tée, & de la main droite une coupe, qui contiendroit un grand lac. Je crois que ce lac devoit fervir d'abreuvoir (a) à la figure de Bucéphale, que l'on devoit former en fculptant la montagne voifine du mont Athos. Valere Maxime, dans le livre 1. ch. 4. & Lucien, penfent que ce magnifique projet déplut à Alexandre; mais Vitruve, au commencement du livre 2, & quantité d'auteurs, foutiennent le contraire, & difent que ce projet ne fut rejetté que parce qu'il n'y avoit autour du mont Athos (ni foin pour le cheval) ni terre pour fournir la nourriture des habitants. Le peintre & le ftatuaire d'Alexandre chercherent & trouverent alors une occafion de s'immortalifer. Appelles fit le portrait de Bucéphale fi reffemblant ( que l'on me paffe cette expreffion) qu'il n'y manquoit que la parole. Praxitele & Phidias firent fa ftatue équeftre fi vraie & fi animée, qu'elle faifoit hennir toutes les juments qui paffoient auprès. Les dames de Macédoine n'oferent pas élever un temple à Bucéphale mais elles firent graver fa fi (a) Il eft vrai que Pline ne rapporte pas ce der nier fait; mais je le fais par tradition d'ailleurs le bon fens montre que la coupe devoit fervir à quelque chofe, F gure fur des pierres précieuses; elles en for merent des bagues, des frontons, des talif mans & des amulettes,qui devoient procurer à leurs maris au moins une des bonnes qualités du pauvre défunt. Franchiffons le pas, avouons le fait.Rome, la fuperbe Rome, ne déclara depuis, vingt fois la guerre à la Grece, que dans l'objet fecret d'enlever (4) la ftatue de Bucéphale. Enfin la capitale du monde, après mille fanglantes batailles, obtint par un traité de paix cette fameufe ftatue; elle la plaça fur le mont Quirinal, c'est-à-dire, fur la montagne du temple de Romulus; elle débaptifa cette montagne, elle l'appella MonteCavallo. Pour embellir cette ftatue, Rome a bâti tout auprès le plus fuperbe de fes palais.. Donnons enfin le coup de grace. Alexandre au contraire mourut jeune, âgé de trente-trois ans, dans la premiere année de la 114. olympiade : il périt plein de remords, de vin ou de poifon. Le critique Bayle remarque que la fureur de ce petit fou, très-grandement avide de gloriole, lui fit faire pendant fa vie tant de méchantes actions, qu'accablé de malédictions uni (a) Le prétexte de la monarchie univerfelle étoit un projet trop visiblement déraisonnable pour pouvoir féduire un Corps, fur-tout le Sénat de Rome: il est plus vraisemblable que Rome ne combattoir que pour obtenir la ftatue équeftre verfelles fon cadavre refta plufieurs joursfans fépulture. Le dirai-je ? Alexandre (a) n'auroit jamais eu comme fon cheval, après fa mort, la gloire d'avoir une cité qui portât fon nom, fi pendant fa vie il n'eût fait conftruire lui-même par Dinocrate la ville & le port d'Alexandrie. Que le lecteur impartial prononce fon jugement fur le mérite du maître & de fa monture; qu'il fonde fa décision fur le détail analytique des biens du corps, de l'ame & de la fortune de l'un & de l'autre ; & malgré les préjugés des Nairos Vénitiens, Germaniques ou Malabariens; qu'il décide s'il ne feroit pas plus honorable pour nous d'être iffus (s'il étoit poffible) d'un cheval vertueux & rempli de talents, tel que Bucéphale, ou tel que le cheval que le petitmaître nommé l'Empereur Caligula, fit Conful de Rome, que d'être le fils du Cavalier. Que l'on fe fouvienne que le crime dégrade l'homme ; qu'il n'y a rien au-deffous du vice; qu'il n'y a rien au-deffus de la vertu. Jacques Rosbif nous le dit, la co-médie du François à Londres nous l'apprend: il n'y a que le vice de roturier. (a) Le nom d'Alexandre a encore été fameux par l'intrigue d'un homme extraordinairement fingulier. Voyez dans Lucien, tom. 1, Alexandre, ou ́ le faux Prophete. REFLEXIONS MORALES. Si l'on me blâme de l'originalité ridicule du parallele; fi l'on dit que je me fuis appesanti, acharné à décrier minutieusement toutes les actions principales de la vie d'Alexandre ? Répondrai-je que j'y ai été forcé pour perfuader à ceux qui commencent leur cours de belles-lettres, que ma méthode fournit furabondamment des matériaux de toute efpece. Je comprends bien que le critique me repliqueroit : Que n'avez-vous imité l'abbé Coyer? Son année merveilleuse, sa magie démontrée, en un mot, fes bagatelles morales ne font également que des defcriptions analytiques d'un fimple fait mais ces defcriptions font badines, légeres, agréables, &c. Ses ouvrages plairront toujours à toutes les perfonnes de goût. Zadig eft un chef-d'œuvre à peu près de la même efpece..... Après avoir bien médité, j'avouerai que Voltaire & l'abbé Coyer font de fublimes opérateurs dans une matiere où je fuis borné à faire la fonction d'un chirurgien de village qui entreprend de démontrer l'anatomie. J'ai difféqué un Alexandre ; Ai-je fait du mal à quelqu'un, en vengeant l'efpece humaine ? Les extravagants, du genre fingulier d'Alexandre, ne font - ils pas des fujets qui appartiennent de droit à l'amphithéatre de la rhétorique & du parnaffe? Hélas! fi le hazard m'eût fait ouvrir plutôt le gros in-folio intitulé Amphitheatrum fapientia joco-feria Dornavi parmi les fix cents neuf exemples des critiques badines qu'a recueilli cet auteur, au lieu de donner du fruit nouveau, j'aurois fimplement traduit les louanges de Bufiris, Phalaris, Néron,.... l'éloge de la goutte ou de la pefte. Si j'avois voulu éviter cette peine, j'aurois emprunté du fpectacle de la nature le parallele de l'âne, ou quelques fcenes de la comédie des animaux raisonnables; enfin j'avois droit de traduire dans cet ouvrage l'éloge du diable, que Thomas Brunus prononça publiquement à Wirtemberg, au commencement de ce fiecle. Chacun en ce libre métier, Peut perdre impunément fon encre & fon papier. J'ajoute un mot, (ceci foit dit fans reproche) les perfonnes qui s'occupent de brochures, de romans, &c., je veux dire, ceux qui vont à la gargote de la littérature, n'ont jamais droit de fe plaindre. Que peut-on avoir pour 25 fols par repas? Je vous en donne pour votre argent. Voudriez-vous à ce prix manger des bifques |