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Syria.

qu'on n'adorât qu'elle dans tous fes Etats, elle tomba dans de grandes calamités, qui lui ayant fait faire de fages reflexions, elle commanda à fes Sujets d'honorer Junon au lieu d'elle ; & que c'eft pour cela qu'elle fait figne de la main qu'on ne doit rendre un culte religieux qu'à la Déeffe qui eft dans le Temple. Il ne faut pas oublier au refte, que Voffius croit qu'il y a eu trois Semiramis; 1 femme de Ninus, la fille de Belochus, & une autre : & que ce qui a porté tant de confusion dans cette Hiftoire, c'eft qu'on les a confondues dans la suite. J'ai dit que de fçavans hommes étoient perfuadés que Derceto ou Atergatis étoit la même qu'Aftarté; & voici les raifons fut lefquelles ils fe fondent. Stabon (1) parlant des chan- (1) De Dea gemens qui font arrivés dans les noms, obferve que d'Atergatis ou Arergara, on a fait Athera, & que cette Déesse est la même que celle que Crefias appelle Derceto: or Ctefias ayant demeuré long-temps en Perfe, devoit connoître les Dieux de la Syrie. Artemidore affûre que les Syriens mangent du poiffon, à l'exception de ceux qui adorent Aftarté; ce qui prouve que cet Auteur confond cette Déeffe avec Dercero, puifqu'il dit des adorateurs d'Aftarté, ce qui ne conviendroit qu'à ceux de Derceto, fi l'une étoit differenté de l'autre. L'Auteur du fecond Livre des Machabées femble fuppofer ce que je dis ici, puifque parlant d'Aftaroth-Carnain, il dit qu'il y avoit dans cette ville un Temple d'Atergata. Pline paroît être du même fentiment, lorfqu'il dit qu'on croyoit qu'Atergatis étoit la même Déeffe que les Grecs nommoient Derceto: ibi prodigiofa Atergatis, Græcis autem Derceto dicta, viderur (2). Enfin Selden, qui a traité à fond l'Hiftoire de (2) Liv. 16. ces Divinités de Syrie, ajoure encore de nouvelles preuves à celles que je viens de rapporter, comme on peut le voir dans fon Ouvrage. Cet Auteur prouve auffi que la fable de Dercero, ou Atergatis, eft la même que celle de Dagon, Dieu des Philiftins, qui étoit reprefenté fous la figure d'un poiffon, puifque felon lui (3), le nom d'Atergatis, eft com- (3) Synt, 2 pofé d'Adir-dagon, grand poisson, ou poisson magnifique. S. Je- . 3. rômé femble favorifer l'opinion du fçavant Anglois, lorsqu'il dit que Dagon fignifie pifcis mærorts, poiffon de deuil où de rifteffe: mais pour ce dernier article, je prefere le fentiment

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C.

de Voffius, qui croit que le nom d'Atergatis veut dire, quafi fine pifcibus, fans poiffons, parce que ceux qui honoroient cette Déeffe, s'abftenoient d'en manger, comme nous venons de le dire; & dès là nous la diftinguons de Dagon, comme on va le voir dans le Chapitre suivant.

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CHAPITRE I V.

Dagon.

AGON étoit une des plus celebres Divinités des Philiftins, & une de celles dont l'Ecriture Sainte parle le plus fouvent. Si nous nous en rapportons à Sanchoniathon, l'origine de ce Dieu eft fort ancienne. Le Ciel, dit cet Auteur (a), eut plufieurs enfans, & entr'autres Dagon, ainsi nommé du niot Dagan, qui en Phenicien veut dire du froment. Comme il fut l'inventeur de la charue, & qu'il apprit aux hommes à fe fervir de bled pour faire du pain, il fut après la mort furnommé Jupiter Agrotès, ou le Laboureur. Saturne, continue cet Auteur, dans le temps qu'il faifoit la guerre à Cælus, ou Ouranos, ayant fait prifonniere une de fes femmes, il la fit époufer à Dagon. Suivant cette opinion, Dagon n'eft plus un Dieu moitié homme, moitié poiffon, comme l'ont imaginé les Rabbins : ce n'eft plus l'Atergatis ou la Derceto, dont je viens de parler; c'est le Dieu du bled, l'inventeur du labourage, qui merita après fa mort les honneurs divins. Son nom ne vient point du mot Hebreu Dag, un poiffon, mais c'eft un nom Phenicien, Dagan, qui dans cette langue veut dire du froment.

