Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[blocks in formation]

PRÉFACE.

Na beaucoup à lire pour devenir favant: mais pour fe former le goût, il faut lire peu, & bien lire. Car,

avant que le jugement foit mûr, la multiplicité d'auteurs ne peut que produire une confufion d'idées, qui ne fe guérit jamais, & qui même, par rapport au goût, ne vaut pas l'ignorance accompagnée du fens commun.

"

Quintilien (1) nous enseigne à bien lire un Orateur. Il faut obferver dit-il, comment dans l'éxorde on fe » rend les auditeurs favorables: Quelle » clarté il y a dans la narration, quelle briéveté, quel air de fincérité, & cependant quel art quelquefois à déguifer

[ocr errors]

(1) Liv. II, ch. 8. Je cite, prefque mot pour mot,conformément à la belle Traduction de M. l'Abbé Gédoyn.

"

[ocr errors]

دو

déguiser fon veritable but: Quel or» dre enfuite, & quelle jufteffe dans ,, la divifion: Comment dans les preu»ves l'Orateur eft fubtil, vif, fer» ré, tantôt véhément, tantôt doux » & infinuant: Quelle force il met dans » fes invectives, & quel agrément, quel fel dans fes railleries: Comment » il remue les paffions, fe rend maître » des cœurs, tourne les efprits à fon gré: Quelle eft la propriété, l'élégance, la nobleffe des expreffions: En quel »cas (2) l'amplification eft loüiable » & quelle eft la vertu oppofée: La » beauté des métaphores, & les diffé»rentes figures: Enfin, ce que c'est qu'un ftyle coulant & périodique, » mais pourtant mâle & nerveux.

رو

[ocr errors]

وو

[ocr errors]

Aux chef-d'œuvres qui nous reftent 'des Anciens, il fera bon quelquefois continue Quintilien, d'oppofer certaines pièces, que le mauvais goût » du fiécle fait qu'on admire, & de "remarquer combien il y a de chofes impropres, obfcures, enflées, baf»fes, rampantes, puériles, affectées, qui

[ocr errors]

(2) Voyez là-deffus Quintilien, VIII, 4

[ocr errors]

دو

qui non-feulement ont une appro»bation prefque générale, mais qui » ne l'ont que parce qu'elles font mau» vaises. Car un difcours fenfé, & qui » n'a rien que de naturel, n'eft d'au» cun mérite; on n'y trouve point d'efprit. Mais ce qui eft recherché, » détourné, & hors de la droite raifon, voilà ce qu'on admire aujour» d'hui.

[ocr errors]

رو

دو

رو

» J'avouë cependant, ajoûte ce fage Rhéteur, qu'il y a eu de nos jours, » & qu'il y a encore d'excellens écri» vains. Je le foûtiens même. Mais » de favoir juger quels ils font, c'eft ce qui n'appartient pas à tout le monde. » Il eft plus fûr d'imiter les Anciens, dont le mérite n'eft plus douteux. Ain» fi je confeille de ne point s'attacher » de fi bonne heure aux Modernes, de » peur qu'on ne les imite avant que » de bien connoître ce qu'ils valent.

[ocr errors]

Qui voudra donc fe former le goût pour l'Eloquence, prendra néceffairement fes modéles dans l'Antiquité : & dès-lors fon choix ne peut tomber que fur Démofthéne, où fur Cicéron, dont le paralléle n'eft nulle part mieux

détaillé, ni plus instructif, que dans Quintilien.

دو

دو

دو

رو

دو

Je trouve, dit-il, qu'ils fe ref» femblent (3) en tout ce qui eft de » l'Invention. C'eft dans l'un & dans » l'autre la même manière d'envisager » un fujet ; de divifer; de préparer les efprits; de prouver. Quant au ftyle, » il y a quelque différence. L'un est plus précis, l'autre plus abondant. » L'un ferre de plus près fon adver» faire; l'autre pour le combattre, fe » donne, s'il faut ainfi dire, plus de champ. Il n'y a rien à retrancher de l'un, rien à ajoûter à l'autre. On voit » dans Démosthène plus de foin & d'é» tude: dans Cicéron plus de naturel » & de génie. Pour ce qui eft de ma»nier finement la raillerie, & d'émou» voir la pitié, deux points d'une ex» trême conféquence, il eft certain que » Cicéron y réuffit mieux que l'autre. » Mais ce qui donne la fupériorité à Démofthene, c'eft qu'il à été avant Cicéron, & que l'Orateur Romain, » tout grand qu'il eft, doit une par

دو

رو

[ocr errors]
[ocr errors]

tie

(3) Voyez Quintilien, liv. X, chap. F.

« AnteriorContinuar »