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MENAGE. Il est vrai que Platon fût long-tems avant que de publier ses Ouvrages. Mais aucun des Anciens n'a dit qu'il ne les publia qu'après la quatre-vingtiéme année de son âge: qui étoit une circonftance à ne pas oublier si elle ût été veritable. En ce cas, il les auroit publiez l'année de sa mort: car felon Hermippus dans Laërce, il mourut dans la quatre-vingtiéme année de fon âge. Jonfius, qui est un des Auteurs favoris de Mr. Baillet, a écrit au chapitre 8. du Livre 1. de fon Histoire des Philofophes, que le Gorgias de Platon fut publié la 100. Olympiade. Et ainsi ce Dialogue auroit été publié huit ans avant la mort de fon Auteur: car Platon mourut la premiere année de la 108. Olympiade.

Il est au reste très-faux que Platon ait tenu ses Dialogues supprimez dans l'obscurité de son cabinet. Il les lisoit, & les donnoit à lire à tout le monde. Athenée a écrit au chapitre dernier du Livre 11. de ses Dipnosophistes, que Gorgias ayant lû dans une affemblée le Dialogue de Platon intitulé le Gorgias, il dit à ceux qui étoient presents à cette Lecture, qu'il n'avoit rien dit de tout ce que Platon lui fésoit dire dans ce Dialogue. Et il ajoûte, que Phædon avoit dit de lui la même chose après avoir lû le Dialogue de l'Immortalité de l'Ame, intitulé le Phædon. Le même Auteur a écrit que Protagore ayant lû le Dialogue qui porte fon nom, dit que Platon savoit bien brocarder, ὡς καλῶς εἶδε Πλάτων ιαμβίζειν. Et Diogene dans la Vie de Platon dit que Platon ayant lû fon Dialogue de Lysis à Socrate, Socrate dit en s'écriant, Quels mensonges ce jeune homme dit de moi! Il dit aussi que Favorin avoit écrit que Platon lifant son Dialogue de l'Ame, tout le monde se retira, à la reserve d'Aristote, qui l'entendit tout entier.

XXVII.

Ce que dit Mr. Baillet que Jules Scaliger disoit qu'il ût mieux aimé avoir fait l'ode d'Horace Donec gratus eram tibi, que d'être Roi de Perse, n'est pas véritable. Mr. Baillet n'a jamais lû toute entiere la Poëtique de Jules Scaliger qu'il cite fans cessfe.

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Onfieur BAILLET, qui cite sans cesse la Poëtique de
Jules Scaliger, ne l'a jamais lue toute entiere. Il dit à la

page 446. du quatriéme Tome: "Jules Scaliger témoignoit ,, qu'il auroit mieux aimé être l'Auteur de la neuviéme Ode

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d'Horace du 3. Livre, que d'être Roi de Perse; ou même avoir ,, fait la trois du 4. Livre, que d'être Roi d'Arragon: comme ,, l'ont remarqué à l'envie Mr. Gueret, Mr. Dacier, Mr. Teissier; ,, & d'autres personnes de Lettres. Et à la Note fur cet endroit : l'O,, de qui au goût de Scaliger vaut mieux que le Royaume de Perse,

در

est la 9. du 3. Livre. C'est un Dialogue d'Horace & de Ly,,dia, qui commance par Donec gratus eram tibi. Celle qui vaut mieux que le Royaume d'Arragon, est la 3. du 4. Livre à ,, Melpomene, qui commance par Quem tu, Melpomene..

دو

Jules Scaliger n'a point parlé de ce Royaume de Perse. Voici ses termes: qui font du chapitre 7. du Livre 6. de sa Poëtique: Inter ceteras verò (il parle des Odes d'Horace) duas animadverti, quibus ne ambrofiam quidem aut nectar dulciora putem. Altera, est tertia quarti Libri;

Quem tu, Melpomene, semel
Nafcentem placido lumine videris.

Altera, nona ex tertio;

Donec gratus eram tibi.

