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tonice, celle-là même qu'Antiochus céda à fon fils, qui en étoit amoureux : auffi portoit-il toutes les marques d'un Temple conftruit par les Grecs, puifqu'on y voyoit les Statues de Jupiter, de Junon, & des autres Dieux de la Grece.

La feconde, qu'il est évident que, foit pour la conftruction de ce Temple, foit pour le fervice de la Déeffe qui y étoit honorée, on avoit emprunté beaucoup de chofes, de celui de Salomon. Car, 1°. celui de Syrie étoit divifé en deux parties, dont l'une étoit le Temple, proprement dit; l'autre le Sanctuaire, où il n'étoit permis qu'aux principaux Prêtres d'entrer ; & on fçait que le feul Souverain Pontife avoit la permission d'entrer une fois l'an dans ce qu'on appelloit le Sancta Sanctorum. 2°. L'un & l'autre de ces deux Temples étoit environné de deux Parvis. 3°. Il y avoit à la porte de l'un & de l'autre un Autel d'airain. 4°. Les Sacrificateurs de la Déeffe de Syrie étoient divifés en deux ordres, fçavoir, le Pontife & les Prêtres; il en étoit de même à Jerufalem, Les Prêtres d'Hierapolis étoient vétus de blanc, & le Pontife de pourpre avec une Tiare d'or; tel étoit l'habit des Sacrificateurs des Juifs. 5°. Lucien ajoute qu'outre les Prêtres, il y avoit dans le Temple de la Déeffe de Syrie une multitude d'autres Miniftres qui fervoient dans les ceremonies, & un grand nombre d'autres qui jouoient de la flûte & de plufieurs autres inftrumens; c'étoient les fonctions des Levites, qui fervoient les Sacrificateurs, chantoient, & fonnoient de trompette pendant les Sacrifices. 6°. On facrifioit deux fois le jour à Hierapolis, le foir & le matin; il en étoit de même à Jerufalem. 7. Si dans la ceremonie d'une des fêtes d'Hierapolis on alloit puifer de l'eau dans la mer, pour la repandre dans le Temple en l'honneur de la Déeffe; c'étoit une imitation de cette effufion d'eau qui fe faifoit à Jerufalem, à la fête des Tabernacles. 8°. Selon Lucien, les animaux qu'on immoloit dans le Temple d'Hierapolis, étoient le bœuf, la brebis, & la chevre, & on n'y offroit point de pourceaux ; il eft clair que cet ufage étoit pris des Juifs, qui des animaux à quatre pieds ne facrifioient que ceux que je viens de nommer, 9°. La plus grande fête d'Hierapolis, fuivant le même Auteur, arrivoit au printemps, & ceux qui y affiftoient facrifioient une

la

brebis, l'apprêtoient & la mangeoient. On ne l'immoloit pas dans le Temple, mais après l'avoir presentée à l'Autel & fait les libations, on la rapportoit chez foi, où après quelques prieres on l'offroit en Sacrifice: rien certainement ne reffemble plus à la fête de Pâques, qui fe celebroit auffi au printemps. 10. Il y avoit à Hierapolis, dit le même Auteur, une autre forte de Sacrifice, où on couronnoit la Victime, puis on la lâchoit, & elle fe précipitoit du haut du rocher où étoit bâti le Temple': c'eft-là, fans doute, une imitation de la fête des Propitiations, au jour de laquelle on amenoit le bouc Azael dans le defert, couronné d'une bande d'écarlate, & on le précipitoit du haut d'un rocher.

On pourroit pouffer encore plus loin ce parallele, mais en voilà affez pour juger que les Syriens, du moins pour le temps dont parle Lucien, car il ne dit rien de l'ancien Temple de leur Déeffe, avoient emprunté des Juifs plufieurs des ceremonies qui fe pratiquoient à Jerufalem.

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CHAPITRE I I I.

Derceto, ou Atergatis, & Semiramis.

