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ils l'envoyérent à Jacob, & lui firent CH.XXVI. dire : Voici une robbe que nous avons trouvée: voyez fi ce n'eft pas celle de votre fils. Il la reconnut, & dit: C'eft la robbe de mon fils. Une bête cruelle l'a dévoré une bête a dévoré Jofeph. Il déchira fes habits; & s'étant couvert d'un cilice, il pleura fon fils fort long-temps. Toute fa famille s'affembla pour tâcher de le confoler : mais il ne voulut point recevoir de confolation; & il leur difoit: Je pleurerai toujours, jufqu'à ce que j'aille rejoindre mon fils au fonds de la terre.

Avant que de conduire plus loin l'hiftoire de Jofeph, l'Ecriture rapporte ici le mariage de Juda quatrième fils de Jacob, les crimes & la mort de deux de fes enfants, & fon incefte avec Thamar, parce que la plupart de ces faits font arrivez depuis que fofeph eut été transporté en Egypte.

Juda époufa une fille du pays de Chanaan, dont il eut trois fils, Her, Onan & Sela. Quand son aîné fut en âge d'être marié, il lui fit époufer une fille appellée Thamar. Mais ce fils aîné de Juda fut un très-méchant homme aux yeux du Seigneur; & le Seigneur le frapa de mort. Juda donc ordonna à Onan fon fecond fils d'époufer la

veuve, afin de faire revivre le nom de

fon frère dans les enfants qui naîtroient CH.XXV I de ce mariage. Mais Onan qui fçavoit que les enfants ne feroient point à lui, ne voulut pas donner de poftérité à son frére. C'est pourquoi le Seigneur le frappa de mort. Alors Juda dit à Thamar fa belle-fille: Demeurez veuve dans la maifon de votre pére, jufqu'à ce que mon fils Sela foit devenu grand. Ainfi Thamar s'en retourna demeurer chez fon pére. Mais Juda ne fe mit pas en peine de lui tenir parole. Il craignoit que Sela n'eût le même fort que fes deux fréres. Après un affez long-temps, la femme de Juda mourut. Le temps du deuil étant paffé, Thamar qui voyoit que fon beau-pére ne lui faifoit point époufer Sela, quoiqu'il fût en âge d'être marié, forma le deffein de le furprendre lui-même, & d'avoir de lui des enfants. Elle y réuffit en fe déguifant, & fe couvrant le vifage d'un voile. Juda qui la prit pour une Courtifane, s'approcha d'elle fans la reconnoître. Elle devint enceinte, & mit au monde deux jumeaux, dont le premier fut appellé Pharès, & le fecond Zara. Pharès fut le chef des defcendants de Juda.

CH.XXVI.

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

L'HISTOIRE de Jofeph, l'une des plus belles de l'Ancien Teftament, nous représente dans prefque toute fa fuite deux fortes d'inftructions; les unes fondées fur la lettre, & tirées des événements qu'elle rapporte; les autres qui nous découvrent les rapports admirables que Jofeph a avec Jefus-Chrift, dont il eft la figure la plus accomplie que nous ayons encore vue. Pour éviter la confufion, nous diviferons fon hiftoire en deux parties, dont la premiére ira jufqu'au premier voyage des enfants de Jacob Les ch. 26. en Egypte, & contiendra quatre chapitres : 27. 28. 29. l'autre en contiendra cinq, & finira après l'arLes ch. 30. rivée & l'établiffement de la famille de Jacob en Egypte. Nous placerons, felon notre méthode ordinaire, à la fuite des chapitres les réflexions qui nous paroîtront les plus utiles; & à la fin de chacune des deux parties, nous réunirons fous un feul titre tous les traits de reffemblance entre Joseph & Jesus-Christ.

31. 32. 33.

34.

[Il avertit Jacob de quelque mauvaise action que fes frères avoient commife. ] Comme l'Ecriture ne dit point ce que c'étoit, on ne peut former là-deffus que des conjectures très-incertaines. Il y a beaucoup d'apparence, felon le texte Hébreu, que c'étoit quelqu'un de ces crimes honteux, dont S. Paul ne veut point qu'on entende parler parmi les Saints. Jofeph, quoiEph. 5. 3. que le plus jeune, ne fut point entraîné par l'exemple de fes frères. On peut bien penfer qu'il les reprit avant que de les accuser. Mais fes avis étant inutiles, il eut affez de courage les déférer à Jacob & pour

pour

>

facrifier à

fon

fon devoir la crainte de leur reffentiment.

