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Après J. Ci

Le Grand Khan, après avoir répondu aux Romains en faifant les mêmes voeux, les traita fplendidement pendant tan 69tout le jour, dans cette premiére tente qui étoit ornée Mo-kande tapis de foye de différentes couleurs il but du vin khan, fait d'une drogue particuliére; car comme le remarquent les Romains, il n'y a pas de vigne dans ce pays. C'eft apparement ce que l'on appelle le Cofmos, forte de vin encore fort en ufage chez les Tartares, fait de lait de jument fermenté, & qui enyvre autant que le meilleur vin. Le lendemain on conduifit les Romains dans une autre tente ornée de toutes fortes de vafes d'or & de tapis de foye fur lefquels étoient peintes des figures très-bien fai tes, le Khan étoit affis fur un lit d'or. De-là on les fit paffer dans une autre garnie de colonnes de bois doré & d'un lit d'or porté par quatre Paons du même métail. Aux environs de cette tente on en appercevoit plufieurs autres, remplies de vafes d'or, de meubles précieux & de figures d'animaux travaillées en argent qui ne le cédoient point en beauté à tout ce que l'on voit de femblable chez les Romains: toutes ces richeffes étoient les dépouilles que les Turcs enlevoient chez leurs ennemis, foit du côté de la Chine, foit eff Occident.

Dans ces derniers tems & depuis que les Ruffes ont reconnu les différentes contrées de la Siberie, on a trouvé dans les temples & les tombeaux, quantité de joyaux & d'inftrumens précieux & finguliers. Je ne parle point des fides divinités Indiennes découvertes vers l'Irtisch; gures la religion de l'Inde ayant été introduite dans ces contrées, ces fortes de figures ne doivent plus y être regardées comme étrangeres; il s'agit ici d'une lampe fepulchrale des Romains qui eft faite en forme de ftatue équeftre, représentant un Général Romain qui a fur fa tête une couronne de laurier, & de quelques autres figures d'hommes à cheval avec des armoiries blables à celles que l'on portoit en occident dans les douze & treiziéme fiécles. Jufqu'à préfent on avoit regardé ces Nations Tartares comme des Nations entiére

fem

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L'an $70.

Pherdoufi. D'Herbelot. Schikard Tar. R. Perf.

ment ifôlées, qui n'avoient eu aucun commerce avec les autres peuples. En conféquence & pour rendre raifon de toutes ces figures travaillées en différens métaux, on fuppofoit que la Tartarie avoit été habitée anciennement par des peuples plus civilifés & verfés dans les arts, & que ceux qui y demeurent à préfent étoient des etrangers qui s'en étoient emparés. Mais tout ce que j'ai rapporté du commerce des Turcs avec les Chinois & avec les Romains donne la folution de ces difficultés. Plufieurs de ces antiquités ont été prises ou dans la Chine ou fur les terres des Romains, d'autres font des préfens que les Empereurs de ces Nations faifoient aux Grands Khans de Tartarie. Celles qui font d'un temps poftérieur, & fur lefquelles on remarque des armoiries y ont été transportées dans le tems que les Mogols ravageoient la Hongrie.

Pendant que Zemarkh étoit en Tartarie, le Grand Khan voulut qu'il le fuivit avec vingt de fes gens dans l'expédition qu'il fit contre les Perfes. Les autres Romains avoient ordre de fe rendre dans le pays des Kang-li où ils devoient attendre Zemarkh. Le Khan leur fit à tous de grands préfens, & donna en particulier à Zemarkh une femme de la nation des Kerkis peuple de la Siberie qui étoit alors établi près de la riviere d'Angara,& qui a paffé enfuite vers la Géorgie où on le connoît encore à préfent fous le même nom de Kerkés que les Européens ont changé en celui de Circaffe. Ces femmes Kerkis étoient recommandables par leur beauté comme les Circaffiennes le font encore.

Le Grand Khan vint camper à Taras, ville fituée au nord du Sihor, il y trouva des ambaffadeurs que le Roi de Perfe avoit envoyés. Il les invita tous à un festin, -les Romains y furent traités avec diftinction, pendant que les Perfans n'eurent que des reproches à effuyer. Rien ne put appaiser le Khan qui étoit irrité de ce que l'on avoit fait mourir fes ambaffadeurs, il tomba d'abord fur -les Huns Euthalites qu'il regardoit comme les auteurs de

cette guerre, & entra dans le Maouarennahar où ils deAprès J. C. meuroient. Le chef des Huns vint camper avec fon armée à L'an $70. Bokhara, il fe donna entre les deux nations un grand com- Mo-kanbat dans un petit village près de Nakhschab où les Huns khan. furent vaincus. Leur chef refta mort fur le champ de bataille. Le Roi de Perfe qui avoit intérêt que les Turcs ne pénétraffent pas plus avant, fe rendit auffi-tôt dans le Giorgian. Le Grand Khan étoit alors à Samarcande où il fe difpofoit à entrer dans le Khorafan; mais il ne fut pas plûtôt informé de l'arrivée des troupes Perfannes qu'il fit faire des propofitions de paix qu'Anouschirouan accepta. Le Grand Khan lui donna une de fes filles en mariage & se retira enfuite à Kafchgar, qui de même que Khoten & la plus grande partie des villes de la petite Bukharie étoit alors fous la domination des Turcs.

