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en œuvre, fauf à donner quelque chofe de plus du cent de bois.

Si l'on veut être inftruit plus au long fur cette matiere, on aura recours à l'Arthimetique des Ouvriers & Marchands,par Sion, & autres Ouvrages de ce genre, on y trouverra ce qu'on fouhaite.

CHAPITRE

LA POLICE

V III.

OE CONOMIQUE,

Où l'on voit ce que c'est qu'un veritable Oeconome, & les devoirs qu'il doit remplir dans fon Domestique à la Campagne.

N veritable Oeconome eft une perfonne prudente, ménagere, qui

Ufait regler fes affaires, fà dépenfe

,

belle Ŏeconomie confifte encore à bien gouverner fa famille & fon domestique.

Sans de certaines regles qu'on doit fe prefcrire dans un ménage cham . pêtre, il est constant qu'on fe prive non feulement des grands_avantages qu'on en peut tirer, mais même qu'on s'y ruine entierement. Le ménage des Champs eft une République où tout va en décadence, fi on n'y apporte de l'ordre. Il doit y avoir de la fubordination & de l'empire, mais il faut avec cela que la raifon préfide, & fans la raifon ce n'eft qu'une confufion capable de jetter tout dans le défordre. Sur cette idée, il est aifé déja d'établir quelque devoir que doit fe prefcrire un bon pere de famille, qui entreprend le commerce de la Campagne.

Comme maître de fa famille il doit s'étudier à la bien gouverner, & à commander raisonablement & à propos à ceux qui lui doivent l'obéïffance; c'est le fecret de les obliger à fuivre agreablement ce qu'il leur ordonne. Un Gentilhomme, & toute autre perfonne qui délibere de faire valoir le bien qu'il tient de fes Ancêtres, ou qu'il s'eft acquis par fa propre industrie, doit avoir ces confiderations en vúë, s'il veut que tout luy profite.

Heureux celuy qui dans cette conjoncture a pour époufe une femme raifonnable, & avec laquelle il jouiffe d'une tranquille paix ; tout fe paffe entre eux dans une parfaite intelligence; c'eft un tréfor qu'une bonne femme, & de qui dépend tout le bon ou mauvais fuccès du de dans d'une maifon, puifque c'eît à fa conduite que tout eft commis: un homme a beau travailler pour amaffer tout ce qui peut provenir de la Culture des Terres, ce qu'il en retitera s'évanouira bien-tôt, fi la femme ne fçait le gouverner avec raison; car, comme dit le Proverbe, la femme fait ou défait la maison.

On fçait bien que la premiere chofe qu'un homme doit faire, c'est de rapporter tous fes deffeins à Dieu, d'inftruire fa famille & luy-même dans ce qui regarde les commandemens; les Livres faints nous en avertiffent, la morale nous l'apprend, & nous prefcrit les devoirs qui nous font abfolument neceffaires là deffus. Cette matiere n'eft traitée que trop à fonds par bien de celebres Auteurs; c'est pourquoy nous n'en dirons ici rien davantage,

confeillant d'y avoir recours, comme à des fources d'où l'on peut puifer toute la folide pietė.

Il eft des devoirs dans la vie civile qui ne font pas feulement l'honnêtehomme, mais qui contribuent encore à fes profperitez dans fon ménage; comme par exemple, lorfqu'une perfonne a de l'honnêteté pour tout le monde, qu'il eft affable, prévenant dans les befoins, liberal à fes amis fans profufion, careffant, & qu'il a de l'amitié pour ceux qu'il connoît, & qu'il eft bien fenfé; tout cela luy attire l'eftime d'un chacun, & le mettant en commerce avec toutes fortes de perfonnes, luy rend les efprits dociles à ce qu'il fouhaite d'eux, au lieu qu'un brutal, un homme hors de raifon, un esprit fauvage, pour peu d'affaire qu'il faffe, ne les fait le plus fouvent que de travers.

Ses affaires doivent toûjours être fi bien reglées qu'il foit toûjours en état de faire plutôt du bien à fes amis, que d'être obligé d'avoir recours à eux dans fes befoins. Si l'occafion fe prefente qu'il ait affaire de leur bourfe, que ce qu'il en defire foit modique, & qu'il le leur rende bientôt. Qui lien rend, dit le Proverbe, emprunte deux fois.

