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CONSTAN

TIN.

du crime dont elle étoit feule coupa ble. Tous conviennent que Conftantin emporté par fa colere, le condamAn. 326. na à mort fans examen. Il fut mené loin des yeux de fon pere à Pola en Iftrie, où il eut la tête tranchée. Sidonius dit qu'on le fit mourir par le poifon. Il étoit âgé d'environ trente ans. Sa mort fut bien-tôt vengée. Le pere infortuné commença par fe punir lui-même. Accablé des reproches de fa mere Hélene & plus encore de ceux de fa confcience, qui l'accufoit fans ceffe d'une injufte précipitation, il fe livra à une espece de défefpoir. Toutes les vertus de Crifpe irritoient fes remords: il fembloit avoir renoncé à la vie. Il paffa quarante jours entiers dans les larmes, fans faire ufage du bain, fans prendre de repos. Il ne trouva d'autre confolation que de fignaler fon repentir par une ftatue d'argent qu'il fit dreffer à fon fils; la tête étoit d'or ; fur le front étoient gravés ces mots : C'est mon fils injuftement condamné. Cette statue fut enfuite transportée à Conftan

tinople, où elle fe voyoit dans le lieu appellé Smyrnium.

CONSTAN

TIN.

XLIX.

Mort de
Faufta.
Zof. l. 2.
Philoft. l. 2.

c.11.
Eutr. 1.1.
Sidon. ibid.

Vict. epit.

La mort de Crifpe chéri de tout l'empire, attira fur Faufta l'indigna- An. 336. tion publique. On ofa bien-tôt avertir Conftantin des défordres de fa perfide épouse. Elle fut accufée d'un commerce infâme, qu'il avoit peut-être feul ignoré jufqu'alors. Ce nouveau crime devint une preuve de la calomnie. Auffi malheureux mari que malheureux pere, également aveugle dans fa colere contre fa femme & contre fon fils, il ne fe donna pas non plus cette fois le tems d'avérer l'accufation, & il courut encore le rifque de l'injuftice & des remords. Il fit étouffer Faufta dans une étuve. Plufieurs officiers de fa cour furent enveloppés dans cette terrible vengeance. Le jeune Licinius qui n'avoit pas encore douze ans, & dont les bonnes qualités fembloient dignes d'un meilleur fort, perdit alors la vie, fans qu'on en fache le fujet. Ces exécutions firent horreur. On trouva affichés aux portes du palais deux vers fatyriques, où l'on rappelloit la me

moire de Néron. Des événemens fi CONSTAN- tragiques ont noirci les dernieres anTIN. nées de Conftantin: ils contribuerent An. 326. fans doute à l'éloigner de la ville de Rome, où s'étoient paffées tant de fcenes fanglantes; il la regarda comme un féjour funefte.

L.

Infultes que

me.

Ducange fam. Byz.

Rome de fon côté ne lui épargna Conflantin pas les malédictions & les injures. On reçoit à Ro raconte qu'un jour ayant été infulté par le peuple il confulta deux de fes Liban. or.1+. freres fur la conduite qu'il devoit tenir en cette rencontre. L'un lui confeilla de faire maffacrer cette canaille infolente & s'offrit à fe mettre à la tête des troupes ; l'autre fut d'avis qu'il convenoit à un grand prince de fermer les yeux & les oreilles à ces outrages. L'Empereur fuivit ce dernier confeil, & regagna par cette douceur ce que les rigueurs précédentes lui avoient fait perdre dans le cœur du peuple. L'auteur qui rapporte ce trait, ajoute que Conftantin diftingua par des emplois & des dignités celui de fes freres qui l'avoit porté à la clémence, & qu'il laiffa l'autre dans une espece d'obfcurité. Ce qui

TIN.

LI.

Conftantin quitte Rome

peut faire croire que le premier étoit Jule Conftance qui fut conful & pa- CONSTANtrice, ou Delmace qui fut cenfeur & employé dans les plus grandes affai- An. 326. res ; & que l'autre étoit Hanniballien qui eut en effet fi peu de diftinction, que plufieurs auteurs le retranchent du nombre des freres de Conftantin & le confondent avec Delmace. Ces dégoûts que l'Empereur avoit éprouvés à Rome, joints à l'attachement que cette ville enivrée du fang pour n'y plus des Martyrs confervoit pour le paga- Chron. Cod. nisme, lui firent naître la pensée d'é- Th. tablir ailleurs le fiége de fon empire. Amm. l. 14. On peut juger par le peu de réfidence qu'il avoit faite à Rome, depuis qu'il s'en étoit rendu maître, que cette ville n'avoit jamais eu pour lui beaucoup d'attraits. En effet ce n'étoit plus depuis long-tems le féjour de la vertu & d'une fimplicité magnanime: c'étoit le rendez-vous de tous les vices & de toutes les débauches. La mol

leffe, la parure, la pompe des équipages, l'oftentation des richeffes, la dépenfe de table y tenoient lieu de mérite. Les grands dominoient en ty

revenir.

c. 6.

rans, & les petits rampoient en escla— CONSTAN Ves. Les hommes en place ne récompenfoient plus que les fervices honAn. 326. teux ou les talens frivoles. La fcience

TIN.

& la probité étoient rebutées comme des qualités inutiles ou même importunes. On achetoit des valets la faveur des maîtres. Les études férieufes fe cachoient dans le filence; les amufemens étoient feuls en honneur; tout retentiffoit de chants & de fymphonie. Le muficien & le maître de danfe tenoient dans l'éducation une place plus importante que le philofophe & l'orateur. Les bibliothèques étoient des folitudes ou plutôt des fépulcres, tandis que les théâtres & les falles de concert regorgeoient d'auditeurs : & dans une difette publique, où l'on fut obligé de faire fortir les étrangers, on chaffa tous les maîtres des arts libéraux, & l'on garda les comédiennes, les farceurs, & trois mille danfeufes avec autant de pantomimes, tant la fcience & la vertu étoient devenues étrangeres. Ajoutez à cette peinture toutes les intrigues de la corruption, toutes les manoeuvres de l'ambition & de l'avarice, l'ivrogne

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