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ce qu'il y avoit à Rome de gens de lettres, prieAN. 545 rent le Pape de le faire reciter publiquement. Il. ordonna qu'on le fit dans l'Eglife de faint Pierre aux liens, & il s'y trouva une grande affemblée d'ecclefiaftiques & de laïques, de nobleffe & de peuple. Arator recita lui-même fon ouvrage en quatre jours differens: parce que les auditeurs y prenoient tant de plaifir, qu'ils l'obligeoient à repeter fouvent les mêmes endroits : enforte qu'à chaque fois il ne put lire que la moitié d'un livre. On voit ici des reftes de la coûtume qui regnoit à Rome fous les premiers Empereurs, que les auteurs, & particulièrement les Poëtes, recitoient publiquement leurs ouvrages.

XIX.

bon.

Vers le même tems Totila menaçant de venir Saint Cer- affieger Rome, comme il fit en effet ceux qui y Procop.111. commandoient les troupes, en chafferent tous Goth c. 9. les clercs Ariens : les foupçonnant d'intelligence avec les Goths, qui étoient de même religion; & l'Empereur Juftinien apprenant les progrès de Totila, fut obligé de renvoier Belifaire en Italie, là dixième année de cette guere, qui eft l'an 545. Ce fut le Pape Vigile qui procura ce fecours à Prefat. Rome comme témoigne Arator. Saint Cerbon Evêque de Populonium ville de la côte de Tof

camp

cane, à prefent ruinée, étant fort adonné à l'hofpitalité, avoit retiré quelques foldats Romains. Greg. III. Totila en fut irrité, & l'aiant fait amener à fon dial.c. II. à huit milles de la Ville, il voulut le donner en fpectacle au peuple, & le faire devorer par des ours. L'affemblée fut grande, & le Roi y affifta lui-même. On chercha un ours très-cruel, on le fit fortir de fa loge, il courut vers l'Evêque: mais tout d'un coup il baiffa la tête & se mit à lui lécher les pieds. Le peuple étonné fit un grand cri, le Roi même fut touché de venération pour le faint Evêque & le renvoia. Saint Gregoire racontoit depuis cette merveille, fur le recit de ceux qui y avoient été prefens.

Le

Goth.c. 16.

Le Diacre Pelage revint de C. P. vers le même tems, après y avoir fejourné long-tems, en qualité d'Apocrifiaire de l'Eglife Romaine. Il s'é- Procop. 11. toit acquis une grande faveur auprès de Justinien, & rapporta à Rome de grandes richeffes. On croit que Theodore de Cefarée fe prevalut de fon abfence, pour fe vanger de la condamnation d'Origene par celle des trois chapitres. Mais avant Supr.n. 179 que de l'expliquer, il faut dire ce qui s'étoit paffé en Orient fur ce fujet.

XX.

Mouve

mens des

ne.

Sup. n. 4. Vica S.Sab

L'édit de Juftinien contre Origene, aiant été apporté à Jerufalem, tous les Evêques de Palestine, & tous les Abbez du defert y foufcrivirent: Origenistes de quoi Nonnus & ceux de fonparti furent telle- en l'aleftiment irritez, qu'ils fe feparerent de la communion des Catholiques; quiterent la nouvelle Laure de faint fabas, & demeurerent dans la plaine. n.86.p.366• Theodore de Cappadoce qui étoit à C. P. l'aiant appris, envoia querir les Apocrifiaires de Jerufalem, & leur dit fort en colere: Si le Patriarche Pierre ne fatisfait pas ces Peres, & ne les rétablit pas dans leur Laure, je vais le chaffer lui-même de fon Siege. Cependant Nonnus & les fiens, par le confeil du même Theodore, écrivirent au Patriarche Nous fupplions vôtre Sainteté, nous donner une petite fatisfaction, pour la confolation de nos ames, en difant generalement : Que tout anathême, qui n'eft pas agréable à p. 367. Dieu, foit nul; au nom du Pere, & du Fils, & du faint Efprit. Le Patriarche refufa d'abord de donner cette declaration, comme feditieufe & illegitime. Mais craignant les artifices de Theodore, & voulant gagner du tems, il envoia querir Nonnus & les fiens, & les aiant pris en particulier, il fit devant eux la declaration qu'ils demandoient. Ils retournerent donc à la nouvelle Laure, confervant leur aigreur contre les Peres de la grande Laure de faint Sabas.

R 5

de

En

Enfuite étant devenus plus hardis ils préchoient leurs erreurs, c'eft-à-dire l'Origenifme, publiquement & par les maisons. Ils inventoient divers moiens de perfecuter les Peres de la grande Laure, & s'ils voioient à Jerufalem quelque moine orthodoxe ils le nommoient Sabaïte, le faifoient battre par des feculiers & le chaffoient de la ville. Il y avoit auprès du Jourdain des moines Beffes originaires de Thrace, qui pouffez de zele accoururent à Jerufalem au fecours des Ca368. tholiques. On en vint aux mains & à la force ouverte. Les Catholiques fe refugierent dans l'hofpice de la grande Laure, où leurs ennemis vinrent en fureur pour les tuer; mais trouvant la maifon fermée ils rompirent les fenêtres, & attaquerent à coups de pierres ceux qui étoient dedans. Alors un des Beffes nommé Theodule, aiant trouvé une pelle, fit une fortie fur les affaillans & les diffipa lui feul, quoi qu'ils fuffent environ trois cens: prenant garde toutefois de n'en bleffer aucun. Mais il reçut un coup de pierre dont il mourut peu de jours après.

