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1615. p. 217.

en Grece, & avoit paffé bien du temps à l'étude Edit. gr. lat. de la philofophie, particulierement à Corinthe. Ayant rencontré S. Juftin dans une promenade publique, & l'ayant reconnu pour philofophe à fon habit, il lui témoigna l'eftime qu'il faifoit de ła philosophie. Et de quoi vous peut-elle fervir dit S. Juftin: en comparaifon de votre legislateur & des prophetes? Quoi, dit Tryphon, les phi lofophes ne parlent-ils pas de Dieu, de fon unité, de sa providence ? La plûpart, dit S. Justin, tiennent cette connoiffance inutile pour la felicité. Ils veulent nous perfuader, que Dieu a soin de l'univers, des genres & des. efpeces : mais non pas de vous & de moi, & des chofes fingulieres. Or il n'eft pas difficile de comprendre où aboutit cette doctrine. C'est à une fécurité & une liberté de fuivre leurs opinions, de faire & de dis re tout ce qu'ils veulent : n'attendant de la part de Dieu, ni châtiment, ni récompenses. En effet, ils croyent que rien ne change, & que les hommes vivront toûjours de la même maniere, fans être meilleurs ni pires. Ou bien supposant l'ame immortelle & incorporelle, ils concluent qu'ils ne feront point punis, pour avoir mal fait, parce que ce qui eft incorporel eft impaffible, & qu'ils n'ont point befoin de Dieu, puisqu'ils ne peu

vent mourir.

Alors Tryphon fouriant agreablement : Et vous, dit-il, quelle opinion avez-vous de Dieu, & quelle eft votre philofophie? je vous le dirai, Mmm iij

P. 218 B.

dit Juftin. Rien n'eft plus précieux que la philofophie, qui feule nous approche de Dieu. Mais la plupart ne favent pas quelle elle eft, ni pourquoi elle a été envoyée aux hommes. Car il n'y auroit, ni Platoniciens, ni Stoïciens, ni Peripateticiens, ni Pithagoriciens, puifque c'est une feule fcience. Ce qui l'a ainfi divifée, c'est que ceux qui s'y font attachez les premiers, font devenus illuftres, & ont été fuivis par les autres qui n'ont point examiné la verité : mais frappez des vertus & des difcours extraordinaires de leurs maîtres, ils ont tenu pour vrai ce qu'ils avoient appris d'eux. Ils ont enseigné les mêmes dogmes à ceux qui les ont fuivis, & ont gardé le nom du pere de chaque opinion. Juftin raconte ensup. n. 36. fuite les differens maîtres, dont il avoit effayé; juf

ques à ce vieillard, qui le défabusant de la philofophie humaine, lui fit connoître l'autorité des prophetes, & lui perfuada que la doctrine de J. C. étoit la feule philofophie feure & utile. Voilà, dit Justin, comment je fuis philosophe. Je voudrois que tous euffent le même conrage, pour ne point quitter les difcours du Sauveur. Car ils ont je ne fai quoi de terrible, capable de confondre ceux qui s'écartent du droit chemin : & font au contraire un repos tres-doux, à ceux qui les méditent. Si vous avez donc quelque foin de votre falut, & quelque confiance en Dieu: vous pouvez devenir heureux, vous à qui cette doctrine n'est pas étrangere, en reconnoissant le

repro

Christ, & prenant le chemin de la perfection. Aprés que Juftin eut ainfi parlé, ceux qui étoient avec Tryphon s'éclaterent de rire: mais Tryphon fouriant feulement, lui dit: Je reçois tous le refte, & j'admire votre ardeur, pour la -divinité: mais il valoit mieux vous attacher à la philofophie de Platon, ou de quelqu'autre ; vous exerçant à la patience & à la temperance: que de vous laiffer tromper par des menfonges, & fuivre des hommes de néant. Car demeurant dans les mœurs de philofophe, & vivant fans che, vous pouviez esperer un meilleur fort. Mais ayant quitté Dieu, pour mettre votre esperance en un homme, quel falut pouvez-vous attendre? Si vous voulez donc me croire, car je vous compte déja pour mon ami, commencez par vous faire circoncire; enfuite gardez le fabat & les fêtes ordonnées de Dieu, en un mot tout ce qui eft écrit dans la loi, & peut être qu'alors Dieu vous fera mifericorde. Quant au Chrift, s'il eft né, & s'il eft quelque part, il eft inconnu & ne se connoît pas lui-même, & il n'a aucune puiffance jusqu'à ce que Elie vienne le facrer, & le faire connoître à tout le monde. Cependant vous avez receu une fauffe opinion, & vous vous figurez un Christ, pour lequel vous periffez mal à propos. On void ici,que les Juifs, forcez par les propheties, qui marquoient le temps du Meffie; n'ofoient dire qu'il ne fût pas venu, & cherchoient des fubtilitez pour sanhedr. c. x1.. les éluder, comme ils ont toûjours fait depuis. 26. 27. &c. edit,

