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MEMOIRES

SUR L'ANCIENNE

CHEVALERIE,

Confidérée comme un établissement politique & militaire.

CINQUIEME PARTIE.

PRE's avoir exposé,

les

peut-être même exagéré, fur la foi de nos anciens Auteurs avantages de la Chevalerie militaire, de laquelle il ne reste plus que des veftiges dans les divers ordres de la Chevalerie régulière ou religieufe; nous devons, pour ne point faire illufion à nos lecteurs rapporter les inconvéniens & les abus qui contrebalancèrent les avan, Tome II.

A

tages dont nous avons fait l'énumération. Le defir de contenter, autant que nous le pourrons, la curiofité des mêmes lecteurs, nous oblige auffi de rechercher quelles peuvent avoir été les caufes de la décadence & de la chûte totale de notre Chevalerie.

On nous aura, fans doute, accufés plus d'une fois, ou du moins foupçonnés d'une prévention aveugle, lorfqu'en lifant tout ce que nous avons dit à l'honneur de la Chevalerie, on fe fera rappelé que les fiècles dans lefquels elle étoit la plus floriffante, furent des fiècles de débauche, de brigandage, de barbarie & d'horreur; & que fouvent tous les vices & tous les crimes fe trouvoient réunis dans les mêmes Chevaliers qu'alors on érigeoit en héros. A la vûe de tant (1) de defordres (1), comment fe

perfuader que les loix de la Chevale rie ne refpiraffent que la religion, la vertu, l'honneur & l'humanité ? Néanmoins ces deux vérités fi contraires en apparence, font également conftatées.

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Rien n'étoit plus capable d'établir l'émulation parmi les guerriers que les loix de la Chevalerie; fes préceptes & fa morale, quoiqu'imparfaite à quelques égards doient à faire régner l'ordre & la vertu: il eft fûr que plufieurs de nos Chevaliers, fidèles aux engagemens de leur état, furent des modèles accomplis des vertus militaires & pacifiques ; & c'eft beaucoup qu'au milieu de ces fiècles fi groffiers & fi corrompus la Chevalerie ait produit de tels exemples. Combien d'autres vertus n'auroit-elle pas fait fleurir dans des temps plus polis & plus éclairés ?

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Les hommes font inconféquens; il y a toujours bien loin de la spéculation à la pratique. Dans les états les plus réguliers, le nombre de ceux qui vivent conformément aux règles eft prefque toujours le plus petit, fi ce n'eft peut être dans les premiers commencemens. A mefure que l'on s'éloigne de l'origine, le temps introduit des abus: mais ces abus doivent être imputés

aux hommes, & non pas à la profeffion qu'ils ont embraffée. La Chevalerie eut à cet égard le fort de tous les autres inftituts; & d'ailleurs, pour ne rien déguiser, fa conftitution même étoit inféparable de divers inconvéniens. A la confidérer même du côté de la guerre, avec quel defordre ne devoit point combattre une milice impétueufe, qui ne recevoit de (2) loix que de fon courage (2), & fembloit chercher uniquement les moyens de multiplier les dan(3) gers (3); qui confondoit l'oftentation avec la gloire, la témérité avec la valeur, & qui dans l'ivreffe de fes faux préjugés, n'auroit jamais pû croire qu'il y eût eu des peuples plus fages, tels que les Lacédémoniens & les Romains, chez lefquels l'excès du courage étoit puni comme une lâcheté : une milice enfin prefque incapable de fe rallier, par conféquent de réparer fes fautes & fes pertes?

Si le pouvoir abfolu, fi l'unité du commandement eft le feul

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