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[Ifraël aimoit Jofeph plus que tous fes autres CHAP, enfants, parce qu'il l'avoit eu dans fa vicillefe. X XV I. Benjamin beaucoup plus jeune que lui, n'étoit pas fans doute moins cher à Jacob. Mais il n'avoit alors que deux ans ; & l'affection de Jacob pour cet enfant ne pouvoit encore marquer aucune préférence capable d'indifpofer les autres. L'Ecriture ne parle donc de Joseph que par rapport à fes freres aînez. Comme Jacob avoit plus aimé Rachel que Lia pour les raifons qu'on a dites il n'eft pas étonnant qu'il eût auffi une plus tendre affection pour un fils que Dieu lui avoit donné de cette époule bien aimée après une longue ftérilité. D'ail leurs la bonté de fon cœur, fa fimplicité, l'horreur qu'il avoit du mal, la force avec laquelle il réfiftoit au torrent du mauvais exemple de fes frères, ne pouvoient manquer de lui attirer de la part d'un père auffi vertueux que Jacob, la distinction dont il étoit fi digne. On Genef, 10, 11 doit éviter dans les familles de préférer un fils à un autre pour des qualitez extérieures, comne la bonne mine, la vivacisé, l'adreffe, la' facilité à apprendre, qui ne dépendent pas de la liberté, & qui ne rendent ni l'efprit plus équitable, ni le cœur plus droit & plus pur. Mais ce feroit une injuftice de témoigner une égale amitié à des enfants, dont les uns feroient vertueux, & les autres vicieux & déréglez. Les familles font femblables en cela aux Villes & aux Républiques, où tout eft en défordre, lorfque la vertu & le crime y font traitez également. Il faut feulement prendre garde à ménager les foibles, qui fans être vicieux, ont moins de vertu que leurs frères, & qui peuvent être découragez par une diftinction trop marquée Tome I.

[Ses fréres le haifoient à cause de cette pré

CHAP. férence. ] Ils ne vouloient point être vertueux; XXV I. & ils ne pouvoient fouffrir que leur frére qui l'étoit, jouît des priviléges de la vertu. Rien ne paroît plus injufte à tout le monde, ni plus déraisonnable qu'une telle difpofition. Rien cependant n'eft plus commun. L'homme est si corrompu, que la vertu même, à laquelle il renonce, & qu'il méprife, devient pour lui un objet d'envie & de haine, quand il la voit dans les autres. Son orgueil ne peut fupporter l'éclat de cette lumiére , qui lui montre & lui repro che fes vices; & il ne cherche qu'à l'étouffer.

1. f. &c.

[ Ecoutez le fonge que j'ai eu. ] Il est souvent parlé de fonges dans l'hiftoire de Jofeph, & dans plufieurs autres endroits de l'Ecriture. Il feroit également dangereux d'ajouter foi à tous les fonges, & de les rejetter tous. Ecoutons là deffus les avis du Sage dans l'Eccléfiaftique. Ferli. 34. Les imprudents, dit-il, Je promettent de grandes chofes fur la foi des fonges... les divinations.. les augures. & les fonges... ne font que vanité. Ce ne font que des effets de votre imagination. Ne vous y arrêtez point, a moins le Très-haut ne vous les envoye lui-même. Car les fonges en ont jetté plufieurs dans l'égarement; & ils font tombez pour y avoir mis leur confiance. Il n'y a que la Loi de Dieu dont toutes les paroles foient exemptes de men/forge; & la Sageffe s'énoncera clairement par celui qui eft fidelle à obferver cette Loi.

que

Ainfi, la premiére & fouveraine régle que nous devons confulter, régle invariable, infaillible, dont il ne nous eft jamais permis de nous écarter, & fur laquelle nous devons examiner & mefurer toutes chofes, c'eft la Loi de Dieu. Quiconque néglige cette régle, poor

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