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fçavantes apologies cette même Religion des calomnies qu'on publioit contre elle. Ils devoient pénetrer les myfteres les plus cachés du Paganisme, pour en faire connoître toutes les horreurs ; & ils avoient à répondre à des Philofophes fubtils, qui pour diminuer l'abfurdité du culte qu'on leur reprochoit, avoient recours à des explications allégoriques, qui fembloient donner un fens raifonnable aux pratiques les plus impies. De là les Ouvrages de Porphyre, de Jamblique, de Proclus, de Photin, & de plufieurs autres Philofophes Platoniciens. De là les Apologies des Peres des premiers fiécles, S. Juftin, Arnobe, Theodoret, Lactance, Clement d'Alexandrie, Tertullien, S. Auguftin, &c.

La verité a enfin triomphé de l'erreur ; & s'il fe trouve encore parmi des Nations groffieres & ignorantes quelques reftes des anciennes fuperftitions , ce n'eft pas la Religion qui les autorife, elles ont même difparu à mesure que le monde eft devenu plus éclairé.

J'ofe cependant affûrer que la connoiffance de cette même Mythologie eft encore très-utile. Elle fait une partie des Belles-Lettres, & elle fert infiniment à l'intelligence des Poëtes & de quelques Hiftoriens qui racontent les anciennes Fables,. ou qui y font d'éternelles allufions. On les trouve partout, ces Fables, & elles font encore le fujet de la plûpart de nos Piéces dramatiques ou lyriques, & de nos peintures. Or, on doit convenir. 1°. Que lors qu'on lit les Poëtes, & qu'on trouve ces anciennes fictions qu'ils ont fçû employer avec tant d'art, on a une vive curiofité d'en vouloir pénetrer le fens. 2°. Que des explications heureufes & dégagées de ce fatras d'allégories & de mortalités, qui faifoient tout le fond de nos premiers Mythologues, jettent une grande lumiere fur ces anciens Auteurs, & fervent à les entendre avec plus. de facilité. Voilà les juftes bornes dans lesquelles je renferme l'utilité de la Mythologie.

Je n'ignore pas que nous poffedons fur cette matiere un grand nombre d'ouvrages tant anciens que modernes ; j'ai cru cependant qu'il étoit encore néceffaire d'en donner un qui fût & plus méthodique & plus complet que ceux que nous ayons. Ce que je vais dire de ceux que je connois, prouvera

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ce que je viens d'avancer; après que j'aurai exhorté de bonne foi ceux qui ont quelque talent pour cette matiere, à y travailler ferieufement. Car on fe tromperoit fi on s'imaginoit que je croye l'avoir épuifée, & on me connoîtroit mal, fi on me jugeoit capable de cette baffe jalousie qu'on a contre ceux qui portent la faulx dans une moiffon qu'on femble s'être réfervée le champ que je cultive depuis tant d'années eft affez vafte pour recevoir plufieurs ou

vriers.

Comme ces réfléxions pourroient être trop étenduës, je me bornerai à examiner dans ce chapitre quelques chefs principaux. Le premier, quelles doivent être les connoiffances d'un Mythologue, & quels livres il doit avoir lûs. Le fecond, quelle utilité il peut tirer des fyftêmes déja imaginés pour l'explication des Fables. Le troifiéme enfin, comment il doit fe conduire dans l'explication qu'il veut en donner lui-même.

ARTICLE PREMIER.

Quelles doivent être les connoiffances d'un Mythologue.

J'ENTENDS par la Mythologie la connoiffance de la Fable, & en même tems de la Religion Payenne, de fes myftéres, de fes cérémonies & du culte dont elle honoroit fes fauffes Divinités.

On conçoit aisément que pour bien fçavoir la Fable, il faut avoir lû avec foin les Poëtes, Homere & Hesiode, fur tout les Tragiques qui en ont tiré les fujets de leurs Poëmes, & ceux qui en ont fait des Recueils, en vers, comme Ovide; en profe, comme Antoninus Liberalis, Diodore de Sicile, Apollodore, Hygin, & quelques autres.