Quarum fimiles malim à me compofitas, quam Pythionicarum multas Pindari, Nemconicarum : quarum fimiles compofuiffe, quam esse totius Tarraconenfis Rex. Et Mr. Dacier sur l'Ode Donec gratus eram tibi, n'a fait mention ni du Royaume de Perse ni de celui d'Arragon. Il a fait seulement mention de ce dernier Royaume fur l'Ode Quem tu, Melpomene. Mr. Teissier n'a point non plus parlé de ce Royaume de Perse. C'est dans son Eloge de Bucanan par Mr. de Thou, où il a parlé de ce Jugement de Jules Scaliger touchant ces deux Odes d'Horace : mais où il n'a fait autre chose qué de citer l'endroit de mes Observations sur Malherbe, où j'ai dit que Passerat disoit qu'il ût mieux aimé avoir fait l'Ode de Ronsard au Chancelier de l'Hopital que d'être Duc de Milan, & que le Pere Bourbon disoit qu'il ût mieux aimé avoir fait les Séaumes de Bucanan, que d'être Archevêque de Paris: de la même façon que Scaliger disoit qu'il ût mieux aimé avoir fait les deux Odes d'Horace dont nous venons de parler, que d'être Roi d'Arragon. Pour Mr Gueret, il est vrai que dans son Livre de la Guerre des Auteurs, à la page 97. il a écrit que Scaliger préféroit l'Ode d'Horace Donec gratus eram tibi au Royaume de Perse. Ce qui confirme ce que j'ai dit tant de fois que Mr. Baillet ne cite pas les Auteurs de la premiere main, pour me servir de cette expres sion de feu Mr. de la Thibaudiere. Ce qui a broüillé la mémoire de Mr. Gueret, c'est ce vers d'Horace, Perfarum vigui Rege bea

l'Ode

tior.

Mais que veut dire Mr. Baillet en disant que d'être Roi de Perse, ou même que d'être Roi d'Arragon? Comme si le Royaume d'Arragon valoit mieux que celui de Perse. Il est à remarquer que Rex totius Tarraconenfis, signifie proprement Roi de toute l'Espagne Tarraconnoife (1).

J'ajoûte à toutes ces remarques, que le Pere Vavasseur dans son Livre de l'Epigramme page 141. préfére l'Ode Donec gratus tram à celle de Quem tu Melpomene: parce que c'est un Dialogue: & qu'il s'étonne que Scaliger n'ait pas fait cette remarque.

XXVIII.

Ce que dit Mr. Baillet que le Livre de Militia Romana imprimé sous le nom de Lipse, n'est pas de Lipse, est très-faux.

M

la page 362. de son second

Onsieur BAILLET dit à Tome que le Livre de Militia Romana publié par Lipse sous le nom de Lipse, n'est pas de Lipse. Il est très-faux que ce Livre ne soit pas de Lipse. Lipse n'étoit point un plagiaire (2). Et tous ceux qui ont parlé de cet Ouvrage, en ont parlé comme

11. J'aimerois mieux Tarragonnoise.

2. Quoique dans le fond Lipse n'ait pas été un plagiaire, & que les raisons qu'il produit pour sa justification dans l'Epitre 10. de la 1. Centurie ad Belgas, puiffent fervir de réponse à toutes les accufations non seulement du Président du Faur, mais encore de Muret, de Giphanius, de Scioppius, de Scaliger, de Richard Monraigu, de Boulenger, de Saumaise, &c. (P. Faber in Agonistico. Muret. Epist. ad Lipf. Giphan. epift. ad Muret. Scioppius in Priap. carm. 8. Scaligerana posteriora, v. Lipfius, & & V. Muretus. Bulengerus lib. 12. hift. Jui temporis. Gontherius de Jure Manium 22. Salmafius epist. 93. sur quoi l'on Tom. VIII.

peut voir Thomafius de plagio, & Jean Albert Fabrice dans sa Decas decadum.) Il faut pourtant avouer qu'il auroit mieux fait d'éviter ces sortes de reproches en faisant quelque mention des Auteurs, à qui il ne pouvoit disconvenir qu'il n'eût quelque obligation. Ce que personne n'a remarqué de Lipse est que pour illustrer plusieurs endroits du Traité de Seneque de Clementia, il s'est servi des mêmes citations dont Calvin alors Catholique, & qui n'avoit pas vingt-trois ans complets, s'étoit servi avant lui dans le Commentaire qu'il fit imprimer à Paris sur le méme Traité l'an 1532.