UOIQUE de très-fçavans hommes, fondés fur de folides raifons, croyent que Derceto ou Aftergatis eft la même qu'Aftarté, dont je viens de parler, cependant entraîné par l'autorité de Lucien, qui paroît très-inftruit de la Religion des Syriens, je crois qu'il faut les diftinguer l'une de l'autre. Cet Auteur, après avoir rapporté l'opinion de ceux qui difoient que le Temple d'Hierapolis, dont je viens de parler, avoit été conftruit par Semiramis en l'honneur de Derceto fa mere, dit qu'il étoit bien perfuadé que cette Princeffe l'avoit bâti; mais qu'il ne croyoit pas que ce fût pour fa mere. » J'ai vû, dit-il, en Phenicie la figure de Derceto, qui reprefente une femme de la ceinture en haut, & dont » la partie inferieure fe termine en queue de poiffon; mais » la Statue qui eft dans le Temple d'Hierapolis, porte la » reffemblance d'une femme entière ». Rien n'eft plus précis

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que ce paffage, & il eft clair que cet Auteur étoit perfuadé de la diftinction qu'il faut mettre entre ces deux Déeffes.

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A l'autorité de Lucien, je joins celle de Diodore de Si(1) L. 2. c. 5. cile, qui raconte ainfi l'hiftoire de cette Déeffe (1). » Il y a dans la Syrie une ville nommée Afcalon, auprès de laquelle eft un grand & profond Lac, abondant en poiffons, » & un Temple dedié à une fameufe Déeffe, que les Syriens appellent Derceto. Elle a la tête & le vifage d'une femme, » mais tout le refte du corps eft d'un poiffon: voici la cause qu'on allegue de cette forme. Les plus habiles de la Na» tion difent que Venus ayant été offenfée par Derceto, lui infpira un amour violent pour un jeune Sacrificateur fort » bien fait. Derceto ayant eu de lui une fille, conçut une fi grande honte de fa foibleffe, qu'elle fit difparoître le jeune homme; & ayant emporté l'enfant dans un lieu defert & -plein de rochers, elle fe jetta dans le Lac, où fon corps fut metamorphofé en poiffon: de-là vient que les Syriens » encore aujourd'hui s'abftiennent de cette nourriture, & re»verent les poiffons comme des Dieux ».

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On voit par ces deux autorités qu'Aftarté, de laquelle on ne raconte rien de pareil, étoit totalement differente de Derceto, qui étoit un corps de Neréide, & devoit reffembler à la Déeffe Eurynomé fille de l'Ocean, qui étoit adorée en (2) Paufanias Arcadie, & avoit un Temple dans la ville de Phigale (2), qu'on n'ouvroit qu'une fois l'année. Cette Déeffe, qui y étoit attachée avec des chaînes d'or, étoit reprefentée moitié fem me, moitié poiffon.

in Arc.

(5) Profcript.

Mais il faut approfondir davantage la Mythologie des Sy riens au fujet de Dercero, & rechercher les raifons pourquoi ils avoient tant de veneration pour les poiffons.

Tous les Anciens conviennent unanimement qu'ils s'abftenoient d'en manger : cependant ils ne font pas d'accord fur (3) Cyrop. les motifs de cette abftinence. Xenophon (3), Diodore (4), (4) Loc. cit. Clement d'Alexandrie (5), & quelques autres, croient que c'eft parce qu'ils les adoroient comme des Dieux. Antipater, (6) L. 8. c. 8. & Mnafeus cité par Athenée (6), raconte qu'une Reine de Syrie, nommée Atergatis,.aimoit le poiffon avec tant de paffion, qu'elle défendit à fes Sujets d'en manger, comme je

l'ai

l'ai déja dit. De là, dit Athenée, l'ufage de confacrer dans les Temples de cette Déeffe, des poiffons d'or & d'argent, & de lui en prefenter tous les jours de veritables. D'autres Auteurs croient que cette veneration pour les poiffons venoit de ce qu'ils avoient fauvé Derceto, lorfqu'elle tomba dans le Lac dont nous avons parlé. Enfin il y en a, qui fur l'autorité de Menandre cité par Porphyre (1), difent que les Sy- (1) De Abft. riens ne s'abftiennent de manger du poiffon, que par la crainte de contracter certaines incommodités du foye & des entrailles, dont ils croyoient que la Déeffe, à qui cet animal étoit confacré, puniffoit ceux qui en mangeoient.

Liv. 4.

