J'ai vû peu de monumens plus capables que celui-ci de faire connoître la grande & austère maniere des Egyptiens ; j'en excepte les bras & les mains, qui ne répondent point à la beauté du reste. Les caractères hiéroglyphiques gravés sur les deux épaules, & qui s'étendent jusque sur les Aancs, ont des singularités que ne présentent pas ordinairement les morceaux de ce pays. Cette différence néanmoins, sur laquelle on ne peut porter aucun jugement, n'est point ce qui m'a déterminé à mettre ce monument au rang de ceux d'une très-haute antiquité ; c'est l'impression qu'ont fait sur moi le travail & l'exécution, que l'on ne peut attribuer qu'aux Egyptiens, & où l'on ne remarque aucun mélange de goût étranger. Tous les Sçavans conviennent que l'assemblage de la tête d'une jeune fille & du corps d'un lion, dont les Sphinx font ordinairement composés, ne doit être regardé que comme un symbole des avantages que l'Egypte a toûjours retiré des signes de la Vierge & du Lion. On sçait que le Soleil les parcourt dans le temps de l'inondation du Nil. Il n'est pas que dans un pays aussi rempli de superstitions, cette heureuse saison n'ait été consacrée par quelque objet de culte. Nous n'en voyons aucun autre que nous puissions rapporter à la reconnoissance des Egyptiens. D'ailleurs, ce symbole étant très-souvent répété, il faut admettre cette conjecture comme une vérité. Le monument s'accorde même d'autant mieux avec cette idée, que la tête de la fille est jeune, qu'elle n'est coëffée que de ses propres cheveux, qui se terminent ici sur le dos du lion par une espéce de cadenette très-bien développée, & sont arrangés d'une façon particuliére sur le devant de la tête. L'ouverture ronde qui subliste encore au-dessus du front, pouvoit être destinée à recevoir une pierre précieuse. Mais ce qui, dans cette tête, doit le plus occuper les Antiquaires , est une mentonniére qui ne paroît point attachée, & qui dans le détail ne ressemble point du-tout pour obtenir De 1fd. & Ofirid. à la plante per sea, consacrée à Isis , selon Plutarque : car cet ornement est uni & quarré précisément comme un devoir laisser une vapeur fi forte & d'une si mauvaise odeur , qu'il en No. II. No, III. No. I V. L'ICHNEUMON, animal connu par son antipathie pour le Crocodile, dont il détruit les oeufs , est celui qu'Elien appelle le Rat d'Inde, & qui est vulgairement nommé le Rat de Pharaon. Il peut avoir été tout simplement représenté dans ce bronze qui m'est venu d'Egypte, & qui a trois pouces deux lignes de longueur , & un d’élévation. Il a été fondu d'un seul jet avec sa plinte. No. V. Cet animal imaginaire étoit dans le même envoi que le morceau précédent. Je n'ai point de raison pour le garantir Egyptien; peut-être a-t-il été fait ailleurs, & porté en Egypte, où l'on n'a pas dû être étonné de trouver des monumens de toutes les Nations. La fertilité & les agrémens de ce pays avoient des charmes qui y attiroient les étrangers ; & ceux-ci, pour changer de climat, ne changeoient pas toûjours de culte & de façon de penser. Ce que je dis seulement en général, & sans prétendre en faire l'application à la figure de ce numéro , que je ne crois pas avoir eu rapport à aucun culte, & qui pourroit bien n'avoir été faite que pour tenir sa place dans quelque décoration. Ce petit bronze a deux pouces trois lignes de longueur. P L A N CHE XV. No. I. Ce vase de terre a un pied & quelques lignes de hauteur, & cinq pouces & demi de diamètre; sa forme est des plus simples, sans en être plus commode ; le fond est extérieurement convexe , de façon qu'il ne peut se tenir en équilibre ; semblable en ce point aux amphores des Romains, dans lesquelles ils conservoient leur vin. Il falloit cependant que ce fût un yase commun dans le pays, peut-être même une l'on ne une mesure ; le hazard m'a procuré dans le même temps les deux têtes que l'on voit aux Nos. II. & III. elles sont d'un travail , d'une cuisson, & d'une terre tout-à-fait semblables , & pourroient également servir de couvercle à ce vase; l'une est celle d'un loup, animal que voit pas ordinairement sur les monumens Egyptiens ; & l'autre, celle d'un singe, qui s'y trouve plus fréquemment. Ces trois morceaux ne sont pas bien conservés : ils ne sont point cassés, mais le temps les a usés, sans pourtant en altérer la forme. Tous les vases destinés à mettre de l'eau du Nil avoient une forte de recommendation chez les Egyptiens. On sçait combien de vertus ils attribuoient à l'eau en général, & en particulier à celle d'un fleuve qui les combloit de biens, en fertilisant leurs terres. Ces couvercles même nous apprennent que , par une superstition plus ridicule, ils mettoient encore ces vases sous la protection de quelques Divinités, dont le loup & le singe étoient les symboles. No. II, La tête de loup a trois pouces onze lignes de largeur , & trois pouces & demi de hauteur. No. III. Cette tête de singe n'est pas si bien conservée que la précédente. Elle a perdu son emboëture; mais l'on juge qu'elle a eû les mêmes dimensions. La partie qui a été cassée la fait paroître un peu panchée, & comme si la tête tournoit plûtôt d'un côté que d'un autre ; mais elle n'étoit point ainsi lorsqu'elle étoit toute entiére. Jamais les Egyptiens ne se sont écartés des à-plombs. Tous les peuples sages ont été fort éloignés d'un pareil défaut. G |