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Pois.

pour les mêmes raifons que luy, & ceux qui ont depuis examiné ce légume, l'eftiment comme amy de la poitrine, de l'eftomac même & des reins. Les pays chauds d'ailleurs, comme l'Amérique, l'Afrique, l'Egypte, l'Ethiopie done les haricots nous font venus, font encore préfumer qu'ils font d'une fubftance plus tenue & plus legere qu'on ne penfe ordinairement; aufli quelques-uns les croyent-ils capables d'allumer les paffions: mais ce defaut certainement, s'ils l'avoient, ne leur viendroit que du poivre qu'on y mefle, & qui eft fi capable de ce mauvais effet.

Une chofe enfin qui feule feroit l'éloge des haricots, c'eft que l'ufage a fait connoître qu'on s'en fert tres-utilement dans plufieurs maladies, où on a de puiffans aigres à abforber; car ils fourniffent des matieres alkalines propres à engainer ces mauvais fels, & à en arréter les effervefcences. Mais ces fortes d'obfervations appartiendroient plûtoft à un autre traité qu'à celuy.cy.

Les pois qui nourriffent en Carême la plupart des familles, n'ont rien de plus malfaifant: on les tient même plus legers, moins flatueux, en un mot préférables aux féves. A en juger du moins par la qualité qui rend principalement un aliment recommandable, ils ne le cedent en bonté à aucun autre ; car ils n'ont aucune qualité dominante, ils ne font ni acides, ni acres, ni auftéres, tout y paroît temperé par cette faveur douce qu'ils préfentent: auffi les trouve-t-on huileux par l'analyfe chymique; mais fans eftre inflammables, on les loue au contraire pour rétablir les tempéramens échauffez, & parce qu'ils font tres-nourriffans. Si on avoit à rechercher leurs vertus médicinales, on les trouveroit diu a Mundius, p. 122, b Sebisius, p. 123, ‹ M. Lemery,

retiques fans eftre fondans ou colliquatifs, & par là ils foulagent les reins des graveleux fans trop les charger. Il y a donc apparence qu'on ne les a fait paffer pour contraires aux graveleux, que parce qu'on les a crû venteux. On les croit encore bons à la poitrine, dont ils adouciffent les acretez; ils ont même quelque chofe de laxatif, car leur premier bouillon produit cet effet, & par cette raifon & celle de leur bonne qualité, d'adoucir les fucs. On confeilloit autrefois le bouillon ou la purée de pois après qu'on avoit pris médecine. Toutes ces bonnes qualitez ne fe trouvent affoiblies par aucun defaut confidérable, car ceux qui les trouvent venteux, outre que de l'aveu de tout le monde ils le feroient moins que les féves, conviendront du contraire, fi on s'en fert avec les précautions qu'on vient de marquer en parlant des féves.

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Les lentilles fe font fait moins d'ennemis que Lenles pois & les féves, il femble du moins qu'on tilles. ne les craigne pas tant. Certes leur nom feul auroit pû prévenir le monde en leur faveur, mais l'antiquité de leur ufage aura fur tout contribué à conferver leur réputation. On les connoiffoit déja du temps de Jacob, & à en juger par le prix qu'Efau donna d'une purée de lentilles, on croiroit qu'elles auroient efté tres - précieuses alors. Mais qui ne fait qu'une paflion mal entendue, précipita Efau dans la faute qu'il fit alors? L'amour de la vie luy parut préférable à toutes chofes, & parce qu'il le crut permis & naturel, il luy facrifia même ce qui eftoit infiniment au deffus de la vie. Trifte exemple pour ceux qui donnant trop à une inclination qui d'ailleurs ne paroît pas criminelle, facrifient fouvent pour fe fatisfaire, ce que la religion & la nature devroient leur rendre infiniment prétieux. L'ufage des len. Lens à lenitate, Plin. hift. 1. 18. c. 12,

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tilles eftoit encore commun du temps du roy David, car les amis de ce prince luy en offrirent parmy les autres rafraîchiffemens qu'ils luy apporterent dans le temps de fa difgrace; les campagnes même en eftoient femées alors preuve certaine qu'il s'en confommoit beaucoup. Enfin plus de 400. ans après, Dieu ordonna du pain de lentilles à Ezechiel. Ajoûtez à cecy que l'ufage des lentilles eftoit tres-commun parmy les Egyptiens, qui eftimoient fur tout celles du Nil, qu'on appelloit lentilles de Pelufe, non qu'elles vinffent de Pelufe même, felon la re-. marque de S. Jerôme f, mais parce qu'elles y eftoient apportées fur le Nil de la Thebaïde & de l'Egypte. De tout cecy on conclura que les anciens faifoient grand cas des lentilles, fur tout au rapport de Theophraftes, qui ajoûte que les Grecs préféroient les lentilles aux pois & aux féves. La pratique des philofophes "favorife cette penfée: ils recommandoient par préférence l'ufage de ce légume, comme capable de procurer à l'homme cette égalité d'ame qui fait le philofophe; & cela, parce que les lentilles, difoientils, ne fourniffoient que ce qu'il faut pour conferver la vie, fans troubler l'ame par des fucs fuperflus, ni exciter les paffions. Cependant Hippocrate ne paroîtroit pas trop convenir de tant de belles qualitez qu'on attribuoit autrefois aux lentilles; ou pour mieux dire, il ne paroîtroit pas trop s'accommoder avec luy-même, en ce qu'il penfe fur ce légume. Dans un endroit il accufe les lentilles d'échauffer, & de porter le trouble dans les fonctions; dans un autre nil a Rois, 1. 2. c. XVII. v. 28. b Rois, 1. 2. c. xxII. v. 11. Exech. c. 4. v. 9. d Athen. Deipnof. Bruyerin. p. 437. e Brugerin. p. 437D. Hieronym. in Ezech. I. 1x. g Theophr. Aul. Gell. Sebifius. p. 193. Plin. hift. 1. 18. c. 12. Athen. 1. 4. c. 18. 1 Sebis. p.198. Hippocr. 1. 2. de vict. rat. p. 324. Hipp. 1. 6. epid, lect, fa text. 31g

