Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[graphic][subsumed][ocr errors][merged small][merged small]

D

[blocks in formation]

EPUIS que les Hoei-ke & les Turcs Chato avoient été détruits en Tartarie, l'Empire de cette vafte contrée avoit été poffédé par des Tartares Orientaux, c'eft-à-dire, d'abord par les Khitans, & enfuite par les Niu-tché, nations différentes de celle des Turcs. Dans le douzieme fiécle il étoit encore entre les mains des Niu-tché, qui s'étoient enfuite emparés des provinces feptentrionales de la Chine, pendant que la partie méridionale de cet Empire étoit gouvernée par un Prince Chinois d'origine. Les Rois de Hia, ou de Tangout, étoient maîtres du Tibet, de quelques provinces Chinoifes, & de Tome III.

A

plufieurs pays voisins, fitués dans la Tartarie. Les Sulthans du Kharizme, après avoir détruit les Ghourides & les Seljoucides, regnoient dans le Maouarennahar, dans la Perfe, & dans une partie de l'Inde; les Khalifs étoient fouverains dans Bagdad; la famille de Saladin, dans l'Egypte & dans la Syrie; les Sulthans d'Iconium, dans l'Afie mineure. Genghizkhan parut alors dans le fond de la Tartarie, enleva I'Empire aux Tartares Orientaux, le rendit à la nation Turque, entra dans la Chine, & porta la guerre dans le Kharizme. Après lui fes enfans poufferent plus loin leurs conquêtes, détruifirent tous les Empires qui étoient dans l'Alie, & changerent entierement la face de cette partie du monde. (a)

La nation qui occafionna cette grande révolution, & qui fonda enfuite l'Empire le plus étendu que nous ayons connu, n'étoit point une nation civilifée, ni jalouse de faire connoître au loin la fagesse de ses loix; c'étoit une nation barbare, qui ne fe portoit dans les pays les plus éloignés que pour en enlever toutes les richeffes, réduire les peuples en efclavage, les replonger dans la barbarie, & rendre fon nom formidable. Les Mogols étoient une horde particuliere de la Tartarie ils defcendoient des anciens Turcs, dont on a vû l'histoire dans les Livres précédens ; & ils formoient, avec quelques autres hordes, une nation affez confidérable. La premiere de ces hordes étoit appellée Ika-mogol, c'estPlan Car- à-dire, les grands Mogols. La feconde étoit nommée Soupin. mogol, ou les Mogols d'eau, à caufe d'un fleuve proHift. géné. des Tatars, che lequel elle habitoit. La horde des Merkat (b) étoit la troifieme; les autres font les Kunkurats (c), les Anka

(a) J'ai fait particuliérement ufage, dans ce Livre & le fuivant, de l'Hiftoire des Mongous, publiée par le Pere Gaubil, un des plus habiles Miffionnaires Jéfuites que nous ayons à la Chine. Comme il a dépouillé tous les Hiftoriens Chinois, j'ai cru pouvoir m'exempter de ce travail; d'ailleurs je n'aurois pû rien ajouter à celui dont il s'agit. J'y ai joint l'Hiftoire généalogique des Tatars, qui s'accorde prefque partout avec l'Hiftoire Chinoife. L'Hiftoi

re de Genghizkhan de M. de la Croix m'a paru remplie de détails trop fabuleux pour être employée ici. Je ne l'ai pas cependant toujours rejettée.

(b) On les appelle encore Markats, ou Merkits.

(c) Ceux-ci defcendent de Kaïan que l'on dit fils de Tatar khan. Kaïan eut trois fils; 1. Zurluk mergan; 2. Cabaifchira; 3. Busjudai. Le premier qui étoit très-habile à tirer de l'arc, eut une querelle avec le fecond, & ils convin

rahs (a), les Allaknuts (b), les Caranuts (c), les Curlas (d), les Ilzigans (e), les Ummauts (f), les Cunnachmars, les Arlats, les Calkits, les Kifchliks (g), les Uifchuns, les Sulduz, les Durmans (h), les Bariens, les Sukuts, les Kurla-uts, les Burkuts, &c.

