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obtenir de ma raifon & de mon devoir d'obeïr; j'ai voulu me faire une loi de la volonté d'un pere, mais je n'ai pû me vaincre. Enfin j'ai craint de rendre Alberic malheureux: mon eftimie pour lui, & une défiance de ne pouvoir remplir tous mes devoirs, m'ont infpiré de la hardieffe. Je les connois tous ces devoirs, & c'eft pour n'être pas expofée à y manquer tous les jours de ma vie, que j'ai ofé y manquer une fois. Ma tendreffe pour mon pere, & fa vertu encore plus que la nature, m'ont imprimé pour Jai un refpect qui ne fe démentira jamais; mais ce refpect eft combattu par celui que je me dois à moi-même. J'ai frémi cependant en formant le deflein de méretirer dans cette Abbaie, la hardiefle d'une telle démarche me l'a fait différer jusqu'au dernier moment. Hélas! s'écria-t'elle les yeux baignez de larmes, elle ne m'en a pas moins coûté! Ah!SIRE, je me la reproche à tous les inftans! elle m'a fait perdre l'amitié d'un pere pour qui je donnerois ma vie ? Le Roi touché du difcours, de la dou

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leur & des pleurs de Mademoiselle de Couci, & voulant effaïer de la vaincre par la douceur, lui dit : Eh bien! Mademoifelle, je vous accorde du tems; fervez vous en pour vous déterminer à accepter Alberic pour époux. Votre raifon eft audeffus de votre âge, & peutêtre de votre fexe; écoutez-la: elle vous rendra digne de mes bontez, & vous fera retrouver un pere, Venez, Mademoifelle; je vais vous remettre entre fes bras. Adelaide palit à ces mots. Vous pâliffez, Mademoiselle ; & pourquoi, pourlaivit Philippe? SIRE, je fuis trop coupable aux yeux de mon pere, repartit Adelaide; je fens trop quelle eft ma faute à fon égard; je connois trop fa févérité; je crains trop l'amertume de fes reproches, pour ne pas trembler à la feule idée de rentrer dans la mailon paternelle. Ah! STRE, je me fais juftice; je me la fuis fermée pour jamais. Je ne puis blâmer votre fraïeur, répliqua le Roi; un pere fi juftement irrité, & tel qu'Enguerrand, eft redoutable.

Eh bien! Mademoiselle, ce que je vais faire pour vous méritera, d'un cœur comme le vôtre, que vous fafliez tout pour un Roi qui va vous fervir de pere: venez ; c'eft entre les mains de la Reine ma mere. que je vais vous remettre. Philippe apperçut avec plaifir la joie que ces mots répandirent fur le beau vifage d'Adelaïde : elle fe jetta à fes pieds, & prit une de fes maius qu'elle baifa avec transport.

Tandis que le Roi fe promenoit dans l'Abbaïe, Adelaïde trouva le moment de parler à Mademoiselle de Rocheville. La fatisfaction de cette tendre amie égaloit celle d'Adelaïde. Adelaïde, en l'embraffant tendrement, la chargea d'écrire au Comte de Rethel, quel étoit l'heureux fuccès de fon confeil. Affurez-le, ajouta-t'elle, que ma tendreffe & ma fermeté ne fe démentiront jamais: fur tout, qu'il

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me faffe pas l'injuftice de fe laiffer aller à la moindre inquiétude; je lui en terois un crime..

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Mon caractere, plus encore que ce que j'ai fait, doit le mettre au-deffus de la crainte.

Le Maréchal attendoit, avec une_vive impatience le retour du Roi. Quelle fut la furprise, auffi bien que celle de toute la Cour, en voïant Adelaïde avec ce Prince! Un trouble extrême, & une joie mêlée d'inquiétude, fuccéderent à l'étonnement d'Alberic. Il s'approcha d'Adelaide en tremblant: il voulut lui parler, mais la parole expira fur fes lévres. Adelaïde le reçut avec une politeffe un peu froide, dont cependant le Roi parut content. Le Grand Sénéchal préfent à l'arrivée de Sa Majefté, reffentit un trouble extrême en voiant Adelaïde Sa malheureufe paffion pour Mademoitelle du Mez lui fit croire d'abord, que Philippe ramenoit Mademoiselle de Couci pour unir fa deftinée à celle du Maréchal : cette idée le fit trembler. Roger, fe dit il en lui-même, va donc encore malgré lui me faire éprouver les plus terribles allarmes? le craindrai-je A 4

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toujours? Le Roi conduifit Adelaïde chez la Reine Mere; il la lui prefenta, en la priant de la prendre fous fa protection, & de la traiter avec bonté. La Reine accorda fans peine à fon fils,ce qu'il exigeoit d'elle:elle aimoit Adelaide. Pouvoit-on ne la pas aimer? Mademoiselle du Mez étoit à côté de la Reine quand Mademoifelle de Couci parut, le Maréchal lui donnant la main. A la vûë d'Adelaide, Mademoiselle du Mez crut d'abord que fes yeux la trompoient: à fon étonnement fuccédent mille mouvemens confus, qu'elle ne put démêler elle-même. La joie que lui caufe l'idée flatteufe qu'Adelaide a confenti à rendre le Maréchal heureux,ne dure qu'un inftant: la crainte lui fuccéde. Elle appréhende que le génie adroit d'Adelaïde, fans avoir rien promis, n'ait gagné le Roi: elle croit, elle doute, elle fe flatte, elle délefpere, elle adopte une idée qui lui rit; elle la rejette auffitôt, pour fe livrer à une autre qui l'inquiéte. Adelaïde, prévenue d'eftime pour cette illuftre fille & croiant devoir, pour plaire au Roi,

lui

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