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trouvoit être le samedi, fut célébré par un 1775. pseaume ou deux, et ensuite par une partie Décem. de cartes. Mes hôtes m'apprirent que les

mois d'hiver, juillet et août, étoient plus froids qu'au Cap; que la terre y est couverte ordinairement pendant deux jours de deux pouces de neige; que dans cette saison, comme dans les autres, ils tenoient pendant la nuit leur gros bétail et leurs moutons dans un parc, en plein air, d'où ils les faisoient sortir le jour pour aller chercher leur nourriture.

Agter Bruntjes-hoogte, où nous venions 1776. d'arriver, est un pays assez plat. Il comJanv. mence vers la source de la petite Vish-ri

vier. Il est séparé de Camdebo par Bruntjeshoogten, montagnes de Bruntjes. Ce pays est donc, par rapport à Camdebo, derrière (Agter) Bruntjes-hoogte. Les Sneeuwber gen (montagnes de neige), ainsi nommées de ce que les plus hautes en sont, dit-on, couvertes dans l'hiver, et qu'elle y demeure durant une partie de l'été, sont situées au nord de Camdebo. Ces montagnes sont vraisemblablement de la même nature que celles de Roggeveld et Bockeveld, et peut-être même font-elles partie de la chaîne que forment ces dernières.

Les plus basses Sneeuwbergen sont habi

tées toute l'année, mais l'hiver est fort rude au sommet des plus hautes; ce qui fait que 1776. les Colons les quittent ordinairement dans Janv. cette saison, pour descendre à Camdebo.

Quelquefois aussi les habitans de ces montagnes les plus éloignées sont obligés de déserter entièrement leurs possessions chassés par des ennemis perfides et terri

bles : ce sont des hommes-boshis de la race la plus sauvage, et qui ne vivent que de pillage, ceux que j'ai décrits tome Ier, page 257. Ils se tiennent cachés en embuscade, et delà lancent sur les bergers leurs flêches empoisonnées, les tuent, et chassent devant eux tout le troupeau, quelquefois composé de plusieurs centaines de brebis, la principale et souvent la seule richesse du fermier.

S'ils ne peuvent emmener avec eux le troupeau entier, et qu'ils en aient le tems, ils tueront, en faisant retraite, ou blesseront tout le reste. Il seroit inutile de vouloir les poursuivre. Ils savent courir et gravir les montagnes les plus escarpées avec une vitesse presqu'égale à celle des singes, et du sommet ils roulent des quartiers de roches sur ceux qui auroient la témérité de les y suivre. Quand la nuit vient, ils sortent de ces retranchemens par des chemins

qu'eux seuls connoissent. Ces bandits avoient 1776. depuis peu quitté, comme de concert, leurs Janv. repaires, qui sont ordinairement des creux

de rocher, et s'étoient rassemblés par troupes de plusieurs centaines, pour aller en corps commettre de nouveaux brigandages. Comme j'étois à Agter Bruntjes-hoogte, il y passa un fermier que les Boshis avoient obligé de fuir de ces montagnes. Il étoit accompagné de sa famille, de ses serviteurs, de son bétail, et cherchoit un autre lieu où il pût fonder avec plus de sureté un nouvel établissement. Il nous dit que les Boshis devenoient de jour en jour plus hardis, et que leur nombre sembloit s'augmen ter, à mesure que les Colons mettoient plus d'acharnement à en exterminer la race. C'étoit sans doute la cause qui avoit porté les Boshis à se réunir en troupes nombreu ses, pour s'opposer à leur tour aux usurpations des Colons, qui les avoient déja chassés de la plupart de leurs demeures favorites, et des lieux les plus favorables à leur chasse.

Le même fermier nous raconta qu'un paysan avoit été assiégé par des Boshis dans sa chaumière, lui, sa femme et ses enfans, et qu'il n'avoit pu s'en débarrasser qu'à force de les fusiller, Ils avoient récemment

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enlevé à un autre fermier la meilleure partie de son bétail, quoiqu'ils eussent essuyé 1776 peu de tems auparavant un échec terri- Jann ble, comme on va le voir.

Plusieurs fermiers, voyant qu'il leur étoit impossible de joindre les Boshis, ni à la course, ni d'aucune autre manière, s'avisèrent d'un stratagême. Ils tuèrent une vache marine, dont ils n'emportèrent qu'une petite portion, laissant le reste de cette vaste proie pour appât à leurs ennemis. Cependant ils eurent soin de se tenir en embuscade à peu de distance. Les Boshis, alléchés par cette amorce, descendent allégrement de leurs repaires, eux, leurs femmes et leurs enfans, se promettant une ample curée. Alors les fermiers les investissent et changent la fête en une scène d'horreur et de carnage.

Les Colons n'épargnérént, nous dit-on, et ils n'épargnent jamais, ni les femmes enceintes des Boshis, ni les enfans à la mamelle, à moins qu'ils ne les trouvent propres à augmenter le nombre de leurs esclaves. Il règne entr'eux un esprit de haine et de vengeance que les habitans sur-tout ont soin de fomenter. Dès qu'un Colon entrevoit un homme Boshi, il le tire à l'instant, lâche sur lui ses chevaux et ses chiens,

les anime à le poursuivre, et chasse les 1776. misérable sauvage avec plus de fureur et Janv. d'acharnement que si s'étoit un loup ou quel

qu'autre bête féroce. Si les habitans ap prennent que les Boshis sont en plaine, ils vont à cheval les attaquer. Quoique les sauvages soient en très-grand nombre, quel ques paysans suffisent pour les mettre en déroute; Car ceux-ci ont soin de se tenir toujours à la distance de cent ou cent cinquante pas. Ils ont dans leurs gros mousquets une forte charge; ils descendent de cheval, posent leur arme sur son appui comme il est d'usage, pour pouvoir ajuster avec plus de certitude; et l'on m'a assuré que d'une seule balle ils perçoient quelquefois six, sept et huit hommes; ce qui est d'autant plus probable, que les Boshis, lorsqu'ils se voient attaqués, se réunissent en un peloton, et se tiennent extrêmement serrés. Ils peuvent, il est vrai, lancer une flêche à deux cent pas; mais comme elle décrit necessairement dans l'air une ligne courbe, ils ne sont jamais sûrs de leur coup; d'ailleurs, si par hasard elle tomboit sur un des fermiers, elle auroit perdu sa force à cette distance; à peine pourroit-elle per cer leurs chapeaux ou les gros habits de fil ou de laine dont ils sont couverts.

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