Ces mêmes peuples leur apprirent ensuite à se couvrir de Tels furent sans doute les premiers Dieux des Grecs : delà Comme on s'étoit fait un systéme de Religion accommodé aux inclinations & à tous les penchans du cour , on ne se faifoit pas une grande affaire d'y changer, d'y ajouter , & d'y retrancher. Les Ceremonies nouvelles ne coûtoient rien à établir, & les raisons qu’on en rendoit étoient toutes fabuleuses. Des Histoires forgées par les Prêtres, donnoient lieu de changer un culte sterile , en un'autre qui fût plus lucratif, & on n'a jamais été trop fcrupuleux fur cet article. Dès qu'on vie d'avoir tres. découvroit quelque nouvelle Divinité, c'étoit à qui lui éleveroit plus d’Aucels , & qui en même temps en publieroit plus de merveilles ; & comme un Dieu compatriote donnoit beaucoup de crédit au lieu de la naissance , chacun le faifoit naître chez foi: on supposoit des Mémoires remplis de Fables ; des Imposteurs appuyoient des apparitions prétendues que les Prêtres avoient inventées , & que les Poëtes inferoient dans leurs Ouvrages : delà ce systéme monstrueux & si rempli de Fables, que nous offre la Theologie Payenne. Ajoutez à cela que la manie la plus ordinaire des grands Neuvieme hommes de ce temps - là , étoit de vouloir descendre des source. L'enDieux : il falloit absolument pour être Heros, avoir Jupiter des Dieux ou Apollon pour ancêtres ; & comme apparemment il n'étoit pour Ancês pas difficile de trouver alors des Genealogistes aussi complaifants qu'ils le font à present , on n'avoit pas beaucoup de peine à faire dresser des titres, où la fouche étoit quelque Dieu : aussi presque toutes les Genéalogies anciennes étoient à peu près de la sorte; le chef étoit Jupiter , après lui venoir Hercule, &c. Un grand nombre de Sçavans du dernier fiecle, & quel- Dixiéme ques-uns de celui-ci, ont prétendu que la pluspart des Fables criture Sainte tiroient leur origine de l'Ecriture Sainte mal entenduë, & mal entendue que les traditions du Peuple de Dieu conservées dans la Phenicie, l'Egypte, & les autres pays voisins , alterées dans la fuite , avoient donné lieu à un grand nombre de Fables. Ces Sçavans ajoutent que les Colonies forties des pays voisins de la Palestine, pour aller s'érablir dans les Ifles de la Mediterranée & dans la Grece , y avoient porté ces traditions . ainsi défigurées, & que les Poëtes avoient encore plus corrompues dans la suite , par les nouvelles fictions qu'ils y avoient ajoutées; enfin que les Patriarches , sur-tout ceux qui vécurent après le Déluge, Abraham , Jacob, Esaü , Moise: & quelques autres , étoient les premiers Dieux du monde payen ; & que leurs belles actions, leurs conquêtes & leurs Loix, avoient engagé les Peuples à les déifier. Parmi ces Sçavans on peut compter le célebre Bochart , Gerard Vofkus, M. Huer, le Pere Thomassin, &c. Il est constant que Moïse & Josué furent très connus, non و seulement en Egypte & en Phenicie; mais aussi dans plusieurs de comme Aftarté, Venus , Cybele, Cerès , Diane, les Muses, (1) Lisez la les Parques , &c. (1) & un autre Sçavant , prétend même La Demont. qu'Homere dans ses Poëmes, a fait l'Histoire des Heros de Evang. de M. l'Ecriture , sous des noms supposés ( 2 ). (2) Voyez le Enfin depuis quelques années ce sentiment, d'ailleurs trèsLivre intitulé, ancien, a été renouvelle par deux Auteurs qui l'ont encore plus braifant, (a) Procope in Vandal. Les Critiques trouvent dans cette Inscription , plusieurs marques de supposition. (6) Voyez 1. Bochart Geogr. Sacra. 2. Voff. de Idolol 3. Huer Demonft. 