Le moyen d'arriver à ce but eft d'être attentif à ce qui regarde fon intereft, comme d'avoir l'œil à sa bourse, à fes Greniers & Caves & à fa Campagne ; à fa bourse, en fe rendant compte tous les jours de fa dépenfe & de fon gain; à fes Greniers & Caves, en confiderant les Marchandifes qu'elles contiennent, pour juger quand & comment il faudra qu'il s'en défaffe; & à fa Campagne, en fe confultant fur la maniere d'en faire la recolte; Il ajoûtera à cet examen quelque commerce qui n'ait point d'incompabilité avec l'Agriculture, afin qu'il foit, comme dit un ancien Auteur, plus en état de vendre que d'acheter.

Ce n'eft pas le tout, pour un bon Oeconome de Campagne, de bien fçavoir cultiver les Terres, il faut qu'il fe faffe une application particuliere de développer les fecrets qui peuvent tendre à rendre un Champ fertil : il s'épuife de fubftance à force de produire; il languit, pour ainfi dire; il a befoin de nouvelles forces, & ce n'eft qu'en les luy fourniffant qu'on en augmente le revenu. Si nous voulons que la Terre nous foit prodigue, il ne faut point lui être avare,& celuy là, dit-on, n'a pas befoin de Terres, qui ne veut pas les ameliorer. Il eft bon pour un ménager de risquer à la vente, d'être prompt à planter, & de bâtir fort tard, à moins que quelque occafion ne l'y oblige abfolument.

Tous ces points fuivis exactement conduifent un homme ménager à la veritable fcience de l'Agriculture,& c'eft par là qu'il groffit fes revenus, & que fon industrie le dédommage fuffifamment de fes fueurs ; rien n'échappe à fa connoiffance. Moulins, Aqueducs, Prairies, Herbages, Racines & plufieurs ufages & autres menues denrées qu'on neglige, luy apportent du profit, & il fçait par fon génie particulier, d'un défert, fe faire une demeure toute agreable & tres-utile.

Rempli de toutes ces lumieres qui regardent l'Agriculture, il n'hesitera point de donner fes ordres à fes domeftiques, qui luy obéiront d'autant plus volontiers, qu'ils verront que ce qu'il leur commande eft raisonable & fondé fur l'experience.

Cato de

Agric.

Un des principaux articles du devoir d'un Pere de famillle, eft de fçavoir approprier l'Ouvrage à l'Ouvrier; il en eft toûjours mieux fait; il faut auffi le proportionner à fes forces, c'eft à dire, donner les gros ouvrages à ceux qui font les plus robuftes; & aux plus ingenieux, les ouvrages qui demandent le plus d'invention.

Il faut tâcher, autant qu'il eft poffible, d'approfondir chacun en particulier l'efprit des Domestiques, afin de ne les point rebuter dans leurs travaux ; de traiter les uns doucement & les auttes avec un peu plus de feverité, parce qu'on aura jugé qu'ils doivent être traitez de la forte pour leur faire faire leur devoir; point de prévention fur tout dans ces jugemens, & qu'on fe garde bien de tomber dans les extremitez de ces deux paffions fçavoir de la douceur & de la feverité : ce qui eft outré eft dangereux, ainfi que ce qui paroît marquer trop d'indolence.

Il ne faut pas qu'un homme qui a un domeftique à conduire à la Campagne foit pareffeux de fe lever de grand matin; il doit commencer par faire la revue de tous ceux qu'il a à fes gages, fa prefence leur impofe, & c'est un exemple pour eux, & qu'il faut abfolument qu'ils fuivent. D'abord on les voit courir chacun à leur ouvrage, & c'eft à qui, femble-t'il, fe preffera le plus à le commencer; il n'est rien tel que le grand matin pour bien employer une journée; la matinée, dit le Proverbe, avance la journée, & pour parler dans le même efprit. Si tu te couches tard, tu te leveras de même,

plus tard l'ouvrage fera commencé, plus tard tu dîneras. Il ne faut point entreprendre les travaux champêtres, quand on fe fent trop de moleffe pour les executer; il faut conduire foy-même fes domeftiques, & être à leur tête, comme le chef qui leur doit commander.

