il ne convient point à des Théologiens de donner le titre de merveil leufe à ces guérifons, fans être affurés que les animaux dont la morfure fait craindre la rage étoient véritablement enragés lorfqu'ils ont mordu; que leur dent & leur falive ont commu niqué le poifon mortel qui à corrompu la maffe du fang, & que ceux qui ont fait le voyage de Saint Hubert ont été véritablement guéris.. Ce dernier point ne peut pas être fouvent conftaté, parceque ces veyageurs retournent promptement chez eux. Et il eft encore plus difficile de s'affurer du premier fait; vû qu'on n'a point ces animaux, & qu'ils n'ont jamais été bien connus des Medecins & des gens habiles.

J'avoue ingenûment l'importance de l'argument tiré de l'autorité des Abbés des Ardennes, fur-tout de Saint Thierri qui dans l'onzieme fiecle a illuftré le Monaftere de Saint Hubert, & de celle des Evêques de Liege. Car il n'eft pas probable qu'ilș

aient ignoré les pratiques de la Neuvaine; & il leur a été facile, comme on le dit, d'en pénétrer l'origine & les effets. Cependant je ne vois pas que cet argument, tout fpécieux qu'il eft, foit invincible. Le fuffrage, ou plutôt le filence des Evêques DiocéTains perd beaucoup de fa force, fi l'on confidere que plufieurs ont été abfens de leur Diocèfe, & que d'autres ont été accablés ou de vieilleffe, ou de la multitude d'affaires qui fe préfentent dans un Diocéfe très-étendu: pour ne pas dire que, pour plufieurs autres raifons, les pratiques de la Neuvaine ont pu avoir été inconnuos à plufieurs Evêques de Liege. On ne peut alléguer d'anciens Approbateurs des dix articles de la Neuvaine, s'il n'eft pas fûr que tous ces articles font auffi d'une ancienne date. Or il faudroit des preuves non communes pour perfuader ce fait. Si leMonaftere des Ardennes eft exempt, ou de droit ou de fait, de la jurifdition de l'Ordinaire, il fera difficile de montrer que les Evêques de Liege ont autorisé la Neuvaine. Au refte, fi l'argument tiré de leur filence n'eft pas entierement renverfé, du moins

on fe perfuadera qu'il n'eft pas bien fort: cette exemption fert encore à énerver l'autorité qu'on prétend que les Abbés des Ardennes ont donnée à ces pratiques. Je paffe fous filence qu'on tolere bien des chofes fans les approuver, pourvu qu'elles ne foient pas évidemment fuperftitieufes. Je ne dirai pas que l'amour des Lettres, ou de la difcipline Monaftique, qui regne aujourd'hui dans le Monaftere des Ardennes, y a langui pendant quelques fiecles. Encore moins foupçonnerai-je que l'efpérance du gain, que les Quêteurs de S. Hubert amaffent en courant de tous côtés, a empêché d'examiner férieufement ces pratiques. Au refte j'aime mieux apprendre, que de le dire, fi ces quêtes font contraires aux decrets du Concile de Trente (a), comme l'a décidé le Concile de Reims de l'an 1564. où préfida Charles de Lorraine. Il fuffira de remarquer qu'on a réformé fort tard l'abus touchant la Communion, mife parmi les pratiques de la Neuvaine. Puifqu'on eft redevable de cette réformation à l'illuftre Abbé d'aujourd'hui, il faut espérer qu'il ne s'offen

(a) Seff. 21. c. 9.

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