Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AN. 1250.

p. 683.

aux François, ils pafferent le Tanis le jour du mardi gras huitiéme de Février 1250, & ayant furpris les ennemis dans leur camp, ils en tuerent plusieurs, entr'autres l'émir Facardin. Robert, comte d'Artois, paffa plus avant contre l'ordre exprès du roi fon frere, Matth. Par. & voulut fans différer attaquer la Maffoure. Comme le maître du temple plus fage & plus expérimenté s'efforçoit de le retenir, le jeune prince lui répondit en colere: Voilà l'efprit féditieux & la trahison des Templiers & des Hofpitaliers. On a bien raifon de dire que tout l'Orient feroit conquis il y a long-tems, fi ces prétendus religieux ne nous en empêchoient par leurs artifices: ils craignent de voir finir leur domination & leurs richeffes, fi ce pays étoit foumis aux Chrétiens. C'est pour cela qu'ils ont alliance avec les Sarrafins, qu'ils trahiffent les croifés, & les font périr par le fer & par le poifon. Fridéric n'a-t-il pas éprouvé leurs tromperies? Le maître du Temple & celui de l'Hôpital, outrés de ces reproches, fuivirent le comte d'Artois, ils entrerent dans la Maffoure qu'ils trouverent ouverte: mais ·les Sarrafins s'étant apperçus du petit nombre des François, revinrent fur leurs pas & les envelopperent dans cette place, enforte que la plupart y périrent, entr'autres le comte d'Artois, avec plufieurs chevaliers des ordres militaires.

XIX. Prife de S.

Louis.

M. S.

Quelques jours après, le nouveau fultan arriva à la Maffoure. Il fe nommoit elmélic Moadam Tourancha Gaïateddin, fils de Saleh. Alors on publia la mort de fon pere; il fut reconnu par toute l'Egypte, & fa préfence releva le courage des Mufulmans. Au contraire l'armée des Chrétiens dépériffoit de jour en jour les maladies & la difette des vivres, que l'absti

par

Id. p. 60.

nence du Carême augmentoit encore : enforte que "AN. 1250. ne pouvant plus fubfifter dans leur camp, ils reprirent Joinville, p. le chemin de Damiette. Comme ils étoient en marche 57 le cinquième jour d'Avril, qui étoit le mardi d'après l'octave de Pâque, les Sarrafins les attaquerent de toutes leurs forces, & ne laifferent pas de trouver grande résistance, nonobftant le petit nombre & la foibleffe des François.Gui de Château-Porcien, évêque de Soif- p. 78 fons, préférant la gloire du martyre au retour dans fa patrie, s'alla jetter seul au milieu des ennemis qui le tuerent promptement. Le roi S. Louis, malade com- p.617 me les autres, étoit fans armes monté fur un petit cheval, & il ne lui reftoit de tous fes chevaliers que Geoffroi de Sergines, qui après l'avoir défendu long-tems, le fit arrêter à une petite ville nommée Charmafac, Sanut. pag. où on le trouva fi mal, qu'on ne croyoit pas qu'il pût paffer la journée. Les ennemis y étant entrés, il se rendit prifonnier avec les François qui s'y trouverent: puis fes deux freres Alphonfe, comte de Poitiers & Charles, comte d'Anjou, enfin tout ce qui reftoit de l'armée, car le nombre des morts fut très grand. Le Guill.Guiart où il porta légat fe fauva par le Nil à Damiette, où il la nouvelle de cette défaite à la reine.

[ocr errors]

Le roi S. Louis fut mené à la Maffoure & mis aux fers: mais les Arabes le guérirent promptement par

210.

P. 144.

un breuvage propre à fa maladie. Il demeura un mois Guill.Carnot. en prifon, & pendant ce tems il ne ceffa point de réci- Duch. p.468, ter tous les jours l'office divin felon l'ufage de Paris, avec deux freres Prêcheurs, dont l'un étoit prêtre & fçavoit l'Arabe, l'autre nommé Guillaume de Chartres étoit fon clerc. Ils difoient tant l'office du jour que celui de la Vierge & la meffe entiere, mais fans confa

AN. 1250.

crer, le tout aux heures convenables; & même en présence des Sarrafins qui gardoient le roi. Car après fa prife ils lui apporterent comme en préfent, fon bréviaire & fon miffel. Ils admirerent fa patience à fouffrir les incommodités de fa prison & leurs infultes ; son égalité d'ame & sa fermeté à refuser ce qu'il ne croyoit pas raisonnable, & difoit: Nous te regardions comme notre efclave, & tu nous traites étant aux fers comme fi nous étions tes prifonniers. Les Joiny. p. 73. émirs difoient que c'étoit le plus fier Chrétien qu'ils euffent jamais connu.

XX. Traité pour

Louis.

Quelques jours après qu'il fut pris, le fultan lui fit la liberté de S. propofer une trève: demandant instamment avec des Epift. Du- menaces & des paroles dures qu'il lui fit rendre inchefne. p. 429, ceffamment Damiette, & le dédommageât des frais de Joiny. p. 66, la guerre du jour que les Chrétiens l'avoient prife. Le

430.

