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porte plus directement au mal que les mauvais exemples, & que rien n'attire plus fortement au bien que les bons. Les paroles & les raifons peuvent folliciter à l'un ou à l'autre ; mais l'exemple y entraîne par une force prefque invincible: c'est un fleuve qui nous porte, un torrent qui nous entraîne. Ce fleuve eft très-puissant pour Je bien quand il s'y porte: il bannit entiérement certains viccs ; il ôte toute la peine de certaines actions très-difficiles qui font paffées en coutume. Ainfi il ne faut pas douter que dans les premiers temps du Chriftianifme, lorfqu'il n'y avoit rien que d'édifiant dans la vie du commun des Chrétiens, leur exemple n'ait autant servi qu'aucune autre chofe à y attirer les peuples.

Il eft vrai que la pratique de ce devoir, dans toute la perfection, eft fi diffiicile, qu'on peut dire qu'elle comprend le plus haut point de la vie chrétienne. Car pour ne point fcandalifer le prochain, non-feulement il ne faut expofer aucun péché à fes yeux, mais il faut fupprimer devant lui toutes les humeurs & toutes ses pasfions. Les paffions ont toujours quelque chofe de contagieux : elles impriment leur image dans l'efprit de ceux qui les voient, & cette image en excite de femblables. Ainfi l'édification du prochain demande.

qu'on paroiffe toujours devant lui fans humeur, fans paffion, & fans autre intérêt que celui de la juftice. Elle demande auffi qu'on ne lui parle jamais qu'avec vérité, & qu'on la lui rende aimable par la douceur. Elle demande encore qu'on lui faffe voir dans les actions de fa vie la pratique des regles qu'on lui propofe, & qu'on ne fe fatle pas reprocher de parler d'une maniere & d'agir d'une autre; ce qui ne fauroit fe faire fans une vertu très-éminente, dont il faut approcher le plus près que l'on

peut.

Les bons exemples ont cet avantage de fe répandre comme une odeur dans tous ceux qui en font fpectateurs, & d'être par cela même une inftruction vivante & qui, de toutes les manieres d'inftruire, eft celle qui eft la plus efficace & la plus générale, puifqu'elle appartient à tout le monde. Ainfi perfonne n'eft exempt de cette obligation de remplir la maifon de Dieu de l'odeur de fes parfums, qui font les bonnes actions, & perfonne ne peut dire qu'il n'en ait pas le moyen. Car il n'y a perfonne qui ne puiffe édifier ceux qui le voient, par fa patience, par fon humilité, par le réglement de fes paroles & de fes actions. La charité, quand elle eft dans le cœur, eft un tréfor inépuifable de ces fortes de parfums; & ce ne peut être que

le défaut de charité qui nous mette dans
l'impuiffance de contribuer en cette ma-
niere à l'utilité de l'Eglife. Il faut pour cela
mener une vie réglée felon toutes les loix
de Dieu, & qu'il en paroiffe dans les ac-
tions une exécution fidele. Ce font là les
bons fruits que Dieu demande de nous,
& qui ne manquent jamais d'édifier le
prochain. Mais c'eft en vain qu'on prétend
contenter Dieu ou édifier les hommes,
quand on manque à l'accompliffement de
fes devoirs. Dieu a imprimé dans le cœur
commun des hommes un difcernement
affez jufte de la vraie vertu; & quand ils
fuivent fimplement la lumiere qu'ils y
trouvent, ils ne fe laiffent pas féduire, &
ils font portés à fuivre les bons exemples.
Quoiqu'on doive cacher fes vertus &
fes bonnes actions, de peur de s'attirer
l'eftime des hommes, il eft cependant
ordonné de briller devant les hommes
par fa lumiere, afin de les édifier & les 5. 16.
porter à glorifier Dieu. Il y a des vertus
qu'on doit tenir cachées ; mais il y en a
qui font des efpeces de charité qu'on doit
au prochain. Ainfi l'humilité est édifiante,
parce qu'elle eft contraire à l'amour pro-
pre. L'austérité eft édifiante, parce qu'elle
enferme la haine de foi-même & la fuite
du plaifir. La gravité eft édifiante, parce
que c'eft la marque d'une ame où la raison

Matth.

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du

domine, & qui n'eft pas emportée par les faillies des paffions. La modeftie, foit dans les paroles, foit dans les habits, est édifiante, parce que c'eft la marque d'une ame en qui l'humilité & la pureté regnent. L'égalité d'efprit eft édifiante, parce que c'eft une marque, ou que l'ame eft exempte des paffions, ou du moins qu'elle en eft fort maîtreffe. La douceur eft édifiante, tant parce qu'elle marque une ame tranquille, que parce qu'elle fait paroître qu'on aime ceux envers qui on l'exerce, & qu'elle n'irrite point l'amour propre prochain. La patience eft édifiante, parce qu'elle marque une ame foumise & réfignée à la volonté de Dieu, qui ne s'estime pas indigne du châtiment de Dieu ou des hommes, mais qui s'y foumet humblement. Mais il n'y a rien de fi édifiant que la charité, la compaffion pour le pro chain, & principalement pour fes ennemis, parce qu'il n'y a rien que les hommes aiment mieux que d'être aimés; & par conféquent rien ne donne plus d'entrée dans leur cœur , que l'affection qu'on leur témoigne; c'est particuliérement par cette vertu que les premiers Chrétiens ont furmonté & détruit le Paganifme, & c'est elle que l'on gagne les cœurs à Dieu.

par

§. 11. De la Vigilance Chrétienne.

LA vigilance chrétienne eft un des moyens les plus propres pour la conduite de la vie, & des plus recommandés dans l'Ecriture fainte, pour pouvoir réfifter aux tentations qu'on éprouve continuellement, & c'eft elle qui fournit des armes pour y réfifter. Ces armes confiftent principalement en trois chofes qu'elle nous découvre. Elle nous fait connoître d'abord les tentations, & elle nous donne lieu ainfi de regarder les créatures › par lefquelles le diable veut nous attirer, nonfeulement en elles-mêmes, mais comme étant entre les mains du démon qui les emploie pour nous perdre. Elle nous fait voir qu'il s'en fert comme d'un poifon pour nous donner la mort, comme d'une épée pour nous percer le cœur, comme d'un feu pour nous embrafer; qu'ainfi quelques attraits qu'elles puiffent avoir en ellesmêmes, elles doivent nous caufer de l'horreur, étant employées contre nous par ce cruel ennemi. Elle nous montre enfuite qu'il n'y a que Dieu qui puiffe nous fecourir contre cet ennemi, & elle nous oblige par-là à recourir continuellement à lui,

de peur de tomber dans les pieges de notre ennemi. Car c'eft la vigilance qui tient nos yeux ouverts du côté de Dieu,

comme

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