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Luc. VI.43.

Tertull, in Marc.

tre mauvais. Il prétendoit prouver ce dogme par ces paroles de l'évangile : L'arbre qui fait de mauvais fruits n'eft point bon, & l'arbre qui fait de Luc. §. 360 bons fruits n'eft point mauvais. Il fe fervoit auffi de la parabole, de ne point coudre de drap neuf avec le vieux, & de ne point mettre le vin nouveau dans les vieilles oudres; pour montrer, que l'ancienne loi ne convenoit point avec la nou- Epiph. har 4.n.§. velle, & que J. C. l'avoit rejettée. Il difoit, que lib. 4. c. 14. X5o le fouverain Dieu étoit invifible & fans nom : que le créateur du monde étoit le Dieu des Juifs, & que chacun de ces dieux avoit promis son Christ. Que le nôtre qui avoit paru fous Tibere étoit le bon, & que celui des Juifs, promis par le créa teur, n'étoit pas encore venu. Il rejettoit l'ancien teftament comme ayant été donné par le mauvais principe, & avoit compofé un livre nommé les antithéfes, ou contrarietez de la loi & de l'évangile. Il difoit que J. C. defcendant aux enfers, n'avoit point fauvé Abel, Henoc, Noé, & les autres juftes de l'ancien teftament, qui étoient les amis du Dieu des Hebreux ;. mais qu'il avoit fau- tren. x. c. x9. vé fes ennemis, comme Caïn, les Sodomites & les Egyptiens. Il tenoit ce Dieu des Hebreux pour le créateur & l'auteur de la matiere, & par conféquent de la chair. C'est pourquoi il nioit qu'elle deût réfufciter : & condamnoit le mariage, ne baptisant que ceux qui faifoient profeffion de continence. Ses fectateurs s'abftenoient de la chair, des animaux & du vin, & n'ufoient

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que d'eau dans le facrifice. Ils jeûnoient le famedi, en haine du créateur: & ils pouffoient la haine de la chair, jufques à s'expofer d'eux-mêmes à la mort fous prétexte de martyre. Cette herefie eut un grand nombre de fectateurs : elle s'étendit loin, & dura pendant plufieurs fiécles.

Entre les difciples de Marcion, le plus fameux. fut Apelles, qui étant tombé dans un peché d'incontinence avec une femme fut, retranché de la. communion fon maître, & par pour fe dérober à fa veuë,s'enfuit à Alexandrie. Il difoit, que Dieu avoit fait plufieurs anges & plufieurs puiffances; & de plus une vertu, qu'il nommoit le Seigneur:: qui avoit fait le monde, à l'imitation d'un monde fuperieur, dont toutefois il n'avoit pû atteindre la perfection. C'est pourquoi il avoit mêlé au. fien le repentir. Il difoit que J.C. n'avoit pas eu. feulement l'apparence d'un corps, comme difoit Marcion, ni une veritable chair comme dit l'évangile mais qu'en defcendant du ciel, il s'étoit fait un corps celefte & aërien : & qu'en remon tant aprés la réfurrection, il en avoit rendu chaque partie: en forte que l'efprit feul étoit retourné au ciel. Auffi nioit-il la réfurrection de la chair: & tenoit les autres dogmes de Marcion.

Il avoit des écrits qui lui étoient particuliers, & qu'il appelloit phanerofes, ou révelations ; c'étoit les réveries d'une fille nommée Philumene, qu'il tenoit pour prophéteffe, & que l'on croit plûtôt avoir été poffedée. Apelles vêcut long.

temps, & en fa vieilleffe il paroiffoit fort grave Enf... §. & fort severe, par fon âge & par fa maniere de vivre. Rodon docteur catholique disputant un jour avec lui, & l'ayant convaincu, d'avoir dit plufieurs chofes mal à propos, il fut contraint de dire qu'il ne faut point examiner la religion: que chacun doit demeurer ferme dans la créance qu'il a une fois embraffée: & que ceux qui ont mis leurs efperences en J. C. crucifié, feront fauvez, pourveû qu'ils foient trouvez pleins de bon

nes œuvres..

XXXVI. S. Juftin philofophe chré.

tien.