4. le P. Thomaslin , Lect. des Poëtes, étendu Huet. Homere Her étendu que ceux que je viens de nommer. Le premier est M. de Lavaux, dans un Ouvrage, qui a pour titre Conference de la Fable avec l'Histoire Sainte ; lequel pour donner plus de poids à son opinion, cite ceux des Peres, & des Ecrivains Ecclesiastiques', qui l'avoient soutenu avant lui : Tels font, S. Justin , Origene , Tertullien , Minutius Felix, S. Cyrille, Arnobe , Lactance, S. Augustin , Theodoret , S. Athanafe, Philon, Josephe , & quelques autres. Le second est M. Fourmont, de l'Academie des Belles-Lettres, dans ses Reflexions Critiques sur les Histoires des anciens Peuples. Comme ce sçavant Academicien possede à fond les Langues anciennes, il est celui de tous qui s'est le plus étendu sur cette matiere: & il a appliqué avec tant de justesse aux Patriarches les idées que Sanchoniathon nous a données des premiers hommes; il trouve dans leurs noms tant de rapports avec ceux que l'Ecriture leur donne, & dans leur caractere & leurs actions tant de ressemblance , avec ce que Moyse en a écrit , qu'il est souvent bien difficile de ne pas se rendre à ses raisons. D'ailleurs pourroit-on, comme il le dit dans sa Preface, faire un crime à quelqu'un , de suivre une foule d'Auteurs tous recommandables, ou par leur science , ou par leur pieté; & de vouloir trouver dans les Patriarches, les Dieux que le Paganisme a respectés , Saturne dans Noé, Pluton dans Sem, Jupiter Hammon dans Cham , Neptune dans Japhet, ainsi que la prouvé Bochart ; Belus & Jupiter dans Nemrod, comme d'autres l'ont soutenu; Minerve dans les idées de la Trinité, comme la pensé le Pere Tournemine, Jesuite; Apollon dans Jubal , avec le Pere Thomaslin, & ainsi des autres? De plus, ajoute-t'il , il n'y a rien de plus avantageux pour la Religion , que ce sentiment. C'est ainsi qu'en parle M. Quelque estime que j'aye pour ces grands hommes, je ne sçaurois croire que l'abus que les Poëtes ont pu faire de l'ancien Testament, ait donné lieu à un si grand nombre de Fables, qu'ils le prétendent. Car , premierement, les Juifs Huet (a). (a) Quo argumento vix validius ullum aut Splendidius , ex genere eorum quæ ra. sio fuppeditat , ad fanciendam Scripturæ Sacræ dignitatem reperio , quæ , &c. DeAnonit. Evang. P.4. C. 3. Tome I. G étoient une Nation fort meprisée de ses voisins, peu connuč des Peuples éloignés, & extrémement jalouse de la Loy & de ses ceremonies, qu'elle cachoit aux Etrangers, comme à des profanes , même dans le temps qu'elle a été obligée de vivre parmi eux. Quoiqu'on ne puisse nier de même, que les miracles que Dieu fit en Egypte du temps de Moyse, n'ayent été publics, il n'y a nulle apparence que ceux qui les raconterent aux Grecs , ayent fait beaucoup de cas d'un homme qui leur devoit être li odieux ; & je ne doute pas même qu'ils n'ayent donné la preference à leurs Magiciens : ou plûtôr ne firent-ils pas tout ce qu'ils purent, pour abolir le souvenir d'une personne qui leur avoit tant fait de mal ? D'ailleurs démentira-t'on toute l'Histoire ancienne, & les monumens les plus authentiques qui parlent des Heros de la Grece, qui nous apprennent leurs noms , leurs parens, & le lieu de leur naissance, pour croire sur quelques foibles Etymologies , ou sur quelques legeres ressemblances, qu'ils ne font copiés que d'après Moyse? Ne peut-il pas être arrivé en differens lieux des choses assez semblables? Agamemnon ne peut-il pas avoir voulu immoler sa fille Iphigenie dans la crainte de perdre le commandement d'une belle Armée, sans qu'il soit besoin de confondre cet évenement avec le sacrifice de Jephté, quelque ressemblance qu'on trouve dans le temps , (a) & dans le nom des deux Princesses? (6) On doit dire la même chofe du Déluge de Deucalion, de Minerve sortie du cerveau de Jupiter , & des autres Fables qui semblent avoir quelque rapport avec les verités de l'Ecriture. Eft-il impossible voir revenir sur la scéne du monde les mêmes évenemens? Ne fera-t'on pas toujours des sacrifices à l'ambition? Ne verra-t’on pas toujours des meurtres , des parricides? &c. Cela est si vrai , que qui sçauroit parfaitement l'Histoire des fiecles passés, verroit revenir bien des choses qui sont déja arrivées plus d'une fois. Après tout , s'il se trouve quelque rapport entre les Fables & l'Histoire de Moyse ou de Samfon, on doit penser seulement que c'est un reste de Tradition, و (a) Le Sacrifice d'Iphigenie arriya Ters le temps de Jephté. (b) La fille de Jephté s'appelloit. Iphianaffe , nom qu'Homere donne à la fille d'Agamemnon. |