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bles de la minorité, ce favant Magiftrat, habile guerrier tout à la fois, déployer avec éclat, à la tête des troupes, fes talens militaires, fe faire craindre & chérir du foldat qu'il commande, former des fiéges, prendre des villes, & réprimer la licence des factieux, ouvertement déclarés contre le Souverain; fpectacle ordinaire chez les anciens dont l'éducation, vraiment nationale, embraffant tous les objets qu'exige la chofe publique, disposoit le citoyen à tous les emplois; mais qui eft un prodige de nos jours, uniquement réfervé aux génies affez vaftes & affez hardis pour franchir la sphère étroite de notre éducation encore dans fon berceau.

Doué de cette éloquence perfuafive qui enchaîne à fon gré la multitude & affure le triomphe à l'au torité, on verra maintenant Auffonne, par fa prudence, fa douceur & fon adreffe à manier les efprits, ramener une populace prête à tout ofer pour venger fon culte & fes autels, & fervir encore avec fuccès, fur ce nouveau théâtre, la religion, fon Prince & la patrie. Inacceffible à l'intérêt perfonnel & n'envisageant jamais que le bien public, il eut fouvent le courage de fufpendre & de détourner des ordres rigoureux furpris à la religion du Monarque, plus propres à faire des rebelles opiniâtres que des profélites fidelles. La modération fut l'ame de. fes démarches & couronna fes travaux.

Du plus parfait concert dans toutes les opérations avec l'Evêque Bertier & l'Intendant Pellot, il contint avec fermeté les Proteftans dans la foumif

fion due aux volontés du Souverain; mais il tempéra avec fageffe la févérité qu'une faute politique follicitoit quelquefois contr'eux. Cette conduite également fage & éclairée, malheureufement trop peu connue jufqu'alors, rendit la Cour des Aides chère & précieuse aux Montalbanois, impatiens de toute autorité depuis leurs troubles domeftiques, & qui n'avoient d'abord envifagé ce Tribunal que comme un nouveau fardeau & de nouvelles chaînes dont on le chargeoit pour l'affervir à jamais. Auffonne devint leur confolateur & leur appui; il gagna leur confiance, & fut l'objet de la vénération publique. Auffi vit-on, fous fes heureux aufpices, des féditions prêtes à éclater, étouffées dès leur naiffance, & la foumiffion fuccéder à l'efprit de vertige qui avoit trop long temps agité cette ville rebelle.

Les Catholiques fiers déjà de leur nombre qui l'emportoit fur celui des Proteftans, & entraînés par un zèle plus amer qu'éclairé, fembloient fomenter de nouveaux troubles qui alloient replonger la ville dans les mêmes malheurs dont elle fe relevoit à peine. La populace, prefque toujours fanatique dans toutes les croyances, parce qu'elle manque de lumières, brûloit de venger les outrages faits à fon culte par de nouveaux outrages. Méconnoiffant les vrais principes d'une religion qui porte avec ellemême le caractère inaltérable de la bienfaifance, de la douceur & de l'humanité, elle penfoit follement ne pouvoir honorer dignement fon auteur qu'en oppofant injure à injure, violence à violence,

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excès à excès. L'autorité fagement combinée des gens en place fut en même temps une barrière falutaire contre laquelle fe brifa la fougue bouillante de quelques catholiques, & la fauvegarde facrée des Proteftans.

Le Clergé non content d'avoir recouvré les principales églifes & les biens qui y étoient attachés, demanda encore la reftitution de l'emplacement de la chapelle de l'hôpital de Lautié, fur lequel les Calvinistes avoient conftruit en 1613 le temple appelé le temple neuf. Les Proteftans refusèrent obftinément de le rendre, malgré la juftice de la réclamation du Clergé. La populace Catholique menace de le reprendre de force. Les efprits s'échauffent de part & d'autre, & déjà une fédition violente alloit femer de nouveau dans Montauban la confternation & l'effroi, lorfque le Premier Préfident Auffonne, balançant d'une main impartiale fon autorité entre les deux partis, calma les efprits irrités, & réprima les faillies de cette fédition renaiffante. Il perfuade aux Catholiques & aux Proteftans de recourir au · Confeil pour y faire valoir leurs prétentions refpectives. Les Proteftans envoyent leurs députés; l'Evêque Bertier plaide la caufe des Catholiques & l'emporte. Les Proteftans furent condamnés à rendre au Clergé l'emplacement de la chapelle de Lautié; mais ils ne fauroient confentir qu'un monument confacré à leur religion fervit de trophée au triomphe de leurs rivaux, & ils obtiennent la démolition du temple neuf. Cet échec douloureux pour les Protef

tans fut néanmoins le germe de leur vraie félicité & de la fplendeur de Montauban. Dénués, pour ainfidire, de tout centre de réunion, ils ne s'envisagerent plus que comme des membres ifolés d'un corps entièrement éteint. Sans fe départir cependant des fentimens intérieurs de leur croyance, ils s'uniffent. d'intérêt aux Catholiques, & concourent avec eux à l'envi, entraînés par une noble émulation, au bonheur commun. Ils déplorent alors les uns & les autres ces jours d'horreurs & d'alarmes, où livrés à un funefte aveuglement, ils outrageoient fans pudeur, par principe de religion, la nature, l'humanité & la religion même.

Telle fut l'influence de la prudente conduite d'Auffonne, trop éclairé pour être fanatique & oppreffeur. La perfécution eût rallumé l'incendie mal éteint; l'humanité comprima les étincelles qui partoient de fes débris encore fumans. Heureux le Querci, fi les dépofitaires de l'autorité du Souverain dans cette province, n'avoient point été quelquefois entraînés malgré cux hors de ce fyftème de modération, qu'ils adoptèrent tous déformais à l'envi, parce qu'ils en connurent les avantages inconteftables! Les Quercinois en verront bientôt éclorre la culture des lettres & des arts, négligée parmi eux depuis les guerres civiles, & le germe précieux. de leur commerce qui s'étendra dans les deux hémifphères après avoir été prefque étouffé, dans fa naiffance, par une politique impérieufe & peu prévoyante.

L'Evêque Bertier & l'Intendant Pellot, dignes émules d'Auffonne, voulurent hâter l'heureuse révolution que ce célébre Magiftrat préparoit. Il falloit furtout dépouiller les Montalbanois de cette rouille de férocité contractée dans les combats, enchaîner,, pour leur félicité réciproque, leur activité naturelle, qui n'avoit encore prefque jamais éclaté que pour s'entredéchirer & s'entredétruire. Perfuadés que le travail impofé au peuple, mêlé au fentiment d'une existence douce & gracieufe, eft le frein de la licence & des troubles, Pellot & Bertier effacent en partie les monumens qui retraçoient l'image odieuse de la guerre, par des embellissemens & des édifices publics, où font étalés avec magnificence les richelles de l'art fecondé par la nature. Pellot comble les foffés, refte malheureux des ouvrages que la difcorde avoit élevés, les transforme en promenades délicieuses élève à l'extrémité de Montmirat un quai, l'admiration des étrangers An. 1667. Corftruit un pont pour y parvenir, & répare les brêches faites dans le temps des guerres civiles, au pont de Villebourbon. Les Montalbanois, déjà vrais citoyens, ne font point infenfibles à ces bienfaits; ils rendent un hommage éternel à l'administration vigilante & fage de Pellot. Comme par un preffentiment de l'utilité qui devoit un jour réfulter pour leur commerce de la réparation du pont, ils en confacrent en 'particulier le fouvenir dans une infcription gravée fur la principale pile de ce pont, conçue en ces termes :

&

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