Bochart perfuadé que c'eft à l'Auteur Phenicien qu'il faut s'en rapporter pour l'origine des Dieux de fon pays, a donc raifon de ne regarder que comme des fables Rabbiniques tout ce qui a été debité sur la figure de Dagon, En effet, quel ques-uns de ces Docteurs de la Loy, confondant ce Dieu avec Atergatis ou Derceto, difent qu'on le reprefentoit comme

(a) Voyez le Fragment de cet Auteur que nous avons rapporté dans l'Article des Theogonies.

(1) Rabbi Kimchi.

() Aburba

nel.

(3) Rabbi

Silom.

un homme, dans la partie fuperieure de fon corps, & comme un poiffon de la ceinture en bas (1); pendant que d'autres veulent au contraire qu'il ait eu la forme de poiffon dans le haut du corps, & la figure humaine des cuiffes en bas (2) Quelques-uns prétendent (3) qu'il étoit tout poiffon; quelques autres que fa figure étoit celle d'un homme, depuis la tête jufqu'aux pieds; & ceux-là ont fans doute plus de raison. C'est l'idée qu'en donne l'Ecriture Sainte, lorfqu'elle raconte (4) (4) 1. Reg. qu'à la prefence de l'Arche du Seigneur, que les Philiftins avoient mife dans le Temple de ce Dieu, après la défaite des Ifraëlites, fon Idole fut renversée, & qu'on trouva fa tête & fes mains fur le feuil de la porte de ce Temple, pendant que le refte du corps étoit demeuré fur le pied-d'eftal. Caput Dagon,& due palma manuum ejus abfciffe erant fuper limen. Porrò Dagon folus truncus remanferat in loco fuo. Voilà donc une tête, des mains, & un tronc; & fi on ajoute des pieds, comme ont fait les Septante, en difant que la tête, les mains & les pieds de l'Idole s'étoient trouvés enfemble, feparés du tronc, ce fera une figure humaine dans toutes fes parties.

Quoiqu'il en foit, les Philiftins avoient une grande veneration pour Dagon, & fes Temples étoient magnifiques. Il falloit que celui qu'il avoit à Gaza fût très-vafte, puifque Samfon qu'on y avoit conduit en le retirant de la prifon où il étoit pour infulter à ce redoutable ennemi, qu'ils croyoient avoir perdu toutes fes forces par la trahifon de Dalila, ayant renversé les colomnes qui le foutenoient, il écrafa fous fes ruines plus de trois mille hommes. Le Temple que ce Dieu, avoit à Azoth, n'étoit pas moins celebre., & ce fut dans celui-ci que fut mife en depôt l'Arche du Seigneur, où arriva le miracle que je viens de rapporter. La tête de Saül fut aussi, depofée dans un des Temples de ce même Dieu, comme on le voit dans le Livre des Juges (5), & fes armes dans celui (5) Chap. 6. d'Aftaroth; nouvelle preuve, pour le dire en paffant, que Da- v. 23. & 24gon & Aftaroth ou Aftarté, étoient deux Divinités differentes.

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-697.

(1) Ep. ad. Lætam.

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L

CHAPITRE V.

