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on doit obferver, 1°. que les trois figures gravées fur cette
pierre ont de la barbe, & qu'on n'a jamais représenté ainsi
les figures Egyptiennes : 2°. que l'efpéce de bonnet pointu
dont une des figures a la tête couverte, fe trouve fur un
monument des Perfes, rapporté par M. Chardin: 3°. que
la figure du Soleil tracée fur la pierre, fait naturellement
allufion au culte que ce peuple lui rendoit. Je crois encore
que le Cylindre du No. II. eft un monument des anciens
Perfes, foit parce que les figures ont de la barbe, comme
celle du N. I. foit parce que l'on voit fur une de ces
figures un bonnet plat entiérement pareil à cet ornement
de tête, que l'on rencontre fréquemment fur les monu-
mens Perfans ; & une tunique qui defcend jufqu'au milieu
des cuiffes, forte d'habillement que Strabon attribue aux Lib. 15. p.
Perfes.

Avec ces figures les deux Cylindres portent des hiéroglyphes que je fuis bien éloigné de rapporter aux Perses. Ils fe trouvent trop fouvent fur les monumens Egyptiens,

& different trop des caractères tracés dans les ruines de Voyage de
Perfépolis, pour qu'on puiffe s'y méprendre. Mais par quel Le Erun.
hazard des figures Perfanes font-elles représentées avec
des hiéroglyphes Egyptiens? Pour réfoudre cette queftion,

p.

7347

il faut obferver que les Perfes ont été maîtres de l'Egypte Diod. Sic. lib. 1. pendant 135.ans; que dans cet intervalle de temps ils ont P. 41. adopté plusieurs ufages du Peuple qu'ils avoient foûmis,

& ont employé par préférence des ouvriers de cette nation.

du Levant, tom,

Diodore de Sicile rapporte qu'après la conquête de Lib. 1. p. 43. l'Egypte, les Perfes en attirérent chez eux, & les chargérent de conftruire ces fuperbes Palais qu'ils avoient à Suze, à Perfépolis, &c. Ce n'eft pas tout. Le Pere Sicard, Mém. des Miff. Jéfuite, a trouvé en Egypte un monument qui, quoique chargé d'hieroglyphes, représente un facrifice au Soleil, Divinité tutélaire des Perfes. Le P. de Montfaucon croit qu'on peut également l'attribuer aux Perfes, maîtres de 1'Egypte.en fuppofant qu'ils avoient adoptéles hiéroglyphes

2. p. 269.

Egyptiens, ou bien à ces derniers, en difant qu'ils avoient reçû des Perfes le culte du Soleil. Quelque parti que l'on prenne, il en résultera toûjours qu'il y avoit eu entre les deux Peuples une communication, foit d'ufages, foit de culte, & à plus forte raifon, de pratiques fuperftitieuses.

(a) Je penfe donc que les Perfes ayant trouvé en Egypte l'ufage de porter au cou de petits cylindres ornés de figures & d'hieroglyphes, en firent fabriquer où, au lieu de Divinités Egyptiennes, on repréfentoit des Sujets tirés ou de leur histoire, ou de leur théologie; & l'on eut foin d'y joindre des caractères hiéroglyphiques, qui étant difpofés en forme de prières, ajoûtoient, felon l'opinion commune, une vertu fecrette à ces amulettes. Je prête cette idée aux ouvriers Egyptiens, parce que les caractères gravés fur les deux pierres font dans un fens contraire à celui des figures, & ne fe trouvent dans un ordre naturel que relativement à une perfonne qui fufpendroit ces figures à fon cou. Comme la fuperftition n'a point de régle fixe, il arrivoit quelquefois qu'on négligeoit de tracer des hiéroglyphes fur l'efpéce d'amulette dont je parle. On en conferve un dans le cabinet de l'Abbaye de S. Germain des Prés, entiérement femblable pour la forme à ceux que je rapporte. Les figures qu'on y a gravées font Perfanes, & ne font accompagnées d'aucun caractère. Le P. de Montfaucon s'eft contenté de le faire graver parmi plufieurs morceaux Egyptiens, & n'en a point donné l'explication. J'ai fuppofé que les Egyptiens faifoient de pareils amulettes pour leur ufage particulier, & je vais en donner une preuve fans réplique. Depuis que ceux-ci ont été gravés, j'en ai acquis un dont le travail eft d'un goût Egyptien, & qui de plus repréfente des figures conftamment Egyptiennes, des Isis, des

(a) Je dois avertir que le P. de Mont- | la vérité par une lettre de ce Miffionfaucon attribue mal-à-propos la décou- naire: mais on y trouve auffi une letverte de ce monument au P. du Bernat, tre du P. Sicard, & c'eft-là qu'il est Jéfuite. Le fecond volume des Mé- parlé du monument dont il s'agit. moires des Miffions du Levant finit à

Scarabées,

Scarabées, &c. J'obferverai que le même ufage s'étoit

établi chez les Etrufques. M. Gori a fait graver dans un Muf.Etrufc.tom. de ses ouvrages un morceau de fardoine qui doit être à- 1, planche 199. peu-près de même hauteur, & percé dans le même sens que les deux cylindres qui font l'objet de cet article. Il est octogone, & l'on voit alternativement des figures & des fymboles fur chacun de fes pans. M. Gori croit qu'il étoit destiné à être fufpendu au cou; & je m'en rapporte d'autant plus à fon sentiment, que les morceaux Etrufques & les morceaux Egyptiens comparés entr'eux font fouvent mention d'usages communs aux deux Nations.

PLANCHE XIX. & XX.

No. I. II. III. IV. V.