#.87. Pour arrêter ces defordres, les Peres de la grande Laure prierent Gelafe leur Abbé d'aller à Č.P., & d'inftruire l'Empereur de ce qui fe paffoit. Etant prêt à partir il les affembla dans l'Eglife, & leur dit Mes Peres, je ne fçai ce qui m'arrivera en ce voiage: mais je vous prie, de ne fouffrir avec vous aucun de ceux qui font attachez à Theodore de Mopfuefte, car c'est un heretique; & je me fouviens que nôtre faint Pere P. 369. Sabas le deteftoit autant qu'Origene. J'ai grand regret, d'avoir foufcrit au libelle qui fut fait dans le defert par ordre du Patriarche, de ne le point anathématifer. Mais Dieu, qui prend foin de fon Eglife, a empêché que le libelle ne fût reçu, & que Theodore fût condamné. L'Abbé Gelafe étant arrivé à C. P., Theodore

a voulu

de

tout,

de Cefarée en fut averti ; & il y eut ordre tant à l'hôpital des orphelins que chez le Patriarche AN. 545. & au palais, de ne point recevoir de Moine venu de Jerufalem. Gelafe fe voiant refusé par & craignant les artifices de Theodore, fortit de C. P. pour retourner en Palestine par terre. Mais étant arrivé à Amorium ville de Phrygie, il y mourut au mois d'Octobre de la neuviéme indiction: c'est-à-dire en 545. Les Peres' de la grande Laure l'aiant appris allerent à Jerufalem demander un Abbé au patriarche Pierre: mais en un voiage qu'il avoit fait à C. P., Theodore de Cappadoce l'avoit obligé de prendre pour fyncelles Pierre d'Alexandrie & Jean furnommé le Rond. Ceux-ci firent chaffer honteufement les Peres de la grande Laure de la maifon épifcopale de Jerufalem, & les obligerent à s'en retourner fans rien faire. Alors tous les Moines prirent le P. 370. parti des Origeniftes les uns cedant à la neceffité ou aux flateries: d'autres par ignorance ou par crainte. Il n'y avoit que la grande Laure qui leur refiftoit; & ils faifoient tous leurs efforts, pour s'en rendre maîtres: Enfin ils en élurent n. 88. Abbé un Origenifte nommé George, & le mirent à main armée en poffeffion du Siege de faint Sabas. Mais plufieurs des Peres fe difperferent en divers lieux; faint Jean le Silencieux fortit de la cellule où il étoit reclus, pour fe retirer au mont des Olives & plufieurs autres avec lui. Et le même jour qu'on les chaffoit, Nonnus auteur de tous ces maux mourut fubitement.

:

condamne

Alors Theodore de Cappadoce aiant pris le XX. deffus par fon credit à la Cour, principalement Juftinien depuis le départ du Legat Pelage: voulut van- les trois ger la condamnation d'Origene, & diminuer en chapitres. même tems l'autorité du concile de Calcedoine. Lib.brev C'eft pourquoi il entreprit de faire condamner. 24. Theodore de Mopfuefte, qui avoit beaucoup R 6

écrit

écrit contre Origene, & qui fembloit d'ailleurs AN. 546. avoir été approuvé par le concile. En cela Theodore de Cappadoce fatisfaifoit à tous fes interêts, étant Origenifte & Acephale; & fuivoit l'ouverture que l'on avoit donnée, de condamner les morts, par la condamnation d'Origene. Voiant donc que l'Empereur Juftinien écrivoit contre les Acephales, pour la défense du concile de Calcedoine il vint le trouver avec fes partifans, qui fous le nom de Catholiques foûtenoient les fchifmatiques, appuiez par l'Imperatrice Theodora. Il eft inutile, dit-il à l'Empereur, de vous donner la peine d'écrire, puifque vous avez un moien bien plus court de ramener tous les Acephales. Ce qui les choque dans le concile de Calcedoine, c'eft qu'il a reçu les louanges de Theodore de Mopfuefte, & qu'il a declaré orthodoxe la lettre d'Ibas, qui est entierement Neftorienne. Si on condamne Theodore avec fes écrits & la lettre d'Ibas, le concile leur paroîtra corrigé & juftifié, & ils le recevront entierement: vôtre Pieté les reconciliera fans peine à l'Eglife, & en aquerra une gloire immortelle.

L'Empereur ne s'appercevant pas de l'artifice des Acephales les écouta volontiers, & promit de faire ce qu'ils defiroient. Ils le prierent donc de publier un écrit pour la condamnation des trois chapitres : c'est-à-dire des écrits de Theodore de Mopfuefte, & la lettre d'Ibas, & de l'écrit de Theodoret contre les douze anathêmes de faint Cyrille. Ils vouloient ainfi engager l'Empereur car ils jugeoient bien que quand il auroit publié un écrit qui feroit connu de tout le monde, il auroit honte de fe dédire, & l'affaire feroit fans retour. Car ils craignoient le peril où ils fe trouveroient fi on le defabufoit, L'Empereur Juftinien quita donc l'ouvrage

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