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met les lentilles au rang des chofes froides, com me font les courges: tantoft il les range avec les aftringens comme le millet, tantoft il en recommande la decoction après les purgatifs. Mais cette variation de fentiment vient apparemment des différentes manieres de préparer alors les lentilles; ce qu'il dit, par exemple, de la chaleur & du trouble qu'excitent les lentilles, pourroit s'entendre d'un certain breuvage de lentilles qui eftoit d'une odeur relevée où entroit le fel, le miel, le cumin & l'huile.

On doit répondre la même chofe à tout ce que plufieurs célébres Auteurs ont dit contre les lentilles. Quelques uns les accufent d'obfcur cir la vûe, de bleffer les nerfs, de nuire à la poitrine, de caufer des vents. D'autres leur reprochent de produire des obftructions, fur tout dans les femmes, & d'arréter les urines & les hémorrhoides. On a même pouffé la médifance jufqu'à dire que l'ufage des lentilles eftoit capable de rendre les mariages inféconds f. D'autres & encore plus hardis ont voulu les profcrire entiérement, comme ayans des vices incorrigi bles, quoy qu'on y pût faire. Ces vices, fi on les en croit, font d'engendrer des fucs atrabilaires, fi malins qu'ils vont jufqu'à faire des lépres", des épilepfies, de ces maladies enfin qui font horreur à la nature, & honte à la médecine. Pour démêler toutes ces équivoques, il faut biendiftinguer les lentilles trop affaifonnées de celles qui ne le font que pour la néceflité. Celles-làa raifon de tout ce qui les altere & les gâte, pourront caufer tous les maux qu'on veut imaginer celles-cy philofophiquement apprétées c'est-à-dire fimplement, comme les mangeoient a Ibid. Id. lib. de affection. p. 541. Lenticula odorata. Hipp. de affect. p. 542. d Diofcorid. 1.2. c.99. e Galen. de alim. facult. 1. 1. c. 18. f Sim. Seth. gful. Alexand. Cardan. b Ibide

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les philofophes qui les louoient fi fort, nourri→ ront fuffisamment & ne feront aucun mal. C'eft en ce fens qu'Heraclide Tarentin au rapport de Galien, louoit la purée de lentilles pour les fains & pour les malades. Or l'approbation d'Heraclide Tarentin en ce cas eft d'autant plus décifive, qu'outre qu'il paffoit pour un des plus fages, des plus habiles & des plus moderez des empiriques, il s'eftoit fur tout appliqué à la diéte dont il avoit fait des traitez exprès. Il faut donc s'en tenir fur le fujet des lentilles à la maxime des Stoïciens, qui faifoient confifter toute la fageffe d'un philofophe à faire tout avec modération, & à fe contenter des lentilles fagement affaifonnées, c'eft-à-dire qui n'euffent d'affaifonnement qu'autant qu'il leur en falloit pour se laiffer manger, & ainfi conformément au fentiment des plus habiles médecins, qui jugent ce légume trés-temperé par luy-même Nous conclurons avec le plus fage des poetes, qu'on ne doit point méprifer les lentilles bien choifies & affaifonnées à propos, mais qu'on en doit faire grand cas.

f Nec Pelufiace curam afpernabere lentis.

L'obfervation des chymiftes prouve encore l'innocence de ce légume, ils le trouvent com→ pofé d'une matiere terreftre à-la-vérité, mais mêlée de beaucoup d'huile, & d'affez peu de fel; il doit donc eftre par luy-même fort adouciffant, d'une fubftance moëleufe & nourriffante, d'un goût moderé, peu enclin par conféquent à fermenter & à porter le trouble.

a Galen. 1. 1. de alim. facult. c.18. b Cal. Aurel. Acat. 1. 2. c. 9. 1.1.c. 17.Galen. in lib. Hipp. de art. comm. 3. & de comp. Med. per genera. 1. 4. c. 7. M. le Clerc, hift. de la Med. 2. part. C. VII. d Stoicum dogma eft, fapientem omnia rectè agere & lentem prudenter condire, Galen, 1, 1. de al. c. 18. f Virgila Georg. I

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