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les plus obfcures. Vos raifons & les expériences de M. Homberg me découvrent par quelles voies la matiere fubrile peut en quelque forte animer la terre. Ces voies fecrettes, ces routes infenfibles ont apparemment differentes figures, diverses grandeurs dans les corps divers; le tiffu divers qui fait les différens corps, doit caufer cette varieté dans les pores: mais je voudrois des expériences capables de m'en convaincre malgré moi. L'expérience qui frape les fens, raffûre fouvent la raifon chancelante.

EUDOXE. L'expérience eft encore ici de concert avec la raifon. Pourquoi l'efprit de nitre eft-il le diffolvant propre de l'argent & non pas de l'or, & l'efprit de fel marin le diffolvant propre de T'or, & non pas de l'argent.? Pourquoi T'eau régale compofée d'efprit de fel & d'efprit de nitre réduit-elle l'or en liqueur, fans diffoudre l'argent, tandis que Feau forte, où domine l'efprit de nitre réduit l'argent en liqueur, fans diffoudre T'or? La différente porofité de l'or & de l'argent occafionne apparemment ces différens effets. Puifque l'or péfe beaucoup plus que l'argent, il eft vrai-femblable que les pores de l'or font plus étroits.. De-là, les pointes de l'efprit de fel, plus

fines probablement que celles de l'efprit de nitre, fe trouvent trop au large dans les pores de l'argent, n'y font nulle impreffion; mais fe gliffant avec peine malgré leur petiteffe dans ceux de l'or, elles y font l'effet du coin, en écartent les parties folides & les diffipent. Au contraire les pointes de l'efprit de nitre, proba"blement plus épaiffes que celles du fel marin, penetrent dans les pores de l'argent avec peine; y font l'effet d'un coin, en écartent les parties folides & les diffi-pent: mais ne pouvant fe couler dans ceux de l'or, elles n'y font nulle impref-fion; mêlées cependant avec l'efprit de fel marin dans l'eau régale, elles trouvent accès dans l'or, le rongent, le détruifent; parce que l'efprit de fel les rend affez déliées pour fe faire avec quelque effort un paffage dans les interftices de L'or. Ainfi l'eau, qui paffe librement entre les arches d'un Pont, ne l'endommage point: Y trouve-t-elle des obftacles? elle renverfe tout. Quelquefois il arrive que l'eau-forte trop pure & trop fubtile, eft une forte d'eau régale, qui diffipe l'or, épargne l'argent, verfez-y une certaine quantité d'eau commune, elle diffipe l'argent, épargne l'or. D'où cela vient-il, finon de l'inégalité des pores? (a). (4) Hift, de l'Acad. pag. 374

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Le vin & l'eau nous découvrent, comme l'efprit de fel & l'efprit de nitre, de la différence dans les pores : car le vin qui fe filtre & s'infinue dans la fubftance de plufieurs corps, ne paffe point toûjours par où l'eau paffe. Soupçonnez-vous quelque mélange d'eau dans le vin ? Verfez la liqueur dans un vaiffeau fait de lierre ; (a) l'eau qui pourroit tromper les yeux fous la couleur du vin, le quitte, s'échappe, & diftile goutte à goutte; le vin refte au fond du vaiffeau, & le goût n'y trouve qu'un vin pur.

ARISTE. Je le vois bien; vous ne voulez point que l'eau, qui prend ou femble prendre la couleur du vin, en pren

ne auffi la nature. Vous aimez mieux cacher l'eau dans les pores ou dans les interftices du vin.

EUDOXE. Si l'on peut féparer l'eau du vin dix jours après qu'on les a mêlés, il est évident que l'eau ne prend point dans le mélange la nature du vin: or on le peut; & le P. Maignan de l'Ordre des RR. Peres Minimes l'a fait. (b) » J'ai mê»lé, dit-il, avec une partie d'eau de puits » très-claire, deux pintes de vin vieux

(a) Porta Mag. nat. 1. 18. c. 4.

(6) Tom. 1. pag. 332. Porta Mag. nat. l. 18,

C. 7.

Tome I.

E

"pur, & d'un rouge fort coloré. Je laif» fai le mélange pendant dix jours & dix » nuits, environ, dans un vaiffeau tant "foit peu concave & dont l'ouverture » étoit large; attendant un degré de froid " propre à glacer l'eau fans glacer le vin. » Un vent de Nord produifit cet effet la » nuit. Je trouvai le matin fur une fenêtre » en dehors l'eau glacée. J'inclinai le va»fe. L'eau demeura toûjours immobile; » mais prefqu'auffi-tôt le vin diftila. Vous » cuffiez vû les gouttes de cette liqueur fe » filtrer au travers de l'eau, paffer fuccef» fivement d'interftices en interstices, & »couler dans un vaiffeau que j'avois mis » deffous. Tout le vin s'échappa des po"res de l'eau glacée. Elle devint toute » blanchâtre ; elle étoit percée de mille & » mille petits trous, comme une forte de » crépine. Enfin quand la glace fut fon» due, on ne vit dans le vase, qu'une eau "fort nette, fans aucune apparence de

» vin.

ARISTE. Je fuis également convaincu de la porofité des corps, & de la variété de leurs interftices: mais je crains que monimagination inquiéte quand mes yeux ne voyent point les objets, ne féduife ma raifon; de grace effayons de découvrir des pores avec le microfcope Ce qui frappe

Les yeux fe grave encore mieux dans l'efprit, que ce que la voix des Sçavans nous dit: Horace le remarqua fort bien.

Segnius irritant animos demiffa per aurem ; Quam que funt oculis fubjecta fidelibus. (a)

EUDOXE. Voilà mon microscope voyez des pores invifibles en quelque façon. Vous en verrez du moins dans le charbon; ils y font difpofés par ordre, & très-nombreux. Un Phyficien (b) dit qu'il en a vû au microscope & compté dans un rang long de la 18 partie d'un pouce, jufques à 150. Or felon le calcul du même Auteur, un charbon d'un pouce de diamêtre doit en avoir plus de 5 millions. Voyez donc des pores, & faites les voir à vos Philofophes incrédules, fi leurs yeux font encore en état de voir des objets groffis, & vingt ou trente millions de fois plus grands, que , que dans leur état naturel. ARISTE. Je vois des pores,Eudoxe; j'e vois dans l'or même, (c) dans ce métal fi folide & fi pefant. Mais ces pores font-ils vuides ou non? Je n'y vois que

(a) Art Poëtique. V. 180.

(b) M. Hook. Journal des Sçavans, 22. Déc, 1666.p.738.

(c) L'Emery Bibl.des Phil. t. 1. p. 638.

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