Tels font les foins & la vigilance qu'on doit avoir à la campagne; tels font les mouvemens du corps qu'il s'y faut donner. Si un Pere de famille ne peut pas fuffire à veiller à tous ces dehors, it fera choix d'un honnête homme pour luy aider,d'un homme fur lequel il puiffe fe repofer, qu'il ait déja éprouvé en quelque façon, & dont il connoiffe la fidelité.

Il aura foin le foir de luy demander compte de tout ce qui ce fera paffé pendant la journée, de raifonner avec luy, fur ce qu'il conviendra faire pour le lendemain, & de luydonner fes ordres là deffus,afin qu'il n'y reste rien à faire. Il tiendra un Regiftre où il écrira tout ce qu'il donnera à fes domeftiques, crainte de fe tromper & de les tromper eux mêmes.

Ce grand ménager ne dédaignera pas quelquefois de s'entretenir avec fes Ouvriers, & de parler un peu familierement avec les journaliers, afin de louer ceux qui s'acquittent de leur devoir, & de reprendre les autres qui travaillent avec nonchalance: il faut toûjours neanmoins ne fe point dépoüiller de l'autorité qu'on a fur ces efprits, trop de familiarité les gâte, & préjudice au Maître.

porte

Il est bien vray qu'il faut leur pardonner quelque chofe quand ils ont manqué, afin que le pardon qu'on leur fait connoître, leur ferve de motif pour mieux faire une autre fois : mais il ne faut pas qu'une complaifance fans fondement alors nous faffe agir; c'eft la raifon feule & un peu de charité, qui mettant tout dans l'équilibre, s'il en eft befoin, doivent uniquement nous conduire,

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S'il arrive que quelque Valet ou autre Domestique vous donne fujet de vous mettre en colere, fachez vous y moderer,& que l'éclat qui y parroît foit plus pour le faire rentrer en fon devoir, que pour le maltraiter: que l'excés de cette colere n'aille pas jufqu'à lui donner congé fur le champ, & principalement dans le temps où on en a le plus affaire. Qu'on fe garde bien d'en venir jufqu'aux coups & jufqu'aux injures; le premier transport tient d'une efpece de folie, que tout le monde condamne, & l'autre d'une baffeffe d'efprit, qui ne convient qu'à des gens groffiers & mal instruits.

Il faut un peu fouffrir des Domeftiques, c'est à dire, fupporter quelques momens de leur mauvaise humeur, fur tout quand ils font bien d'ailleurs leur devoir, & que certaines conjonctures nous obligent de les garder; comme par exemple, quand la recolte des fruits approche,ou qu'on a commencé à la faire; car alors,fi vous maltraitez trop un Valet, il vous quitte brufquement, & d'autant plus volontiers, qu'il fait bien en ce temps qu'il ne manquera pas d'ouvrage; n'attendez point de ces gens là aucune complaifance pour vous, ils ne vont qu'où l'intereft, ou une fantaisie brutale les entraîne; plufieurs raifonsalors les follicitent à le faire, ou parce que le prix des journées eft plus fort qu'ils ne s'imaginent gagner quand ils font à l'année, fans confiderer ce qu'ils deviendront dans la morte faifon, ou parce qu'ils feront obfedez d'un petit libertinage, qui leur fera, par malheur pour eux, preferer leur liberté à leur interest.

Nôtre ménager aura pour maxime chaque foir d'ordonner tous les Ouvrages pour le lendemain, afin que chaque Domestique fachant qu'elle fera la tâche, fe leve dés la pointe du jour pour aller à fon ouvrage; ce Maître aura fouvent des conferences avec fes Valets fur ce qui regardera la culture des terres, & les ameliorations qu'il conviendra y faire; ces for-tes de confiances que les Domeftiques fe perfuadent qu'on a en eux, les flattent, & les portent à l'ouvrage avec plus d'inclination; cependant il eft bon de primer toûjours dans ces fortes d'occafions, & de faire voir qu'on fçait ce que c'est que l'ouvrage.