Tous ces Barbares, qui font des reftes des anciens Turcs, Plan Cardifferent des autres hommes pour la figure; leurs joues s'é- Haiton. pin. levent fort en-dehors; ils font grêles, menus de ceinture; pour la plupart d'une ftature médiocre, & ils ont peu de barbe. Les mœurs de ces conquérans de l'Afie font encore plus groffieres que leur figure n'eft rebutante. Ils habitent fous des tentes, fur le fommet defquelles ils laiffent un trou qui tient lieu de fenêtre & de cheminée. Ces tentes font garnies de feutre, plufieurs fe démontent par piéces, &

rent de fe battre à coups de fléches à cheval. La peur que Cabaifchira eut, l'obligea à fe pancher fur un côté du cheval pour éviter la fléche; l'aîné qui fe laiffa toucher, ne voulut point tuer fon frere, & fe contenta de lui emporter avec fa fléche fon pendant d'oreille, ce qu'il fit fort adroitement. Dans la fuite il eut un fils nommé Kunkurat, qui fut fondateur & chef d'une Horde. (a) Ils defcendent d'Ankarah, fils de Cabaifchira.

(b) Ils defcendent d'Allaknut, fils de Cabaifchira.

(c) Ils defcendent de Caranut, fils ainé de Busjudai.

(d) Ils defcendent de Curlaff, fils de Meifir ili, fils de Conachlot, fils de Busjudai.

(e) Ils defcendent d'Ilzigann, frere de Curlaff.

(f) On les appelloit anciennement Urmauts. Un homme de cette Tribu eut un fils nommé Cunnachmar, de qui defcend la Tribu du même nom. Menglik-iska, c'eft-à-dire, Menglik le dévot, qui vivoit du tems de Genghizkhan, étoit de cette derniere Horde. Il eut un fils appellé Arlat, & un autre nommé Calkit; l'un & l'autre chefs de Horde.

(g) Ceux-ci defcendent de Kifchlik, qui étoit de la Horde des Calkits.

(b) Kipzi mergan, fils de Bizin kaïan,

étant parvenu au trône, quoiqu'il fût
le plus jeune, fes quatre autres freres
qui furent mécontens de la préféren-
ce, fe retirerent. Ils devinrent chefs
d'une Horde qui s'appella Durman,
c'est-à-dire, des quatre. Durman en
Turc fignifie quatre. Un homme de cet-
te Tribu eut un fils appellé Barien, qui
fut chef des Bariens. Le frere de celui-
ci eut d'une de fes efclaves un fils; cet-
te esclave, pour éviter la colere des
femmes de fon maître, alla cacher fon
enfant dans des arbriffeaux nommés fu-
kut. Le pere le reconnut enfuite, & cet
enfant devint chef des Sukuts.

On nomme encore les Kankrats, les
Oklians, les Dfoigerats, les Adferats;
ces deux dernieres Hordes defcendent
des Allaknuts.Les Bajauts font divifés en
plufieurs branches, dont les plus confi-
dérables font les Sadagin bajauts, &
les Makrim bajauts, ainfi nommés des
rivieres auprès defquelles ils habitent;
les Takrins, les Kergis, ou Circaffes,
les Camcamzuts; les Urmankats; les
Ouirats qui font les ancêtres des Tor-
gouts, des Kuriff, des Utulaff, des
Tumats, des Boigazins, des Hirmu-
zins, des Telongouts, des Orafuts &
des Kuffumaïts; les Naimans, les Ke-
raits, les Unguts & les Turkaks, & les
Dgelairs. Toutes ces Hordes font de ra-
ce Turque.