A l'égard des Zemarkh il alla rejoindre les autres Romains qui s'étoient arrêtés dans le pays des Kang-li ou des Captchaq. Les chefs de ces peuples avoient obtenu du Khan_la permiffion d'envoyer auffi des ambassadeurs avec les Romains à Conftantinople. Ils fe mirent tous en route, & après un chemin affez long ils arriverent au bord d'un grand & large marais, c'eft la mer Cafpienne. Zemarkh s'y arrêta pendant trois jours, & détacha de cet endroit un nommé Georges avec dix Turcs, pour se rendre à Conftantinople par le plus court chemin. Il continua de cotoyer la mer Cafpienne, traverfa le Jaïck, plufieurs marais, le grand fleuve Etel ou Volga, & entra dans le pays des Igours. Ceux-ci avoient quitté anciennement la Tartarie & les environs de Turphan pour venir demeurer dans les plaines qui font à l'occident du Volga où ils fe font maintenus jufqu'à notre tems, & forment encore quelques Hordes dans la Nation des Nogais, de même que les Kang-li & les Naimans.

L'ambaffadeur qui accompagnoit Zemarkh étoit appellé Tagma & avoit le titre de Tarkhan, dignité confidé- Juftini rable parmi les Turcs: il étoit fuivi du fils de Maniakh legat. qui avoit auffi la même dignité. Lorfqu'ils furent tous

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L'an 570. Mo-kankhan.

trop

arrivés à l'occident du Volga, le chef des Igours qui étoit fujet du Grand Khan avertit les Romains qu'il y avoir dans les forêts voifines quatre mille Perfans en embufcade pour les furprendre, il leur donna des provifions Menandre. & furtout plufieurs outres remplies d'eau dont on manquoit dans le défert qu'il y avoit à paffer. Les Romains, après avoir pris toutes leurs précautions, continuerent leur route à travers des pays marécageux,& fe rendirent à la hâte dans celui des Alains. Ils allerent rendre vifite avec les Turcs à Sarodius qui étoit chef de cette Nation. Sarodius reçut les Romains honorablement, mais trop voifin du pays que les Turcs occupoient, & craignant apparemment qu'ils ne le fiffent arrêter, il ne voulut jamais permettre que ceux-ci paruffent en fa préfence avec leurs armes, conteftation qui dura pendant trois jours, à la fin defquels les Turcs furent obligés d'obéir. Le chef des Alains ayant donné avis à Zemarkh de ne point paffer par le pays des Mimdimiens, parce qu'il y avoit des troupes en embufcade aux environs de la Suannie, & lui ayant confeillé de prendre le chemin de Darines, Zemarkh laiffa la Mimdimiane à gauche & fe rendit par Rhetorium au PontEuxin, s'embarqua fur le Phafe, vint à Trebifonde, & Menandre. de-là par terre à Conftantinople. Depuis ces différentes ambassades, l'Empereur Juftin II. entretint avec foin la paix avec lesTurcs qui pouvoient incommoder beaucoup lesPerfans, & c'eft pour arrêter les courfes que ces Turcs faifoient dans les provinces de Perfe du côté de la Medie ou Adher Giaferi bidgian, qu'Anoufchirouan fit bâtir ou reparer la fameuse Mafoudi D'Herbslot. ville de Derbend dans le Schirouan, & une grande muraille longue de quarante parafangues.

Garber.
Swuif.

On trouve encore des veftiges de cet ancien monument dans le Mont-Caucafe, & des marques de l'ancienneté de la ville de Derbend. Cette place eft bâtie fur le bord de la mer dans un endroit que les montagnes voifines qui courent le long de la côte rendent fort étroit; de forte qu'il eft impoffible de pénétrer dans le midi fans traverfer la ville. Elle eft formée en quelque façon de quatre villes différentes, toutes féparées intérieurement

par des murailles, mais réunies par une feule qui les environne & s'avance jufques dans la mer. Les habitans Apres J. C. L'an 570. confervent encore la mémoire d'Alexandre le Grand & Mo-kand'Anoufchirouan, auxquels ils attribuent la conftruction de khan, ces murs & du château. Partout aux environs on apperçoit des pierres d'une grandeur prodigieufe, chargées d'infcriptions en caractères Syriens, Arabes, & en d'autres qui font inconnus. Toutes ces pierres dont les murs de la ville font conftruits, paroiffent être formées de coquillages rompus & fondus enfemble; on y trouve même des coquilles entières, elles font devenues fi dures & fi folides que ce n'eft qu'avec des peines incroyables que l'on parvient â en détacher des morceaux. Vers la ville haute on voit une muraille qui court en ligne droite vers le couchant à travers les montagnes. Les habitans prétendent qu'elle s'étendoit jufqu'à la Mer Noire, en effet à deux milles de la Ville vers Tabasseran, on en trouve des reftes avec de groffes tours & des chambres voutées qui font bien confervées. Cette muraille court à travers les montagnes & les vallées où l'on apperçoit de tems en tems quelques tours.

Le nom de Derbend donné à cette place importante fignifie un paffage fermé ou une barriére. On l'a encore appellée Bab-el-abouâb ou la Porte des Portes. Les Turcs d'apréfent la nomment Demir-capi ou Porte de fer. Les Hiftoriens orientaux peu inftruits de l'antiquité en attribuent comme on vient de le voir la fondation à à Alexandre le Grand, & donnent à ces murailles le nom de Sedd-Iskender ou de rempart d'Alexandre. On prétend que Jazdejerd fils de Bahram, Roi de Perse , у fit travailler; mais fi elle fubfiftoit alors, Anoufchirouan y fit faire des augmentations confidérables & y établit un Gouverneur, auquel il permit de s'affeoir, pour rendre la juftice, fur un fiège doré, & lui donna en conféquence le titre de Roi de Serir-ed-dahab ou du thrône d'or, parce qu'il ne croyoit jamais trop honorer un Officier chargé d'un pofte qui étoit la clef de l'Afie de ce côté & la feule barriére pour arrêter toutes les Nations du nord,

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