G

:

de fon Ouvrage. Daniel Heinfius, contemporain de Lipse, dans la Lettre qu'il a écrite à Cafaubon fur la mort de Scaliger, en parle comme d'un Ouvrage de Lipse. Existimo poftremos quibus ante mortem ufus est Auctores, Polybium, & Lipfii de Militia Romana libros fuiffe. Ce qui a fait faire cette faute à Mr. Baillet, c'est cet endroit du Second Scaligerana, page 143. Lipfius libro de Militia Romana, omnia cepit ex Francisco Patritio, qui Italice fcripfit ea de re. Eft-ce à dire que Lipse n'est pas Auteur de ce Livre? Par ce raifonnement Mr. Baillet ne feroit pas Auteur d'un nombre infini de Chapitres de fon Livre, qu'il a pris des Féseurs d'Eloges.

XXIX.

Juftification des quatre vers que j'ai faits sur le Poëme intitulé Afinus in Parnasso.

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Onfieur BAILLET, Tome V. page 371. "Mais nous ne pourrions pas produire un Poëte plus zélé pour la ,, gloire de Mr. Ménage que l'Auteur du Songe appelé Afinus in , Parnafjo; fi toutefois l'on peut dire que Mr Ménage ne nous ait ,, pas trompé en nous revelant son nom, & en voulant nous per

دو

دو

suader que c'est un François. Cet Auteur adjuge à Mr. Ménage ,, le premier rang d'après Phebus, immédiatement, fur le Parnafle, & lui donne la préféance generalement fur tous les Poë,, tes fans exception. Mr. Ménage dont la modestie a souffert ,, prodigieusement en cette rencontre, s'est cru obligé d'aller ,, promptement audevant de la colere de Mr. de Santeuil & de

دو

دو

Mr. du Perier, à qui on faisoit une injure si visible: & pour les appaiser, il fit cette Epigramme Latine, qui est encore un رد monument de sa vertu :

Sacro in vertice, qui Chorus fedebat
Vatum, ultro mihi detuliffe primas
Dixit Commirius. Quid invidetis,
Santoli, Pererique? Somniabat.

وو Nous avons toujours ouï dire qu'on ne témoigne jamais دو mieux que l'on mérite une Dignité, ou un rang de diftinction, » que lorsqu'on le refuse par un véritable sentiment de mo› destie. Mais on n'a point donné lieu à Mr Ménage de mettre cette belle vertu dans tout son jour, puisqu'il n'a point souf, fert de tentation, & qu'on ne lui a présenté ce premier rang „ qu'en fonge.

MENAGE. Comme je suis celui que Mr. Baillet a le plus maltraité dans son Livre, plusieurs de ceux qui ont fait des vers contre ce Livre, me les ont adressez: & entr'autres le Pere Lucas & le Pere Commire de la Compagnie de Jesus. Celui-ci m'a adressé un Poëme intitulé Afinus in Parnasso. Il dit dans ce Poëme qu'étant endormi, il songea qu'il étoit dans une Colline de la Montagne au double sommet, où étoient les plus celebres Poëtes Grecs, Latins, & François, que j'y étois aussi : & que tous ces Poëtes d'un commun consentement, me donnerent le premier rang après Apollon.

In altero federe Parnafsi jugo
Videbar. Aderant ingenii & fcientiæ
Quos laude claros fama fuper aftra extulit,
Grecique, Romanique; utriusque amubos
Quos Litterarum Gallia eduxit parens:
Omnes decorum floribus vincti caput.
His mistus aderas tu quoque ; & Phœbo locum
Tibi omnis ultro proximum dederat Chorus.

Je sai bien que je ne mérite pas ces louanges: & celui qui me les a données, le fait bien aufsi. Mais comme la Poësie aime l'Hyperbole, les Poëtes ont accoutumé de donner de ces louanges hyperboliques aux personnes qu'ils louent. Dans leurs langages, tous les Vaillans font aussi vaillans que Mars; toutes les Belles aussi belles que Venus; & tous les Poëtes font des vers comme Apollon. Plus Mars que Mars de la Thrace : Telle n'est point la Cythérée : Proxima Phœbi verfibus ille facit. Le Pere Commire ne doit donc pas être blâmé de m'avoir donné ces louanges : & je dois être loué de les avoir rejettées, par ces vers, que Mr. Baillet a mal representez.

Sacro in vertice qui sedent Poëtæ,
Ultro omnes mihi detuliffe primas,
Dixit Commirius, Quid invidetis,
Santoli, PererIque? Somniabat.

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