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DISCOURS D'OUVERTURE

POUR la Séance publique de l'Académie de Marseille, du 20 mai 1813;

Par M. CROZE-MAGNAN, Président.

MESSIEURS,

L'ACRICULTURE et le commerce sont les deux sources principales de la richesse et de la prospérité d'un empire. Florissantes pendant la paix, elles éprouvent, en tems de guerre, des obstacles et des dommages qui peuvent les conduire à leur ruine totale. Un gouvernement sage et politique les protége également; et lorsque des circonstances difficiles ou des événemens désastreux portent des préjudices marqués à l'une d'elles, il fixe son attention sur l'autre, pour balancer ou plutôt pour réparer les pertes que l'état éprouve : c'est ce qui se passe de nos jours Une longue guerre a interrompu notre commerce maritime ; nos ports marchands sont fermés à l'immense circulation des productions étrangères, qui étaient devenues nécessaires à l'aisance et au luxe de la plupart des Français. Le

gouvernement, aussi jaloux d'abaisser l'orgueil et les prétentions d'une nation rivale et présomptueuse, qu'attentif à nous dédommager des privations momentanées que la guerre occasione, a porté ses vues sur l'agriculture, et, par une protection aussi prudente qu'éclairée, il veut pourvoir aux premiers besoins de la vie, et suppléer au défaut des denrées devenues, pour nous, des objets de nécessité. Des encouragemens et des récompenses, donnés à l'industrie, nous ont procuré des sucres qui peuvent, en quelque sorte, remplacer celui de canne. Le pastel supplée à l'indigo d'Amérique; le miel nous est offert plus épuré; la culture des plantes céréales, des végétaux farineux, des légumes, des fruits de toute espèce, a acquis un perfectionnement qui multiplie les espèces et les améliore; enfin, tout ce qui a rapport à l'économie rurale, est l'objet de l'étude et des soins des cultivateurs instruits, et l'expérience ajoute à la certitude de la théorie.

L'Académie, empressée de seconder les vues du gouvernement, consultée, par les autorités constituées, sur divers objets relatifs à l'agriculture de Marseille, leur a fourni plusieurs mémoires et renseignemens qui concernent la statistique et les récoltes de notre terroir. Plusieurs de ses membres, propriétaires de domaines ruraux,

ont porté leur attention sur les productions de notre territoire. Le jardin de botanique, le cours de cette science, les prix proposés par l'Académie, tout concourt à propager l'amour de l'agriculture et à encourager les cultivateurs. Dans ces circonstances, j'ai cru devoir vous présenter, Messieurs, un précis historique sur l'agriculture ancienne et moderne, qui pourra servir de discours préliminaire aux différens mémoires, observations et rapports que plusieurs membres de l'Académie préparent, et qu'ils se proposent d'insérer dans nos recueils annuels.

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PRÉCIS HISTORIQUE

ancienne et moderne ;

SUR l'Agriculture ancienne et

Par M. CROZE-MAGNAN, Président.

L'ACRICULTURE est le premier des arts. La

nature en indiqua les principes, la nécessité les fit adopter, et l'expérience en établit le déve loppement et en multiplia les progrès. Dès que les hommes furent réunis en société, ils durent s'occuper de leur subsistance et des moyens de se la procurer plus certaine, plus abondante et plus agréable.

En lisant l'histoire des peuples les plus anciens, on voit qu'ils se livrèrent tous à l'agriculture. Le soin des troupeaux et la culture des terres furent les occupations des patriarches. Les habitans de la Mésopotamie et de la Palestine suivirent leur exemple, et les rois de Juda ne dédaignèrent pas de s'occuper de ces pénibles travaux. Les Assyriens, les Persans et les Mèdes furent également cultivateurs. Les Egyptiens, qui attribuaient à Isis la gloire d'avoir trouvé le blé, et à Osiris celle d'avoir inventé la charrue, étaient agriculteurs dès le tems d'Abraham et de Jacob. Ce qu'ils firent, pour la fertilité de leur pays,

est aussi étonnant que les monumens de leur grandeur et de leur industrie. Au commencement de la monarchie, les terres étaient divisées en trois parties l'une appartenait aux prêtres, la seconde au roi et la troisième aux soldats; mais chacun de ces propriétaires, occupé des devoirs de son état, laissait aux laboureurs, le soin de cultiver ses domaines, moyennant une redevancé, et leur assurait protection et tranquillité.

Les Grecs apprirent, sans doute des Egyptiens, l'art de cultiver la terre et surtout de l'ensemen, cer; mais, par une suite de leur orgueil, ils divinisèrent Cérès, reine de Sicile, et prétendirent lui devoir l'usage du blé et la manière de faire le pain. Pline, Virgile et d'autres écrivains assurent que l'invention de la charrue n'est pas dûe à Cérès, mais à Buriges ou Treptolème, fils de Celeus, roi d'Eleusis, Quoiqu'il en soit, le goût de la nation pour l'agriculture s'accrut en proportion de sa population et de sa prospérité. Dans ce moment d'enthousiasme, dit l'abbé Tessier, tous les citoyens de l'Attique se disputaient à l'envi la gloire de contribuer aux progrès de l'agriculture, et d'enrichir leur patrie de nouveaux fruits, qui nous seraient peut-être encore inconnus, s'ils ne les avaient naturalisés chez eux, Aristée d'Athènes fut le premier qui cultiva l'olivier, et qui trouva le moyen d'ex

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