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Nos Chrétiens, ma foibleffe, au temple m'ont con

duite,

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Sure de ton trépas, à cet Himen réduite,

Enchaînée à Gufman par des noeuds éternels,

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J'adorois ta mémoire au pied de nos autels.

Nos Peuples, nos Tirans, tous ont fçû que je t'aime.
Je l'ai dit à la Terre, au Ciel, à Gufman même,
Et dans l'affreux moment, Zamore, où je te vois,
Je te le dis encor pour la derniere fois.

ZAMORE.

Pour la derniére fois Zamore t'auroit vuë?
Tu me ferois ravie auffi-tôt que renduë!
Ah! fi l'amour encor te parloit aujourd'hui.

ALZIRE.

O Ciel! c'eft Gufman même, & fon pere avec lui.

SCENE V.

ALVARE'S, GUSMAN, ZAMORE, ALZIRE, fuite.

TU

ALVARE'S. à fon Fils.

U vois mon bienfaicteur, il est auprès d'Alzire.
à Zamore.

O toi! jeune Heros, toi par qui je refpire,
Vien, ajoûte à ma joye en cet augufte jour.
Vien avec mon cher fils partager mon amour.

ZA MORE.

Qu'entens-je? lui, Gufman? lui, ton fils, ce barbare?

ALZIRE.

Ciel! détourne les coups que ce moment prépare.

ALVARE'S.

Dans quel étonnement...

ZAMORE.

Quoi! le Ciel a permis,

Que ce vertueux pere eût cet indigne fils?

GUSMAN à Zamore.

Efclave, d'où te vient cette aveugle furie?

Sçais-tu bien qui je fuis?

ZAMORE.

Horreur de ma patrie!

Parmi les malheureux que ton pouvoir a faits,
Connois-tu bien Zamore? & vois-tu tes forfaits?

GUSMAN.

Toi?

ALVARE's.

Zamore!

ZAMORE.

Oui, lui-même, à qui ta barbarie
Voulut ôter l'honneur, & crut ôter la vie ;
Lui que tu fis languir dans des tourmens honteux,
Lui dont l'afpect ici te fait baiffer les yeux.
Raviffeur de nos biens, Tiran de notre Empire,
Tu viens de m'arracher le feul bien où j'aspire,
Acheve, & de ce fer, Tréfor de tes climats,
Prévien mon bras vangeur, & prévien ton trépas.
La main, la même main qui t'a rendu ton pere,
Dans ton fang odieux pourroit vanger la terre:1

* Pere doit rimer avec terre, parce qu'on les prononce tous deux de même. C'eft aux oreilles & non pas aux yeux qu'il faut rimer. Cela eft fi vrai, que le mot Paon n'a jamais rimé avec Phaon, quoi

Et j'aurois les Mortels & les Dieux pour amis,
En révérant le pere & puniffant le fils.

ALVARE'S à Gufman.

De ce discours, ô! Ciel, que je me fens confondre!
Vous-fentes-vous coupable, & pouvés-vous répondre?
GUSMAN.

Répondre à ce rébelle & daigner m'avilir,
Jufqu'à le réfuter, quand je le dois punir?
Son jufte châtiment, que lui-même il prononce,
Sans mon refpect pour vous, eût été ma réponse.

à Alzire.

Madame, votre cœur doit vous inftruire affes,
A quel point en fecret ici vous m'offenfés;

Vous, qui, finon pour moi, du moins pour votre gloire,
Deviés de cet efclave étouffer la mémoire:

Vous, dont les pleurs encor outragent votre epoux, Vous, que j'aimois affés pour en être jaloux.

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Cruel! & vous, Seigneur ! mon protecteur fon pere, à Zamoré.

Toi! jadis mon efpoir en un tems plus profpere,
Voyes le joug horrible où mon fort eft lié,

que l'ortographe foit la même; & ce mot encore rime très-bien avec abborre, quoiqu'il n'y ait qu'un R. à l'un, & qu'il y ait deux RR. à l'autre. La Poëfie eft faite pour l'oreille: un ufage contraire ne feroit qu'une pédanterie ridicule.

Et frémiffés tous trois d'horreur & de pitié.
en montrant Zamore.

Voici l'amant, l'époux que me choifit mon pere,
Avant que je connuffe un nouvel hémisphere,
Avant que de l'Europe on nous portât des fers.
Le bruit de fon trépas perdit cet Univers.
Je vis tomber l'Empire où régnoient mes ancêtres,
Tout changea fur la terre, & je connus des maîtres.
Mon pere infortuné, plein d'ennuis & de jours,
Au Dieu que vous fervés eutà la fin recours.
C'eft ce Dieu des Chrétiens, que devant vous j'attefte.
Ses Autels font témoins de mon Hymen funefte.
C'est aux pieds de ce Dieu, qu'un horrible ferment
Me donne au meurtrier qui m'ôta mon amant.
Je connois mal peut-être une loi fi nouvelle ;
Mais j'en crois ma vertu, qui parle auffi haut qu'elle.
Zamore, tu m'es cher; je t'aime, je le doi:

Mais après mes fermens je ne puis être à toi.
Toi, Gusman, dont je suis l'épouse & la victime,
Je ne fuis point à toi, cruel, après ton crime.
Qui des deux ofera fe vanger aujourd'hui ?
Qui percera ce cœur que l'on arrache à lui?
Toûjours infortunée, & toûjours criminelle,
Perfide envers Zamore, à Gufman infidelle,
Qui me délivrera, par un trépas heureux,
De la néceffité de vous trahir tous deux ?
Gufman, du fang des miens, ta main déja rougie,

Frémira

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