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Soyez foumis aux grands fans aucune bassesse;
Cultivez avec foin l'amitié d'un chacun
A l'égard des Procès n'en intentez aucun.
Ne vous informez point des affaires des autres,
Sans affectation diffimulez les vôtres.

Prêtez de bonne grace, avec difcernement;
S'il faut récompenfer que ce foit largement.
Et de quelque façon que vous vouliez paroître,
Que ce foit fans excès, & fans vous mécon-

noître.

Compatiffez toujours aux difgraces d'autrui ;
Surmontez les chagrins où l'efprit s'abandonne ;
Et ne les faites point rejaillir fur perfonne.
Où la difcorde régne, apportez-y la paix;
Ne vous vangez jamais, qu'à force de bienfaits,
Reprenez fans aigreur; louez fans flatterie :
Riez modérément, entendez raillerie :
Eftimez un chacun dans la profession
Ne critiques aucun par oftentation.

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Ne reprochez jamais les plaifirs que vous faites;
Et mettez-les au rang des affaires fecrettes.
Prévenez les befoins d'un ami maineureux,
Sans prodigalité, rendez-vous généreux.
Évitez d'être ingrat, foyez reconnoiffant;
Si vous jouez, que ce foit par délaffement.
Parlez peu, penfez bien, & ne trompez per-
fonne,

Et faites toujours cas de ce que l'on vous donne.
Ne tiranifez point les pauvres débiteurs,
Ne faites jamais rien contre les bonnes mœurs.
Au bonheur du prochain ne portez point d'envie,
Ne divulguez jamais ce que l'on vous confie.
Ne vous vantez de rien, gardez votre fecret ;
Et dans vos actions ayez Dieu pour objet.

*

LIVRE III,

ENIGMES, LOGOGRYPHES, Epitaphes, Devifes, Chanfons morales de Collége, Cantiques,

Noëls & quelques Hymnes de
Santeuil, traduites en vers Fran-

çois.

ENIGME I

L'ABEILLE.

Préféntée à Madame Baland de Saint
Malo, par Charuel, Prêtre. 1766.
BIEN que je fois animal fans raison,

A l'homme je fers de leçon:
Ce propos, fans doute t'irrite,
Lecteur, mais écoute la fuite :
Lorfque le globe lumineux
Replongé dans le fein de l'onde

Ceffe d'éclairer de fes feux
Les différents pays du monde ;
Chez les grands Seigneurs à fon tour
Mon ouvrage, chaffant les ombres,
Fait l'Office du Dieu du jour,
Par les traits perce les nuits fombres.
Il eft l'ordinaire flambeau

De tous leurs feftins magnifiques;
Mais par des changements tragiques
Il les fuir jufques au tombeau.
Compatiflante, charitable

Et tendre envers le miférable,

Aux pauvres je fournis un mêts délicieux; Mêts exquis, mêts plus doux que le nectar des

Dieux.

ENIGME II.

L'ABEILLE.

Préfentée à Monfieur & à Madame Milin; par Charuel, Prêtre. 1766.

Q

UAND la terre a perdu fa verdure & fes fleurs ;

Et que, des aquilons j'éprouve les rigueurs, Dans un fombre manoir l'affreux hiver m'entraîne

Triftes jours de ma vie, où je fubfifte à peine ; Mais lorsque le foleil, en fuperbe vainqueur, Calme des vents du nord la rage & la fureur Ce bel aftre du jour par la douce influence Vient alors me tirer d'une morne indolence: Abandonnant bientôt mon repos ennuyeux,

Je reprends mon travail, charme & plaifir des

yeux;

Avec tous mes outils me mettant en campagne, Je vole en mille Heux, où l'ardeur m'accom

pagne;

Et faifant aux humains le préfent le plus doux, Malheur, à qui d'entr'eux, me fait mettre en

courroux;

Mon ouvrage, à la Cour & jufqu'au Sanctuaire
Jette un éclat fort vif; mais, ô douleur amère !
Le cruel, qu'avec art j'ai fçû fi bien fervir
Par le feu, fans pitié, me fait enfin périr.

ENIGM E III

L'ORGUE.

Dédiée à M. d'Aquin, Organifie du Roi, par N... 1756.

T

JE fuis fait pour parler, & non pour autre chofe,

Hélas! s'il me falloit penser,

Que j'aurois fouvent bouche clofe! Ainfi quand on m'écoute, on doit m'en dispensér, D'autres pour moi s'en donneront la peine. que fournit l'haleine. Qu'on me touche du bout du doigt; La langue auffi-tôt me fretille

Il n'eft que de jafer tant

Comme Nonnain fait à la grille;

C'eft fon ufage, & moi je le dis, c'eft mon

droit,

Il m'eft commun avec tous ceux de ma famille, Mais d'où vient, diras-tu, cette démangeaifon;

Surtout lorfqu'en partage on n'a pas la raifon? Que veux-tu, cher Lecteur, je ne fçaurois qu'y faire,

Quand on eft plein de vent, comment pouvoir Le taire,

Si pour toi mon babil ne peut avoir d'appas, Je te plains; mais pour moi je ne changerai pas,

ENIGME IV.

LE SERPENT,

Inftrument de Mufique. 1744

D'UN fameux perfonnage

Grand ennemi de la vertu,
Avec le nom je trace l'image.
J'ai le corps fec, le col tortu,
La voix groffe, & la peau noire ;
Cependant, le pourrez-vous croire ?
Dans un Palais refpectable en tout tems,
Mon maître m'introduit & m'embrasse & me
donne

De doux baifers, mais innocent
Veut-il que je parle & raifonne,
Je m'exprime au gré de fes vœux ;

Mais il faut pour cela que lui-même en perfonne,

En me fermant la bouche, ouvre & ferme mes yeux,

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