Quoiqu'il en foit, je penfe que cette coutume prit fon origine dans la perfuafion où l'on étoit, qu'autrefois les Dieux, pour éviter la perfecution des Geants, avoient emprunté la figure de plufieurs animaux, comme nous l'avons dit dans l'Hiftoire des Dieux d'Egypte. Or on apprenoit par cette fable que Venus, qui étoit la même qu'Atergatis ou Derceto, s'étoit metamorphofée en poiffon : Pifce Venus latuit, comme le dit Ovide (2): ce même Poëte affûre que c'étoit l'opinion des (2) Met. L. 5. Peuples de Babylone & de la Palestine. Les habitans de

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Babylone, dit-il, racontent comment Derceto, couverte

» d'écailles, habite les étangs de la Palestine » ;

& dubia eft de te Babylonia narret,

Derceto, quam versâ, fquammis velantibus artus,
Stagna Palaftini credunt coluisse figurâ (3).

(3) Met. L. 4.

V. 43.
Semiramis.

On vient de voir que Derceto avoit expofé fa fille; c'étoit la fameuse Semiramis. Quelques Bergers l'ayant trouvée, la porterent (4) chez Simma, femme d'un maître des troupeaux (4) Dio. L. 2. du Roi du pays, qui lui donna le nom de Semiramis, qui en langue Syriaque fignifie une colombe. De-là apparemment eft venue la fable qui dit qu'elle avoit été nourrie par des colombes, & qu'elle fut metamorphofée en cet oiseau, qui fut depuis en grande veneration parmi les Affyriens (a).

(a) Luther fur ces paroles de Jeremie,, facta eft terra eorum in defolationem à facie columba, dit que le Prophete fait ici allufion à l'Hiftoire de Semiramis, & des colombes qui étoient en grande veneration parmi les Affyriens: ainfi que dans cet autre paffage du même Prophete, qui voulant prédire aux Juifs que les Affyriens viendroient defoler leur pays, leur dit: fugite à facie gladii colomba. Cccc

Tome I.

Syria.

Je ne m'étends pas au refte, fur l'Hiftoire de cette fameuse Heroine, qui après la mort de fon mari Ninus qui avoit fondé le premier Empire des Affyriens, fit tant de belles conquêtes, & éleva ces fameux Jardins, qui ont paffé pour une des fept merveilles du monde ; ainsi que les murailles de Babylone, dont tant d'Hiftoriens ont fait la defcription. Comme je n'en dois parler qu'autant que fon hiftoire a rapport à la Mythologie, je me contente de dire ici, pour expliquer les fables qu'on a mêlées à fon fujet, que fon fils Ninias voulant la faire mourir, elle ne fit aucune refiftance, s'étant reffouvenue de l'Oracle qui lui avoit prédit, que lorfque ce Prince lui drefferoit des embûches, elle difparoîtroit, & feroit enfuite adorée comme une Déeffe. En effet, foit que Ninias pour favorifer cette erreur, eût fait cacher le corps de fa mere; ou que pendant qu'on l'affaffinoit, on eût vû fortir du Palais quelques colombes, on publia que c'étoit elle qui s'étoit envolée fous cette figure, & dès lors les colombes furent confacrées parmi les Affyriens, qui les porterent dans leurs Enfeignes. C'eft à ce refpect pour ces oifeaux, peints dans les Etendars des Affyriens, que fait allufion l'Ecriture Sainte dans l'endroit où il eft dit : Fugite à facie gladii Columbe.

Les habitans d'Afcalon avoient un fouverain refpect pour les colombes. Ils n'ofoient ni en tuer, ni en manger, de peur de fe nourrir de leurs Dieux mêmes. Philon affûre qu'il avoit vû dans cette ville un nombre infini de pigeons qu'on nourriffoit, & pour lefquels on avoit une veneration particuliere. Tibulle a très-heureusement exprimé ce refpect des Syriens pour les pigeons, dans ces deux vers:

Quid referam, ut volitet crebras intacta per urbes
Alba Palaftino fancta columba Syro,

Semiramis mourut âgée de foixante ans, après en avoir re(1)De Dea gné quarante-deux. Lucien (4) parlant d'une Statue de cette Princeffe qui étoit dans le parvis du Temple de la Déeffe de Syrie à Hierapolis, dit qu'elle y étoit reprefentée dans l'atti tude d'une perfonne qui étendoit la main & montroit le Temple, dont la raison étoit, dit-il, qu'ayant ordonné un jour

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