Sçavoir à fond la Fable, n'eft à proprement parler, que la premiere démarche du Mythologue. Comme les Fables renferment plufieurs fens, & qu'elles font comme autant d'enveloppes fous lefquelles les Anciens ont caché plufieurs vérités; ceux qui fe font mis en état de les expliquer, fe font jettés dans differens partis, & chacun a cru y découvrir ce que le tour de fon efprit, ou le plan de fes études l'ont porté à y

vouloir trouver. Le Phyficien y a apperçû les myftéres de la nature; le Politique, des régles pour la conduite des Etats; le Philofophe, la morale; le Chimifte, les fecrets de fon art 5 ainfi des autres. De là tant de fyftêmes differens, dont il n'y en a pas un feul qui puiffe fatisfaire à toutes les difficultés qui fe rencontrent fur cette matiere, comme on le verra dans la fuite de ces Réfléxions.

Les Fables font de plufieurs fortes. Il y en a d'Hiftoriques, de Phyfiques, d'Allégoriques, de Morales, & d'autres qui ne font que de fimples Apologues. Les premieres font d'anciennes hiftoires mêlées de plufieurs fictions: felon moi, elles font le plus grand nombre. Les Fables Physiques, font celles que quelques Poëtes Philofophes inventérent, comme quand on a dit que l'Océan étoit le pere des Fleuves ; que la Lune épousa l'air & devint mere de la rofée, & prefque toutes les Cofmogonies des anciens Peuples, que je rapporterai dans la fuite. Les Allégoriques étoient une efpéce de parabole qui cachoit quelque fens myftique, comme celle qui fe trouve dans Platon, de Porus & de Penie, ou des richesses & de la pauvreté, d'où nâquit l'Amour. Les Fables morales font celles qu'on a inventées pour envelopper quelques vérités propres à régler les mœurs; comme celle de Narciffe, dont le but eft de rendre ridicule l'amour propre, quand il est pouffé trop loin. Je mets dans le genre des Fables morales tous les apologues, où l'on fait prefque toûjours parler les bêtes, pour apprendre aux hommes leurs devoirs, ou pour critiquer leurs défauts. Il y a des Fables inventées à plaisir, qui paroiffent n'avoir d'autre fin que de divertir, comme les Fables Miléfiennes & les Sybaritides. Enfin il y en a de mixtes, qui avec un fond hiftorique, font cependant des allufions manifeftes ou à la morale, ou à la Phyfique.

Le Mythologue doit avoir une extréme attention à démêler & à pénétrer tous ces fens, & ne pas croire qu'une Fable eft purement physique ou morale, parce qu'elle fait allufion ou à la morale ou à la phyfique; ou qu'elle eft entierement historique, parce qu'on y découvre quelque évenement; & c'est un écueil que n'ont pas évité la plupart de ceux qui ont voulu expliquer les Fables.

Pour ce qui regarde l'intelligence de la Religion payenne & de ses myfteres, dont les Fables faifoient le fond principal, quelles connoiffances ne doit pas avoir acquifes un Mythologue? Outre tous les Poëtes & les Hiftoriens, il doit avoir lû principalement les Ouvrages des Philofophes qui vêcurent au commencement du Chriftianifme; & ceux des Peres & des Apologiftes de la Religion Chrétienne, qui les attaquoient, ou qui fe défendoient de leurs calomnies: j'entends, S. Juftin Martyr, Eusebe, Clement d'Alexandrie Lactance, Theodoret, Arnobe, fur-tout les Livres de la Cité de Dieu de S. Auguftin.