Il faut avoir le moins de Domestiques qu'il eft poffible, non feulement pour épargner la dépenfe & le foin de les conduire, mais encore plus pour éviter la pareffe. Un Maître fe décrie quand il change fouvent de Domcftiques, & ces changemens dérangent le bon ordre d'une maifon; car le nouveau Domestique apporte fouvent en entrant quelque mauvaife maniere quinuit aux autres, & il luy faut du temps pour quitter fes vieilles habitudes, & en prendre de nouvelles.

Ce n'eft pas le tout que de regarder les Domeftiques par rapport à fon Devoir des intereft, il faut encore avoir fur eux des vues de Religion. Le principal Maitre foin d'un Maître Chrétien, dit Monfieur Fleury, doit regarder les mœurs page 27. de fes Domestiques; il doit compter comme une chofe infaillible que chacun d'eux a quelque défaut, & travailler charitablement à l'en corriger, & à l'exciter à la vertu.

Il ne faut jamais remettre à faire un ouvrage, quand il eft neceffaire qu'il fe faffe; telle nonchalance eft toûjours préjudiciable. Qui trop attend le temps, le temps bien fouvent luy manque, & puis aprés on n'y peut plus revenir. La nourriture des Domestiques doit étre bonne & fuffifante, & un bon

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ménager aura foin qu'elle foit reglée & proportionnée à leur état; que les mets qu'on leur donne, quoique groffiers, foient bons & bien affaifonnez; car enfin ce font des hommes qu'on nourrit, il faut donc les nourrir humainement.

Leurs repas doivent être reglez, & même plus que ceux du Maître, qui fouvent a des cccafions de les reculer, où de les avancer. Ne fuivez point la coûtume de certaines gens, qui lorfque leurs Domestiques font à table, vont les regarder manger, comme s'ils vouloient compter leurs morceaux: fouvent cela les oblige à ufer de fobreté devant vous, lorfque par derriere ils cherchent à s'en dédommager à vos dépens; il faut les laifler libres là deffus, & en hyver leur donner aprés les repas le temps de fe chauffer un peu, pour retourner enfuite à leurs Ouvrages.

Dîner des Domefliques à la Campagne.

E dîner des Valets de Campagne depuis la mi-Octobre jufqu'au quinze de Février, qui eft le temps où les nuits font plus longues, doit toûchacun fe range à fa jours être avant jour, afin que dés qu'il éclaire, chacun fe tâche, la matinée étant le temps où l'on fait le plus d'ouvrages; car lorfqu'ils font à travailler par les Champs, on ne s'avife point de les faire revenir à la maison pour dîner, ce feroit trop de temps perdu, ainsi que s'il falloit leur porter à manger où ils travaillent.

Leurs occupations avant que de fouper en Hyver.

Es Domeftiques qui ont foin du bétail doivent avant fouper, & fitôt qu'ils font de retour des champs, les panfer foigneufement, & pour lors il est à propos que le Maître en fe promenant regarde par tout, examine tout, & fi les animaux de fa baffe-cour font accommodez comme il faut. C'est son profit, il ne travaille que pour luy; car le Proverbe dit fort bien, que l'ail du Maître engraiffe le cheval,

Q

voye

Occupations après le Souper.

Uand les Domeftiques ont foupé, ils font la veillée, & pour lors on les employe les uns à raccommoder quelques meubles ou inftrumens fervant au ménage des champs, les autres à tailler ou tiller le Chanvre, comme on voudra dire, & les autres à d'autres ouvrages de cette forte, fuivant en cela la maxime que nous preferit là deffus un ancien Naturaliste, Plin. liv. 8. qui dit, qu'il ne faut jamais faire de jour ce qu'on peut faire de nuit, ni dans Chap. 2. le beau temps ce qu'on peut faire pendant le mauvais; car c'eft ne pas s'entendre au ménage des champs, que de prendre une maxime toute contraire. Er pour ne pas laiffer oififs les Domestiques en ces mauvaises saisons, on aura chez foy une bonne provifion d'outils & d'inftrumens propres au labourage pour s'en fervir au befoin; on aura des focs, charrues, hoyaux, pioches, pelles, befches, ferpes & le refte, toûjours le double de chacun; afin que fi l'un vient à manquer, on ait recours à l'autre pour ne point

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