Plus dur que fer j'ai bâti cet Ouvrage, Que l'An qui roulle immortel en ses pas : Que l'eau, le vent, ou le brulant orage De Jupiter ne ruëront point à bas. Quand l'ennemi des hommes, le trépas Massoupira d'un somme dur, alors Sous le tombeau tout l'Auteur n'ira pas : Restant de lui la part qui est meilleure,
Toûjours, toûjours, fans que jamais je meure, Je volerai Cygne par l'Univers, Eternisant les champs où je demeure, De mes lauriers honorez & couverts, Pour avoir joint les deux Harpeurs divers Au doux babil de ma Lyre d'ivoire, Que j'ai rendus Vandomois par mes vers.
Sus doncque Muse, emporte au Ciel la gloire Que j'ai gagnée annonçant la victoire Dont à bon droit je me voi joüissant: Et de mon nom consacre la mémoire, Serrant mon front d'un laurier verdissant,
Et Ode derniere du Livre premier;
Par toi je plais, & par toi je suis lû. C'est toi qui fais que Ronsard soit élû Harpeur François, & quand on le rencontre Qu'avec le doigt par la ruë on le montre, Si je plais donc : fi je sai contenter; Si mon renom la France veut chanter; Si de mon front les étoiles je passe, Certes, mon Luth, cela vient de ta grace,
Pasquier, Livre v 1 1. de ses Recherches, chapitre v 1 1. » Conclusion : lui qui d'ailleurs en commune conversation étoit >> plein de modestie (il parle de Ronsard) magnifie sur toutes >> choses son nom par les vers, & lui promet immortalité en >> tant de belles & diverses maniéres, que la Postérité auroit - honte de ne lui entériner fa requête. Ses envieux s'en mo» quoient ; ne connoissant que c'est le propre d'un Poëte de se >> loüer: même qu'il a diversifié cette espérance en tant de fortes, >> qu'il n'y a placard plus riche dans ses Oeuvres que celui-ci.
MURET, dans la Préface de son Commantaire sur le pre
mier Livre des Amours de Ronsard: L'un, le reprenoit de se > trop loüer : l'autre, d'être trop audacieux à faire nouveaux > mots: ne sachant pas que cette coûtume de se loüer, lui est • commune avec tous les plus excellens Poëtes.
JOACHIN DU BELLAY dans son Ode au Seigneur Bonju: Plus grand qu'envie, à ces superbes villes Je laisserai leurs tempêtes civiles; Je volerai depuis l'Aurore Jusqu'à la grand' mere des eaux : Et de l'Ourse à l'épaule more, Le plus blanc de tous les oiseaux. Je ne craindrai, fortant de ce beau jour, L'épaifsse nuit du ténébreux séjour, De mourir ne suis en émoi Selon la loi du fort humain:
Car la meilleure part de moi Ne craint point la fatale main. Craigne la mort, la fortune, & l'envie, A qui les Dieux n'ont donné qu'une vie. Arriere tout funebre chant: Arriere tout marbre & peinture : Mes cendres ne vont point cherchant
Les vains honneurs de sépulture, Pour n'être errant cent ans à l'environ Des tristes bords de l'avare Acheron. Mon nom du vil peuple inconnu N'ira sous terre inhonoré. Les Sœurs du Mont deux fois cornu M'ont de sépulcre décoré,
Qui ne craint point les Aquilons puissans, Ni le long cours des fiécles renaissans.
Sainte MARTHE, dans son Ode à Etienne Pasquier:
Fallor? an fummas ubi fata metas Clauferint, ambos quoque nos perennis Aureo curru fuper alta rumor Sidera tollet.
MALHERBE, dans un de ses Sonnets au Roi Henri IV.
Mais qu'en de si beaux faits vous m'ayiez pour témoin; Connoissez-le, mon Roi; c'est le comble du foin Que de vous obliger ont û les Destinées. Tous vous favent loüer, mais non également. Les Ouvrages communs vivent quelques années: Ce que Malherbe écrit, dure éternellement.-
Et dans fon Ode au Roi Loüis XIII. allant châtier la rébellion des Rochelois :
Soit que de tes lauriers ma Lyre s'entretienne; Soit que de tes bontez je la fasse parler: . Quel rival assez vain prétendra que la sienne
Le fameux Amphion, dont la voix nompareille Bâtissant une ville étonna l'Univers,
Quelque bruit qu'il ait û, n'a point fait de merveille
Que ne faffent mes vers. Par eux de tes beaux faits la Terre sera pleine; Et les peuples du Nil qui les auront oüis, Donneront de l'encens, comme ceux de la Seine,
Et dans celle de la Reine Mere Marie de Médicis, sur les heureux succès de sa Régence:
En cette hautaine entreprise
Commune à tous les beaux Esprits, Plus ardant qu'un Athléte à Pife, Je me ferai quitter le prix. Et quand j'aurai peint ton image, Quiconque verra mon Ouvrage, A vouëra que Fontainebleau, Le Louvre, ni les Tuilleries, En leurs superbes galeries, N'ont point un si riche tableau.
Apollon à portes ouvertes Laifle indifféramment cüeillir Les belles feüilles toûjours vertes Qui gardent les noms de vieillir. Mais l'art d'en faire des couronnes, N'est pas fù de toutes personnes, Et trois ou quatre seulement, Au nombre desquels on me range, Peuvent donner une loüange Qui demeure éternellement.
Et dans son Ode au Roi Henri IV. sur le voyage de Sedan:
Ta loüange dans mes vers
D'amarante couronnée, N'aura sa fin terminée
Qu'en celle de l'Univers.
Et dans celle de Mr. de Bellegarde:
Les tiennes par moi publiées,
(Il parle des loüanges de Mr. de Bellegarde)
Je le jure sur les autels; Dans la mémoire des mortels Ne feront jamais oubliées. Et l'éternité que promet La Montagne au double sommer, N'est que mensonge & que fumée,
Ou je rendrai cet Univers Amoureux de ta renommée
Autant que tu l'es de mes vers.
Ce sera là que ma Lyre Fesant son dernier effort, Entreprendra de mieux dire
Qu'un cygne près de fa mort; } Et se rendant favorable
Ton oreille incomparable, Te forcera d'avoüer Qu'en l'aise de la victoire, Rien n'est si doux que la gloire De se voir si bien loüer.
Et dans les Fragmens:
Je veux croire que la Seine Aura des cygnes alors Qui pour toi feront en peine De faire quelques efforts. Mais vu le nom que me donne Tout ce que ma Lyre sonne, Quelle sera la hauteur De l'Hymne de ta victoire, Quand elle aura cette gloire Que Malherbe en soit l'auteur?
Mr. DU PERIER, dans une de ses Odes au Roi:
A ce bruit, je cours au Parnasse, Où fous des lauriers toûjours verts J'aborde d'une double audace Le Dieu qui préside aux beaux vers. Dès qu'il me voit, il me présante Sa Lyre d'or étincelante, Et féconde en chants inoüis. Au ton le plus haut je l'accorde: Et sous mes doigts plus d'une corde Parle des hauts faits de LoUIS.
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