20 Marnas.

ES Philiftins avoient encore une autre Divinité, dont S. Jerôme (1) ne donne pas une grande idée, puisqu'il dit que ce Dieu enfermé dans fon Temple, en craignoit con tinuellement la ruine. Marnas Gafa luget inclufus, & everfio nem Templi pertimefcit; mais il y a apparence que ce faint Docteur a voulu en cet endroit, comme en plufieurs autres, railler les Payens fur leurs faux Dieux. Car dans le fond, Mar nas étoit regardé par les habitans de Gaza, comme un de leurs grands Dieux, puifque c'étoit parmi eux Jupiter lui-même. Son nom dans la langue Syriaque, veut dire Seigneur 3 ce qui convient à ce pere des Dieux & des hommes (a). Mais quel étoit le Jupiter qui portoit le furnom de Marnas? C'eft ce qu'il eft difficile de decider. Cependant les Sçavans croient que c'étoit le Jupiter de Crete, celui-là même qui enleva Europe, & c'est le fentiment de Stephanus, c'est-à-dire Minos premier du nom. Il y a des Auteurs qui prétendent que Marnas étoit le Secretaire de ce Prince, qui s'en fervit pour rediger le Code de fes Loix, comme nous le dirons dans fon (2) Tome III. Hiftoire (2). Ceux qui enleverent Europe pour la conduire en Crete, emmenerent apparemment Marnas avec eux ; car certainement il devoit être né dans la Syrie, fon nom en eft une preuve. Ce même nom devint celebre dans l'Ile de Crete, & on le donna aux filles, qu'on appelloit Marna, comme qui diroit Madamé.is.

Quoiqu'il en foit, Marnas étoit fort honoré dans la ville de Gaza: il y avoit un Temple, & on celebroit en fon honneur des Jeux & des Courfes de chariots. La ville même de Gaza, joignoit quelquefois dans fes Medailles le nom de ce Dieu avec le fien, TAZA MAPNA.

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CHAPITRE V I.

De quelques autres Dieux Syriens & Pheniciens, qu'on ne connoît que par l'Ecriture Sainte.

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N trouve dans l'Ecriture Sainte les noms de quelques Dieux dont les Auteurs profanes ne nous donnent aucune connoiffance. Selden dans le Traité curieux qu'il a com pofé fur les Dieux des Syriens, les divife en deux Classes (1); Il met dans la premiere ceux dont il eft parlé dans le Penta teuque, tels que font Gad, ou la bonne fortune, les Teraphims, Baalszephon, le Veau d'or, Baalpeor & Moloch; & dans la feconde, ceux dont il eft fait mention dans les Prophetes, comme Baal, ou Bel, Aftarté ou Aftaroth, Dagon, Miphlotzeth, Beel-zebut, Succor Benoth, Nergel & Thammus; c'eft, ajoute cet Auteur, dans les Dieux de ces deux Claffes que font renfermés le Soleil, la Reine du Ciel, la Milice du Ciel, & les Planetes, dont le culte eft fi fouvent reproché aux Payens, par les Ecrivains facrés.

Je vais tâcher de donner une idée exacte de ceux de ces Dieux dont je n'ai pas encore parlé. Je devrois commencer par la Fortune, ou Gad, la premiere des Divinités payennes que nomme Moyfe; mais j'en ai parlé fuffifamment forfque j'ai tâché de decouvrir l'origine de l'Idolâtrie.

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(1) Synt. 2

C. I.

C. 31. V. 19. 20.

LES Hebreux nommoient Teraphims les Idoles que Rachel avoit derobées à fon pere Laban (2), & il n'eft pas douteux (2) Genefe que ce ne fuffent fes Dieux, puifqu'en fe plaignant à. Jacob, il lui dit : Cur furatus es Deos meos? Pourquoi m'avez-vous derobé mes Dieux (3) Les Interpretes de l'Écriture fainte & (3) Verf. 30. les Rabbins, ont debité beaucoup de conjectures, pour fçavoir ce que c'étoit que ces Teraphims, & Selden laiffe peu de chofes à defirer fur ce fujet. Mes Lecteurs n'attendent pas

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