CE monument, que le hazard m'a fait rencontrer dans Paris, eft de marbre noir, & je n'en connois point de plus fingulier. Il m'a d'autant plus frappé que je ne me fouviens pas d'en avoir vû de femblables dans aucun Cabinet, ni dans aucun Recueil. Mais avant que d'entrer dans l'examen de l'ufage auquel je fuis perfuadé qu'il a fervi, je vais le décrire, & en rapporter les dimensions. Au premier afpect on feroit tenté de croire que ce n'eft qu'un simple baluftre, car il en approche beaucoup pour la forme; cependant on verra bientôt qu'il a dû avoir une deftination infiniment plus noble. Sa hauteur générale eft de deux pieds neuf pouces trois lignes, & dans toutes fes parties il eft exactement rond fur fon plan; mais comme il va en diminuant depuis le pied jufqu'à l'endroit qui dans la partie fupérieure prend la forme d'une gorge, ce monument qui avoit quatorze pouces de diamètre dans la partie qui pofe à terre (N°. IV.), n'en a que fix & demi à l'endroit le plus étroit, déterminé par une baguette ou moulure ronde d'un pouce de haut ; & commençant de-là à s'élargir, il s'évase jusqu'à la hauteur de cinq pouces; de façon que le deffus du

H

monument dont je donne le plan au N°.V. fe trouve avoir dix pouces de diamètre. Cette partie creusée de quelques pouces, représente affez bien une espéce de plat ou de patère, & il s'y trouve au centre un trou d'environ trois pouces de profondeur, dont je donnerai la raison dans la fuite. Il eft aifé d'imaginer que l'autre trou de pareille profondeur qui eft fous le monument, n'y a été pratiqué que pour l'arrêter & le fixer fur le pavé du lieu où il étoit anciennement placé. Il y eût eû mauvaise grace, fi fon contour fût venu mourir crûment fur ce pavé, & c'eft ce qui m'a engagé à élever le monument fur une plinte ou moulure quarrée de deux pouces dix lignes de haut. Malgré fa grande antiquité, & les dangers qu'il a dû courir dans le transport, il n'eft endommagé qu'en quelques endroits, encore ces fractures n'empêchent-elles pas qu'on ne juge de ce qu'il étoit avant qu'il eût fouffert ces altérations. Les hieroglyphes dont il est enrichi font auffi entiers que s'ils fortoient des mains du Graveur; & l'on ne fçauroit affez admirer l'élégance & la fineffe avec lesquelles ils font travaillés. L'Artiste les a renfermés entre des lignes paralléles, qui forment comme deux bandes à-peu-près d'égale largeur, car la plus étroite a treize lignes, & l'autre n'a qu'une ligne de plus. La premiére de ces bandes circule dans la partie fupérieure du monument, un peu au-deffous du quarré qui deffine le pourtour du dessus ou table de l'autel. L'autre bande commence à la moulure, & descend en ligne droite jusque fur le quarré qui termine par en-bas ce monument. Je les ai fait graver l'une & l'autre féparément, afin qu'on pût les voir plus diftinctement. Ce qui subsiste de la bande circulaire (car il y en a près d'un tiers qui a fauté avec le marbre brifé en cet endroit ) eft repréfenté fous le N°. II : & fous le N°. III. font exprimés les hieroglyphes de la bande perpendiculaire divisés en deux parties, la forme de la planche ne m'ayant pas permis de les rapporter autrement. On n'y perd rien d'ailleurs, car

je les ai divifé comme ils le font fur le monument même, où la caffure du marbre fépare la bande, & laiffe un intervalle qui forme une lacune dans la fuite des caractères, ainfi qu'on le diftingue aisément fur la Planche. Ce que je dois faire observer encore, c'est la difpofition même de ces caractères, dont les uns fuivent la ligne horizontale, & les autres la ligne perpendiculaire; ce qui me femble prouver que les Egyptiens ne difpofoient pas toûjours leur écriture hiéroglyphique de la même maniére, & l'on apperçoit en effet de pareilles variétés quant à l'écriture fur plufieurs de leurs monumens.

Montfauc.Suppl. de l'Antiq. expli

quée, tom,2. pag.

172.

Je fuis perfuadé que celui-ci eft un autel Egyptien, & j'espère qu'on en fera convaincu par les raifons que je vais expofer. Paul Lucas avoit deffiné dans la haute Égypte un monument où l'on voit quatre Prêtres occupés au facrifice d'une oie. L'autel fur lequel cet animal paroît déja immolé, eft si semblable à celui que j'ai fait graver, que ce feul exemple fuffiroit pour décider la question; mais d'autres rapports rendent encore la chose plus claire. Hérodote dit Lib. 2. 6. 4. dans un endroit que les Egyptiens font les premiers qui aient confacré aux Dieux des temples, des ftatues & des autels; & ailleurs, que c'eft d'eux que les Grecs ont Ibid. c. 58. emprunté leurs cérémonies Religieufes. On peut conclure de-là qu'ils en avoient reçû l'usage & la forme des autels; & il ne s'agit plus que d'examiner fi les autels des Grecs avoient quelque reffemblance avec celui que j'ai d'abord décrit.

Parmi les monumens que M. l'Abbé Fourmont avoit fait deffiner dans fon voyage du Levant, entrepris par ordre du Roi, il s'eft trouvé cinq autels que je mets fous les yeux du Lecteur, afin qu'il foit en état de les comparer avec celui que j'attribue aux Egyptiens. L'autel du Ño. I. auroit fuffi pour établir cette comparaifon; mais outre que les autres nous apprennent que les Grecs ont mis plus de variété que les Romains dans la forme de leurs autels, je

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