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as qu'on fervit à plufieurs une même chofe:

nais le maître ou fon Intendant, la divifoit en CHA P. portions, & il augmentoit celle qui étoit deftiX XXL. née à la perfonne qu'il vouloit diftinguer.

[La portion qu'on fervit à Benjamin, étoit cing fois plus grande que celle des autres. ] Jofeph, dans le deffein qu'il avoit de fonder le cœur de fes frères à l'égard de Benjamin, affe&ta de lui donner devant une nombreuse compagnie cette marque de diftinction; pour voir fielle ne les rendroit pas moins ardents à prendre fes intérêts, lorfqu'ils le verroient en danger; & û leur amour pour ce jeune frére étoit à l'épreuve de ces petites préférences, qui leur avoient donné autrefois tant de jaloufie contre lui-même.

CHAPITRE

XXXII.

Couppe de Fofeph dans le fac de Bemjamin. Il congédie fes frères, & fait courir après eux. La conppe eft trouvée. Jofeph veut mettre Benjamin en efclavage. Dif cours de Juda. Gen. 44.

A

PRE'S que Jofeph eut mangé avec fes frères, il donna fecrettement cet ordre à fon Intendant: Mettez, ditil, dans les facs de ces gens-là autant de bled qu'ils en pourront tenir, & l'argent de chacun d'eux à l'entrée de fon fac? & mettez ma couppe d'argent dans le fac du plus jeune. L'Intendant

fit ce qui lui étoit ordonné. Le lende CHAP. main matin ils partirent avec leurs ânes XXXI. chargez de bled. Mais à peine étoientils fortis de la ville, que Jofeph ppella fon Intendant, & lui dit: Partez, & courez après ces gens-là : arrêt tez-les, & dites leur, Pourquoi avezvous rendu le mal pour le bien, en volant la couppe dans laquelle boit mon Seigneur Vous avez là fait une trèsméchante action. L'Intendant les ayant atteints, leur dit ces mêmes paroles. Eux fort étonnez répondirent: D'où vient donc que mon Seigneur parle ainfi à fes ferviteurs: A Dieu ne plaise que vos ferviteurs faffent jamais une pareille action. Nous vous avons rapporté du pays de Chanaan l'argent que nous avions trouvé à l'entrée de nos facs: comment fe pourroit-il faire que nous euffions dérobé dans la maifon de votre maître de l'or ou de l'argent? Que celui qui fe trouvera faifi de la couppe, meure ; & nous demeurerons tous esclaves de notre Seigneur. Je le veux bien, reprit-il: cependant ce fera affez que celui à qui on la trouvera de meure efclave: pour vous, vous en ferez innocents. Auffitôt ils déchargé rent leurs facs, & chacun ouvrit le fien: l'Intendant les vifita; & la couppe fut

trouvée dans celui de Benjamin. Ils déchirérent alors leurs habits; & ayant rechargé leurs bêtes, ils retournérent à la ville, & allérent fe jetter aux pieds de Jofeph, qui leur dit : Qu'eft-ce donc que vous avez fait? Ignorez-vous qu'il n'y a perfonne qui connoiffe auffi bien que moi les chofes cachées? Juda prenant la parole, lui dit : Que répondrons-nous à mon Seigneur ; & que pouvons-nous dire pour notre juftification? Dieu s'eft fouvenu des péchez de vos ferviteurs. Nous fommes tous ef claves de mon Seigneur, nous & celui à qui on a trouvé la couppe. Dieu me garde, répondit Jofeph, d'agir de la forte. Celui entre les mains de qui ma couppe a été trouvée, fera mon efclave: pour vous autres, retournez en paix vers votre pére.

Alors Juda s'approchant de lui, dit : Mon Seigneur, permettez, je vous prie, à votre ferviteur de vous dire un mot ; & ne vous mettez point en colére contre votre esclave: car vous jugez fouverainement auffi bien. que PhaTaon. Mon Seigneur a demandé d'abord à fes ferviteurs: Avez-vous encore votre pére, & quelque autre frère ? Et nous avons répondu à mon Seigneur : Nous avons un pére fort âgé, & un

CHAP. XXXIL

jeune frére qui eft né dans fa vieilleffe.

CHAP. Son frère qui étoit de la méme méie, XXXII. eft mort: il eft refté feul, & fon pére l'aime tendrement. Vous dites alors à vos ferviteurs: Amenez-le-moi; je lerai bien aife de le voir. Et nous dîmes à mon Seigneur Le jeune homme ne peut quitter fon pére: car s'il s'éloigne de lui, fon pére mourra. Et vous dites à vos ferviteurs: Si votre jeune frére ne vient avec vous, vous ne paroîtrez plus devant moi. Quand nous fumes retournez vers notre pére votre ferviteur, nous lui rapportâmes ce que mon Seigneur nous avoit dit. [ Quelque temps après notre pére nous dit : Retournez en Egypte, & achetez-nous des vivres. Nous lui répondîmes: Nous irons, fi notre jeune frére vient avec nous: fans cela nous n'irons point, parce que nous ne pouvons paroître devant celui qui commande en Egypte, que notre jeune frére ne foit avec nous. Et notre pére votre ferviteur nous dit: Vous fçavez que Rachel mon époufe m'a donné deux fils. L'un étant forti d'auprès de moi, j'ai cru qu'une bête l'avoit dévoré; & je ne l'ai pas revû depuis ce temps-là. Si vous emmenez, encore ce lui-ci, & qu'il lui arrive quelque acci dent, vous accablerez ma vieilleffe

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d'une affliction qui la conduira au tombeau. Maintenant donc, fi je retourne CHA P. XXXII vers mon père votre ferviteur, & que ce jeune homme n'y foit pas; comme fa vie dépend abfolument de celle de fon fils, dès qu'il ne le verra point avec nous, il mourra; & vos ferviteurs accableront fa vieilleffe d'une douleur qui le mettra au tombeau. C'est moi qui ai répondu de ce jeune homme à mon pére, en difant, Si je ne vous le raméne, je confents d'être coupable à vos yeux tous les jours de ma vie. Que ce foit donc moi, je vous prie, qui demeure efclave de mon Seigneur à la place du jeune homme; & qu'il s'en retourne avec les frères. Car comment retournerois-je fans lui, pour être témoin de l'extrême affliction qui accablera mon pére?

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

[Mettez ma couppe dans le fac du plus jeune c. jufqu'à ces mots, Alors Juda s'approchant de lui. Cet endroit de la vie de Jofeph peut faire quelque peine à ceux qui aiment la fincérité, & qui ont horreur du menfonge. On voit bien quel eft fon deffein ; & ce deffein n'a rien que de louable. Il veut s'afsurer par: des preuves certaines, fi fes frères aiment fincérement Benjamin. Mais eft-il permis, dira-t-on, pour

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