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Pour n'avoir indiqué au Mythologue que ces anciens Auteurs, je ne le difpenfe pas pour cela, de la lecture d'une infinité d'autres Ouvrages: car, comme une bonne Mythologie, telle que je conçois qu'elle devroit être, doit contenir tout ce qui regarde, outre les dogmes de la Religion payenne & les cerémonies religieufes, toutes les autres branches de cette Théologie; les Prêtres & leurs vêtemens, les Temples, les marques fymboliques de leurs Dieux, les Sacrifices, les Victimes differentes, les Myfteres, les Augures & Arufpices, les Oracles, les Sorts, les Jeux, les Fêtes, les Autels, &c. je dois lui indiquer les Auteurs qu'il doit confulter, fans prétendre néanmoins lui en donner une lifte complette. Sur les Temples, les Devins & les Oracles, il doit lire Van- Dale, & le Traité de Jules-Cefar Boulenger; fur les Fêtes, Fafoldus, Caftellanus, Jean Jonfton, & Meurfius; pour les Jeux, parmi lefquels la Religion étoit mêlée, le même Meurfius; pour les Autels, le Traité qu'en a fait le Pere Berthold; pour les Myfteres de Cerès & de Bacchus, Jean-Henri Eggelin, & pour les Bacchanales en particulier, Jean-Nicolas; pour ceux de Cerès ou Eléufiniens, Meurfius, & M. le Clerc qui l'a rendu plus méthodique & plus net; pour ceux de Mithras, M. della Torre Evêqe d'Hadria; pour ceux d'Atys & de Cybele, Laurent Pignorius ; pour ceux d'Ifis & d'Ofiris, le Traité de Plutarque fur ce fujet, & le même Pignorius; pour l'Oracle de Dodone en particulier, Herodote, le Fragment d'Etienne de Bizanne le Grammairien, avec les Notes de

l'Academ. des

tres.

Jacques Triglandius, & ce que M. l'Abbé Sallier en a donné dans nos Memoires; pour les Afyles, Jean Ofiander, & (1) I. vol. feu M. l'Abbé de Boiffi (1); pour les Sorts, les Augures, des Mém. de & les autres Preftiges, Jules-Cefar Boulenger: en gener Belles - Let- pour plufieurs cerémonies & coutumes religieufes, Pitifus & Rofin; bien entendu, comme l'a remarqué Reinefius, qu'il ne faut ajouter foi à ce dernier, que quand il rapporte les passages des Anciens. Pourles vœux & les Tables votives, le Traité de Jacques-Philippe Thomafinus ; fur ce qui regarde les fermens toûjours liés avec la Religion, le petit Traité de (2) Mém. J. B. Hansenius, & la Differtation de M. l'Abbé Maffieu (2; les Sacrifices & les Prêtres, Merula. Enfin on peut lire Dom Bernard de Montfaucon a tiré de ces Auteurs, & de plufieurs autres, dans fon Antiquité expliquée par les figures; & un grand nombre d'autres répandus dans le Tréfor de Grævius & de Gronovius, & dans les Memoires de IAcademie des Belles-Lettres.

de l'Academ. des BellesLettres.

pour

ce que

On m'objectera fans doute que nous avons déja des Mythologies toutes faites & un grand nombre d'Auteurs qui cze travaillé fur les Fables. Je le fçais, & c'est par un court examen de ces ouvrages, que je vais tâcher d'en faire connoître le merite & les défauts. Je ne parlerai point de Diodore de Sicile, ni d'Apollodore, ni d'Hyg in, parce qu'ils n'ont fait que recueillir les Fables, comme Ovide, Antoninus Liberalis, & quelques autres, fans les ramener à aucun fens raisonnable. Palephate qui a voulu les expliquer, eft un guide peu für. Les cinquante Narrations de Conon ne font gueres d'une plus grande utilité. Heraclide & un Auteur anonyme, dont nous avons deux Traités des chofes incroyables, ont à la verité ramené à l'Hiftoire les Fables qu'ils rapportent; mais ces ouvrages, ou peut-être ces fragmens, font trop courts, & ne rappor tent aucune autorité pour prouver les faits qu'ils contiennent. Les Catafterifies d'Eratoftene le Cyrénéen, ouvrage beaucoup moins érendu que celui d'Hygin, contiennent l'hiftoire des Constellations & de quelques étoiles; & pour bien connoître le ciel Poëtique & Aftronomique, il faut les avoir lûs, auffi bien que le Traité de Coefius où Blaeu, fans négliger même ce qu'a fait fur le même fujet l'Abbé l'Artigaut.

Le

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