́ÂN.1519. XXII. Autre lettre ther. celle de la violence; que le pape Leon X. penfoit de même, & qu'il étoit du devoir de l'électeur de proteger: Luther s'il fe trouvoit innocent. Erafme écrivit encore àLuther dans cette année pour d'Erafme à Lu- l'avertir que fes livres faifoient beaucoup de bruit àLouvain, & lui dit qu'il ne peut l'excufer fans fe rendre fufpect; qu'il fe croit obligé de l'avertir qu'on gagne plus en parlant avec charité & avec modeftie, qu'en fe comportant d'une maniere trop vive & emportée. Il-paroît cependant qu'Erafme craignoit Luther, puifque preffé d'écrire contre fes erreurs, il répond dans une de fes lettres qu'il ne devoit pas fe mêler d'une affaire que d'autres avoient excitée,& qu'il étoit plus à propos que ceux qui l'avoient commencée, l'achevaffent ; qu'au refte il n'y avoit pas de raison qui prouvât qu'il fût plus obligé que les autres à écrire ; qu'il étoit plus raisonnable, que ceux qui l'avoient les premiers déchiré dans leurs fèrmons, écriviffent contre lui ; qu'il lui paroiffoit trop dur d'attaquer un homme condamné, & dont les écrits avoient été brûlez; qu'il ne croyoit pas qu'il lui fût avantageux d'irriter un homme mordant, qui ne cherchoit qu'à donner quelque coup,& qui fe trouvoit appuyé de plu fieurs princes d'Allemagne, & qu'on diroit peut-être qu'il cherchoit mal à propos de la gloire en voulant combattre contre une perfonne qui étoit déja terraffée;. qu'enfin pour refuter Luther, il falloit avoir lû fes ouvrages au moins une fois ou deux,& qu'il n'en avoit pas le loifir,ayant à peine le tems de revoir les fiens propres. Ce ménagement qu'il avoit pour Luther ne l'empêcha. pas de condamner les erreurs & les emportemens,quand il en fut informé. XXIII. Quelques reli Quelques religieux de l'ordre des freres Mineurs ne AN. 1519. gieux écrivent qui leurrépond furent pas fi tranquiles qu'Erafme. Voyant la foi de l'églife attaquée par Luther, ils écrivirent fortement contre lui; on voit par leurs écrits, qu'ils accufoient prin- contre Luther, cipalement cet heretique de ne pas croire que l'églife univerfelle fût reprefentée dans les conciles genéraux; que le papefût le vicaire de Jesus-Christ, & que saint Pierre eût été le prince des apôtres; de foutenir que les canons n'avoient été faits que pour contenter l'avarice: des fouverains pontifes, & des autres évêques ; d'enseigner qu'il n'y avoit point de confeils évangeliques, & que tout ce qui fe trouvoit dans l'évangile étoit de précepte; de ne pas reconnoître la confeffion de droit divin, de nier le libre arbitre, & la neceffité des bonnes œuvres de prétendre que Dieu a commandé aux hommes des chofes impoffibles; d'avancer qu'il faut plûtôt croire un fimple paifan, qui allegue l'écriture fainte, que le pape & le concile, qui ne fe fondent point fur fon autorité; de dire que Jesus-Chrift n'a rien merité pour foi, mais feulement pour nous; de tenir enfin les heretiques de Bohéme pour meilleurs catholiques que les chrétiens. Luther répondit à ces écrits. I. Que Dieu, commandoit aux hommes des chofes qui étoient impoffibles fans la grace. II.Qu'il n'étoit pas vrai qu'il cût confondu les confeils avec les préceptes. III. Qu'il convenoit que les canons & les décrétales marquoient en quelques endroits l'orgueil & l'avarice de leurs auteurs. IV. Qu'il avoüoit que l'homme n'étoit point libre, parce qu'il ne pouvoit faire que le mal fans la grace. V. Qu'un laïque qui appuye fon fentiment fur l'autorité de l'écriture fainte, eft plus croyable que le pape & fes conciles, & même que l'églife, comme les canoniftes l'enseignent aprés S. Auguftin. VI. Que ni faint Dddd iij. AN.IS 19. XXIV. Difpute de Leipfik entre Cochlaus de ac ther. ann. 1519. A&t.difp.Lipf. apud Luther. tom. I. Pierre ni le pape n'étoient point au-deffus des apôtres & des evêques de droit divin, puifque même felon faint Jerôme, les prêtres & les évêques étoient la même chose dans leur premiere inftitution. Carloftad, docteur & archidiacre de Wittemberg, Eckius, Luther s'étant auffi laiffé aller d'abord au parti de Luther, prit & Carloftad. fa défense en plufieurs rencontres, & fur-tout celle des tis feript. Lu- thefes de cet heretique contre Eckius, qui les avoit fortement combattuës. Dans cette défenfe il demandoit au docteur Eckius d'entrer avec lui dans une difpute publique, pour y examiner les points de doctrine fur lefquels ils difputoient mutuellement. Eckius, qui défiroit auffi cette conference, l'accepta volontiers, & teftim, praf.ad l'on choifit pour la tenir la ville de Leipfic. L'évéque Sleidan in com- de Merfbourg qui étoit le diocefain, & les théologiens ment.lib.1.p.35. de cette ville craignant le fuccés de cette dispute,prirent