Rubruquis

fe tranfportent facilement; les autres, pofées fur des roues, font traînées par un grand nombre de boeufs. En-dedans celles des riches font ornées de peintures & de broderies; en-dehors le feutre eft enduit d'huile ou de lait de brebis, afin que la pluie ne puiffe pénétrer. Le maître est assis au milieu, vêtu de quelque piece de bougran, ou de drap rouge; des chiens, des loups, des renards, des chevaux, & même dans un befoin, la chair humaine, des poux, des rats & des fouris font fa nourriture. Ces Mogols n'ont point communément de linge dans leurs feftins. Chez la plûpart les bottes leur fervent à effuyer leurs mains, d'autres ont quelques petits mouchoirs. Lorsqu'ils font à table, l'un tranche la viande, & l'autre la diftribue en la prenant avec un couteau. Ils ne lavent leurs plats qu'avec le bouillon même, qu'ils confervent. Le lait de jument, de brebis, de chevre, de vache, ou de chameau, eft leur boiffon ordinaire ; celle Rubruquis de lait de jument fermenté s'appelle Cosmos (a). Les Grands boivent du cara-cofmos, qui eft plus clarifié. Rubruquis dit que c'eft une boiffon fort agréable, & qui a de grandes vertus. Dans l'hyver il n'y a que les riches qui faffent ufage de la premiere, les autres boivent de l'eau, dans laquelle ils ont fait bouillir du millet. Ils en prennent un verre ou deux le matin, & cela leur fuffit pour le refte de la journée ; le foir ils ont un peu de viande avec du bouillon. Ils mangent moins de viande pendant l'été à cause du lait qu'ils ont en abondance. Dans tous leurs repas ils font très-fales, & fe font un mérite de s'enyvrer; ils font avares, & envieux de tout ce qui appartient aux étrangers. Par-tout où ils vont, ils font fuivis de leurs maisons ; ils font riches en bœufs, en chameaux, en brebis, en chevres & en chevaux, mais ils n'ont point de porcs.

Plan Car

pin. Haiton.

M. Paul.

Ils reconnoiffent un Dieu, créateur de toutes chofes, qu'ils appellent Natagaï, mais ils ne lui rendent aucun culte. Ils adreffent leurs prieres & leurs facrifices à des idoles particulieres, qui font couvertes de feutre ou de quelque étoffe de foie; ils les placent dans leurs tentes, & fouvent fur des

(a) C'eft ce que M. Paul appelle par corruption Chuinis, ou Chemius.

chariots plus ornés que les autres, & les regardent comme les protectrices de leurs troupeaux. C'est parmi eux un crime digne de mort, que de voler quelques-unes de ces divinités. Les chefs de mille hommes & de cent hommes en ont toujours une au milieu de leur tente, à laquelle ils offrent les prémices du lait de leurs jumens, & en général de tout ce qu'ils mangent ou boivent pour la premiere fois. Lorfqu'ils égorgent une bête, ils portent le cœur devant l'idole, & le laiffent jufqu'au lendemain. Il y a toujours une de ces idoles richement ornée devant la tente du grand Khan, ils lui font des préfens, & lui offrent principalement des chevaux, qui font alors regardés comme facrés, & qui ne fervent plus à aucun ufage dans la fuite. Ils ont une vénération finguliere pour le côté du midi, probablement parce que Fo, qui eft leur divinité, a pris naiffance dans les pays méridionaux. Ils adorent le foleil, le feu, l'eau & la terre, mais ils ne font point jaloux de faire embraffer leur religion aux étrangers. Ils laiffent une entiere liberté à cet égard. Ils ne rompent jamais les os, ils les brûlent, & les éclats caufés par l'impreffion du feu, leur fervent de préfages. C'eft un crime chez eux de mettre un couteau, ou une coignée, dans le feu, ou de s'en fervir proche le feu, de s'appuyer fur un fouet, de toucher des flèches avec cet inftrument, de prendre ou de tuer, de jeunes oiseaux, de battre un cheval avec la bride, ou de le laiffer paître avec fon frein, de rompre un os avec un autre, de répandre du lait, ou de laiffer tomber à terre de la viande, & de faire fes néceffités dans l'enclos de fon logement. Celui qui fait ces fortes de fautes de propos délibéré, eft puni de mort, autrement il en eft quitte pour une amende, qu'il eft obligé de payer au Devin, qui vient purifier ce qui a été fouillé, en le faifant paffer entre deux feux; avant cette cérémonie perfonne n'y peut toucher. Ils puniffent encore de mort ceux qui ne pouvant avaler un morceau de viande, font obligés de le rejetter à terre, & ceux qui marchent fur le feuil de la porte de la tente Impériale. Ils ont une grande confiance dans les prédictions de leurs forciers, & dans les préfages tirés du yol des oifeaux, & ils ne font aucune entreprise

« AnteriorContinuar »