Du même temps de Marcion vivoit S. Juftin philofophe chrétien, dont les ouvrages font venus jufques à nous. Il étoit de la province de Samarie, de la ville de Sichem, nommée auffi Flavia, à cause d'une colonie de Grecs, que Vespafien ou fes enfans y avoient envoyez toute-s fois il n'étoit pas Samaritain, mais Grec payen & incirconcis.Ilfe fit chrétien avec grande connoiffance de caufe, aprés avoir effayé de toutes les fectes de philofophes, comme il raconte lui-même en ces termes: D'abord je me donnai à un Stoïcien; & aprés avoir paffé bien du temps avec 21 D. lui, voyant que je n'apprenois rien de Dieu, car lui même n'en favoit rien, & difoit que cette connoiffance n'étoit pas neceffaire ; je le quittai & m'adreffay à un Peripateticien ; homme fubtil, comme il croyoit. Aprés m'avoir fouffert les premiers jours, il me pria de lui fixer fon falaire, afin que nos conversations ne nous fuffent pas F ffiij

Diab cuns Triph. init. edit. 1615.

inutiles : ce qui me le fit quitter, jugeant qu'il n'étoit point du tout philofophe. Et comme j'étois encore dans le plus grand empressement d'aprendre ce que la philofophie a de propre & de fingulier: j'allai trouver un Pytagoricien qui étoit en grande réputation, & n'avoit pas luimême une moindre opinion de fa fageffe. Aprés que je lui eus témoigné que je voulois être fon difciple: Et bien, me dit-il, avez-vous étudié la mufique, l'aftronomie, la géometrie? Où croyezvous pouvoir entendre quelque chofe de ce qui mene à la béatitude; fans avoir acquis ces connoiffances qui dégagent l'ame des objets fenfibles la rendent propre aux intelligibles, & la mettent en état de contempler la beauté & la bonté effentielle: Comme j'avoüay que je n'avois point étudié ces fciences, il me renvoya : car il les tenoit neceffaires.

On peut juger qu'elle étoit ma peine, de me voir fruftré de mon efperance, d'autant plus que je croyois qu'il favoit quelque chofe: mais d'ailleurs voyant le temps qu'il m'auroit falu employer à ces études, je ne pus fouffrir un filong délai : & je me déterminay à fuivre les Platoniciens. Il y en avoit un dans notre ville, homme de bon fens, & diftingué parmi eux. J'eus plufieurs conversations avec lui, & j'y profitay beaucoup.Je prenois grand plaifir à connoître les chofes incorporelles, & la confideration des idées élevoit mon efprit comme fur des aîles : en forte

que je croyois être devenu fage en peu de temps, & j'avois conceû la folle efperance de voir Dieu bien-tôt ; c'est le but de la philofophie de Platon. Cette difpofition d'esprit me faisoit chercher la folitude. Comme je me promenois au bord de la mer, je vis, en me retournant un vieillard, qui me fuivoit d'affez prés. Son exterieur n'étoit pas méprifable, & montroit beaucoup de douceur & de gravité. Nous entrâmes en converfation, & il me dit: Je voi que vous aimez les difcours, & non pas les œuvres & la verité; & que vous cherchez la science & les paroles, plûtôt que de venir à la pratique.

S. Juftin rapporte en fuite un grand entretien, dans lequel ce vieillard lui fit voir, que les philofophes mêmes qu'il eftimoit le plus, Platon & Pytagore, avoient erré dans les principes, & n'avoient bien connu ni Dieu, ni l'ame raisonnable. que les veritables fages étoient les prophetes, que Dieu avoit infpirez: comme il paroiffoit par leurs prédictions & par leurs miracles. Ce qui leur avoit donné créance, en forte qu'ils avoient établi la verité par l'autorité, & non par des difputes & de longs raifonnemens, dont de gens font capables. Que ces prophetes faifoient connoître Dieu le Pere & l'auteur de toutes choses, & fon Fils le Chrift qu'il a envoyé : qu'il falloit prier de nous ouvrir le portes de la lumiere, & nous faire connoître la verité. Le difcours de ce vieillard donna à S. Juftin un amour

peu

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