v. Gewar, ad

Cock.

LIII. Abolition de

Dieu vous le pardonne, dit Justin, car vous ne connoiffez pas ce que vous dites. Vous croyez vos docteurs qui n'entendent point les écritures; & vous dites au hazard ce qui vous vient à l'efprit. Mais fi vous voulez, je vous montreray que nous ne fommes pas trompez, & que nous avons raifon de ne point ceffer de confeffer ce Chrift: quelque honte qui nous en vienne de la part des hommes: & quelque effort que faffent les plus cruels tyrans, pour nous y faire renoncer. Je vous ferai voir, que nous n'avons pas crû de vaines fables : mais des discours folides & pleins de l'esprit de Dieu. Les autres recommencerent à rire, & à crier d'une maniere indecente. Juftin fe leva pour s'en aller. Mais Triphon le prit par le manteau, & lui dit: qu'il ne le quitteroit point qu'il n'eût executé fa promeffe. Faites-donc taire vos amis, dit Juftin, & les rendez plus fages. Enfuite ils fe féparerent. Deux fe retirerent, fe moquant de leur ferieux: Juftin & Tryphon, avec deux autres, s'affirent fur des fieges de pierre, qui étoient des deux coftez de la lice, deftinée aux courses. de Ju

Ils parlerent quelque temps de la guerre dée, puis Juftin recommença en ces termes. Avez-vous quelqu'autre reproche à nous faire, l'ancienne loi. p. finon que nous ne vivons pas felon la loi, que nous ne fommes pas circoncis, & n'obfervons pas le fabat? A-t-on auffi décrié chez vous notre vie & nos mœurs? Je veux dire, fi vous croyez que nous mangeons de la chair humaine, &

227. A.

qu'aprés

qu'aprés le feftin, les lampes éteintes, nous commettons des impuretez abominables. Ou fi vous nous condamnez précisément, parce que nous fuivons cette doctrine que vous croyez faufse? C'est ce qui nous étonne, dit Tryphon. Car ce que dit le peuple ne mérite pas de créance. La nature y répugne trop: au contraire, je fai que les préceptes de votre évangile font fi grands. & fimerveilleux, que je ne croy pas que perfonne les puiffe garder. Car j'ai eu la curiofité de les lire. Ce qui nous met en peine, eft que vous, qui prétendez avoir de la pieté, & vous diftinguer des autres, ne menez point une vie differente des gentils: puifque vous n'obfervez, ni les fêtes, ni le fabat, ni la circoncifion : & mettant votre esperance en un homme crucifié, vous attendez des récompenfes de Dieu, dont vous ne pratiquez pas les commandemens. N'avez-vous pas leû, que celui qui ne fera pas circoncis le hui- Gen. xvII. 14. tiéme jour, perira d'entre fon peuple?

Juftin' répondit: Il n'y aura & n'y a jamais eu d'autre Dieu, que celui qui a créé cet univers. Nous ne croyons pas avoir un autre Dieu que le vôtre : mais celui-là même qui a tiré vos peres d'Egypte. C'eft en lui que nous efperons, comme vous, ce Dieu d'Abraham, d'Ifaac & de Jacob. Mais ce n'eft, ni par Moïse, ni par la loi, que nous efperons en lui: autrement nous ferions comme vous. J'ai appris dans l'écriture, qu'il y auroit une derniere loi, & une alliance d'une auTome 1. Nan

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