Ep. Philip Me lancht.ep. Eck. ibid. ad deco. lamp. Melancht.lib. Frid. Mycon. des mefures pour empêcher qu'elle ne fût agitée à Leipfic; mais le prince Georges de Saxe, oncle de l'électeur Frideric, de qui la ville dépendoit, voulut qu'elle fut le lieu de la conference qu'on demandoit, & fon ordre fut executé. Luther qui fe défioit peut-être de la capacité de Carloftad, qu'il ne croyoit pas auffi fort qu'Eckius dans la difpute, ou croyant auffi qu'il y alloit de fon honneur de prendre part à ce combat, en voulut être; & le duc Georges de Saxe defirant voir aux mains des hommes d'une fi grande réputation, leur offrit fon château, & promit de fournir à la depense. On établit des fecretaires de part & d'autre, le our pris fut le vingt-feptiéme de Juin. Luther s'y rendir avec Carlostad, & Melanchton, & quelques théologiens de Wittemberg, avec les livres dont ils avoient befoin. Ecxius de fon côté partit d'Ingolstad, & fe trouva à Leipfic au jour marqué, ils furent tous trés-bien reçus du prince, du AN.1519. fénat & de l'univerfité. Avant que de commencer les difputes, on déclara de part & d'autre qu'on ne vouloit pas s'écarter des fentimens de l'églife catholique, à laquelle on defiroit d'être toujours attaché. Après cette déclaration,on tint la premiere conference le quatorziéme de Juin, & elle fut fuivie de cinq autres: on agita d'abord la matiere du libre arbitre. Eckius, pour prouver fon existence contreCarloftad, cita l'écriture fainte,& entr'autres le chapitre 15. de l'Ecclefiaftique, v. 14. & fuivant. Dien dés le commencement a crée l'homme, & l'a laißé dans la main de fon propre confeil... Il a mis devant vous l'eau & le feu, afin que vous portiez la main du côté que vous voudrez. Carloftad répondit, que ce paffage ne regardoit l'homme que dans l'état d'innocence, & non pas dans l'état du pêché. A quoi Eckius repliqua qu'il s'agiffoit de l'état de l'homme auffi bien aprés qu'avant fon péché ; qu'il étoit vrai que depuis le peché le libre arbitre étoit affoibli, mais qu'il n'étoit pas entierement perdu, comme Carloftad l'avoit avancé dans fes écrits, en foutenant, que le libre arbitre étoit purement paffifà l'égard des bonnes œuvres: on examina fi la volonté étant muë par la grace, confent d'elle-même à cette motion; Carloftad le nia,prétendant, par l'autorité de faintPaul, que Dieu opere en nous & la volonté & l'action. XXV. Premiere con fic entre Eckius & ference de Leip- Pallavicin. hift. I. Cochlaus, de act. 14.. ( Melancht. in epift.ad Oeco On n'en dit pas davantage pour cette premiere fois; mais le lendemain les deux difputans reprirent la con- Lampad ference fur la même matiere,en particulier fur cette quef tion,„, si la grace étoit la seule cause effective du bien „ qu'on fait.,, Eckius avoüa que la volonté n'avoit pas دو à la verité naturellement la force de produire une bonne AN.1519. action par elle-même, & que c'étoit la grace qui la lui donnoit. Carloftad lui demanda s'il reconnoiffoit que tout le bien qui eft en nous vient de Dieu; Eckius répondit qu'il en venoit, mais non pas totalement, parce que la volonté confentoit au bien, & cooperoit. Dieu meut d'abord, (dit-il,) & excite la volonté; mais ,,il eft au pouvoir de cette même volonté de consentir, ou de ne pas confentir à cette motion divine.„ Carloftad lui oppofa l'autorité de faint Paul déja alleguée, & quelques paffages de faint Auguftin: mais EcKius fuperieur en lumieres à fon adversaire, eut toujours l'avantage. Enfin le quatrième de Juillet Carlof tad quitta la difpute, & ne parut plus. Pendant ce temslà Luther prêcha le jour de faint Pierre & de faint Paul dans la chapelle du château, & ne put s'empêcher de parler contre l'autorité du pape. Eckius le refuta dans un fermon qu'il prêcha le deuxième de Juillet. Le quatriéme du mois on recommença la difpute, & Luther prit la place de Carlostad. XXVI. Eckius difpute avec Luther. Ex actis difpu tationis eo tem pore vulgatis ab amicis Lutheri cujus Mais avant que d'entrer en difpute, Eckius demanda des juges qui décidaffent de leurs controverfes. Luther n'en vouloit point d'autres que les affistans; mais Ec. Kius, qui ne les croyoit pas capables de porter un jugement certain fur ces fortes de queftions, demanda qu'on inferius s'en rapportât à quelques univerfitez, à l'exclufion.de Pallavie, hift. celle de Wittemberg, & propofa celle d'Erford & de Paris. Luther y confentit volontiers, fe flattant que ces univerfitez ne lui feroient pas contraires, parce qu'il y avoit étudié, & qu'il fçavoit qu'elles étoient favorables à la doctrine, qui admettoit la fuperiorité du concile au-deffus du pape. Après toutes ces précautions, on lib. 1.cap. 16. In 1. tom. oper. Luther. commença |