67,68.

roi fçachant que Damiette n'étoit point en état de fe défendre y confentit : mais quant aux places que les Chrétiens tenoient encore en Paleftine & dont on lui demandoit auffi la reftitution, il déclara qu'elle nè dépendoit pas de lui, puifque ces places appartenoient à divers feigneurs, ou aux chevaliers des ordres mi litaires. Le fultan le menaça de le mettre aux bernicles, tourment cruel, où un homme attaché entre deux piéces de bois, avoit tous les os brisés; & il se contenta de dire à ceux qui lui firent cette menace, qu'il étoit leur prifonnier, & qu'ils pouvoient faire 'Duchesne, de lui ce qu'ils vouloient. Ayant appris que plusieurs prifonniers comme lui, traitoient de leur rançon; & craignant pour ceux qui ne pourroient la donner fi forte, il défendit ces traités particuliers, & déclara qu'il youloit payer pour tous, comme en effet il l'exécuta.

2.494.

Le

Joinville..

Le fultan, voyant qu'il ne le pouvoit vaincre par AN. 1250. menaces, envoya lui demander quelle fomme d'argent il vouloit donner outre la restitution de Damiette. Le roi répondit que fi le fultan vouloit fixer une rançon raisonnable, il manderoit à la reine de la payer. Le fultan demanda un million de befans d'or, qui valoient alors cinq cens mille livres monnoie de France, & vaudroient aujourd'hui quatre millions, à trente livres le marc d'argent. Le roi dit qu'il payeroit volontiers les cinq cens mille livres pour la rançon de ses gens, & rendroit Damiette pour sa personne; & qu'il n'étoit point de condition pour mettre fa délivrance à prix d'argent. Le fultan l'ayant appris répondit: Par ma loi le François eft franc & libéral de n'avoir point marchandé fur une fi grande fomme: allez lui dire que je lui donne fur fa rançon cent mille livres; il n'en payera que quatre cens mille.

4,0.

Le traité fut donc conclu à ces conditions: Qu'ily Duchesne. p. auroit trève pour dix ans entre les deux nations: Que le fultan mettroit en liberté le roi Louis, tous les Chrétiens qui avoient été pris depuis fon arrivée en Egypte, & même depuis la trève faite par l'empereur Fridéric avec le fultan Camel ayeul de celui-ci : Que les Chrétiens garderoient paisiblement toutes les terres qu'ils poffédoient dans le royaume de Jérusalem à l'arrivée de Louis avec leurs dépendances. Louis de fon côté promettoit de rendre Damiette au fultan, & lui payer huit cens mille befans, tant pour la rançon des prifonniers que pour fon dédommagement. H devoit auffi mettre en liberté tous les Sarrafins pris en Egypte par les Chrétiens depuis fon arrivée, & dans le royaume de Jérusalem depuis la trève avec l'empe

Tome XVII.

Kkk

AN. 1250.

Abulf.p.324.

70.

Frag. Duc. P 433.

reur. Le fultan devoit conferver au roi & à tous les autres Chrétiens les meubles qu'ils avoient laiffés à Damiette; & donner sûreté & liberté aux malades & à ceux qui refteroient pour leurs affaires.

Ce traité ayant été ainfi conclu & juré de part & Joinv. p. 69, d'autre, le fultan Moadam marcha avec fes troupes vers Damiette pour en prendre poffeffion : mais comme il étoit à Pharefcour, les principaux émirs, irrités de ce qu'il ne fuivoit pas leurs confeils & de ce qu'il avoit fait ce traité fans eux, le tuerent fortant de table après fon dîner. Il n'avoit regné que deux mois & quelques jours depuis fon arrivée en Egypte; & en lui finit la race des Sultans Aïoubites ou enfans de Job, dont Saladin fut le premier : & qui avoit duré quatrevingt-deux ans. Alors commença le regne des Mammelucs: c'étoit des efclaves Turcs que Melic-Saleh avoit acheté des Tartares au nombre de mille, les avoit fait élever & dreffer à la guerre, & en avoit mis quelques-uns dans les plus grands emplois. Le premier de leur fultan fut Azeddin, autrement Moaz Ibec le Turcoman.

Auffi-tôt que Moadam fut mort, les émirs vinrent à la tente de S. Louis avec les épées fumantes, les mains enfanglantées & les vifages furieux. Un d'eux lui dit : Que me donneras-tu pour avoir tué ton ennemi, qui Duchefne. p. t'eût fait mourir s'il eût vécu? Le roi ne répondit rien,

404.

& l'émir lui préfentant l'épée comme pour le frapper, ajouta: Fais-moi chevalier, ou je te tue. Le roi fans s’émouvoir répondit, que jamais il ne feroit chevalier un infidéle. Enfin tous ces furieux s'appaiferent ils baifferent la tête & les yeux; & faluant le roi les mains croifées à leur maniere ils lui dirent: Ne craignez rien,

« AnteriorContinuar »