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la tête en prefence de tout ce qu'il y avoit de plus grand & de plus diftingué dans la Grece, & l'honneur que leur faifoient les villes pour les recevoir, étoient très-capables de foutenir cette ardeur, qu'on témoignoit pour obtenir la victoire.

Remarquons, avant que de finir ce Chapitre, que les defcendans de Hellen ayant formé un nombre prodigieux de familles dans la Grece, y devinrent fi puiffans, & y acquirent tant de credit, qu'ils firent paffer une loi, par laquelle il étoit ordonné qu'il n'y auroit que ceux qui rapportoient leur origine à ces familles qui puffent être admis à difputer les prix aux Jeux Olympiques : & Herodote nous apprend à ce fujet qu'Alexandre le Grand fut lui-même obligé de prouver qu'il étoit un des Hellenes, avant que d'être reçu à entrer en Lice dans ces Jeux. Mais ce qui arriva de-là, c'eft que tous les Grecs fe trouverent fortis de quelqu'une de ces familles; tant elles avoient été nombreuses & répandues dans tout le pays, & dès lors le nom de Hellenes, particulier à un feul peuple, devint le nom general de tous ceux de la Grece.

Je me fuis un peu étendu fur la célébration de ces Jeux ; mais comme ils étoient en même temps, comme je l'ai dit, les plus anciens & les plus folemnels de la Grece, & qu'on obfervoit dans les autres à peu près la même police & les mêmes loix; qu'il y avoit dans tous à peu près les mêmes exercices, des couronnes pour récompenfe, des Juges & des Combattans ; que les uns & les autres étoient obligés par ferment de fe foumettre à certaines loix, j'ai cru qu'il étoit néceffaire de les bien faire connoître : je ferai beaucoup plus court dans la defcription des autres.

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JA

(1) Tom. II.

A 1 dit dans l'Hiftoire d'Apollon (1), que la défaite du ferpent Python avoit donné lieu à l'Inftitution des Jeux Py- Liv. I. thiques, ce qui a fait dire à Aufone:

(1) Egl.

Pythia placando Delphi ftatuere Draconi (1). Comme j'ai expliqué cette Fable, & fait voir ce qu'on devoit entendre par ce monftre qu'Ovide dit avoir été formé de la boue laiffée fur la terre par le Déluge de Deucalion, il ne s'agit ici que de rapporter ce qui regarde particulierement ces Jeux. D'abord, il eft incertain en quel temps ils furent établis, & (2) In Co- on ignore leur premier Inftituteur. Car lorfque Paufanias (2) en donne la gloire à Diomede, qui fit bâtir un Temple à fon retour de Troye, en l'honneur d'Apollon Epibaterius (a), je fuis perfuadé qu'il fe trompe, puifque leur inftitution précede de beaucoup le temps auquel vivoit ce Heros. Ce qu'on peut dire de plus vraisemblable à ce fujet, eft qu'il établit dans le lieu où il fit élever le Temple dont on vient de parler, les mêmes Jeux qu'on célebroit depuis long-temps à Delphes.

rinth.

Dans les commencemens, ces Jeux ne confiftoient qu'en des combats de chant & de Mufique, ainfi que l'obferve le même Paufanias, & dès-là ils fembloient n'avoir été inftitués que pour y chanter les louanges du Dieu qui avoit délivré la terre d'un monftre qui alloit la défoler. Les autres exercices n'y furent admis que dans la fuite. Il paroît bien en effet que la chofe étoit ainsi, par ceux qui y difputerent les premiers prix, puifqu'à la premiere repréfenta(3) Id. ibid. tion (3) Chryfothemis de l'ffle de Crete remporta la victoire, & enfuite Thamyris fils de Philammon. Ce qu'il y a de fingulier, vû le refpect qu'on avoit généralement pour tous ces Jeux que la Religion avoit confacrés, & qui étoient spécialement dédiés à quelque Divinité, c'eft que ni Orphée, qu'une haute fageffe & une profonde connoiffance des myfteres rendoient recommandable, ni Musée, ne voulurent jamais s'abbaisser à difputer les prix des Jeux Pythiques. Un certain Eleuthere y fut couronné uniquement à caufe de fa belle voix, car l'Hymne qu'il chanta n'étoit pas de lui. On dit qu'Hefiode ne fut pas reçu à y difputer le prix, parce qu'en chantant il ne fçavoit

(a) Ainfi appellé d'un mot grec qui veut dire Confcendo, je monte, pour marquer que ce Dieu étoit monté fur les Vaiffeaux de Diomede, pour fe délivrer lui-même du danger auquel lui & fes compagnons étoient exposés.

pas

pas accompagner de la lyre. Pour Homere (1), on prétend (1) Id. ibid. qu'il étoit allé à Delphes; mais qu'étant devenu aveugle, il avoit fait peu d'ufage du talent qu'il avoit de chanter & de jouer de la lyre en même temps. Les Peintres y étoient aussi reçus à difputer le prix, & Timagore, fut préferé à Penéc frere de Phidias.

Dans la fuite on fit des changemens à ces Jeux. La troifiéme année de la quarante-huitiéme Olympiade, les Amphictyons, laiffant toujours fubfifter le prix de Mufique & de Poëfie, y en ajouterent deux (2), l'un pour ceux qui accompa- (2) Id. ibid. gneroient de la flûte, l'autre pour les Joueurs de flûte feulement puis enfin on admit à ces Jeux les mêmes combats & les mêmes exercices qu'à Olympie. La course, fur des chars tirés à quatre chevaux, après en avoir été long-temps exclue, y fut enfin introduite du temps d'Orefte. Les enfans même, , par une loi expreffe furent admis à la courfe du Stade fimple, & à la courfe du Stade repeté. Incontinent aprés, (c'est toujours Paufanias que je copie) c'est-à-dire, dans la Pythiade qui fuivit celle où les enfans avoient eu permiffion de courir, on abolit le prix, & il fut reglé qu'il n'y auroit plus que des couronnes pour les Vainqueurs, comme aux autres Jeux de la Grece. Il paroît par là qu'il y avoit anciennement un prix en argent ou en habits, &c. comme aux Jeux funebres de Patrocle, mais nous ignorons en quoi il confiftoit précisément.

On retrancha dans la fuite de ces Jeux, l'accompagnement de la flûte, parce qu'il avoit je ne fçais quoi de trifte, qui ne convenoit qu'aux Elegies; mais en récompenfe on y admit la courfe des Quadriges; & Clifthene, celui-la même qui devint dans la fuite le Tyran de Sicyone, fut couronné à la premiere de ces courfes.

A ces exercices & quelques autres dont parle Paufanias, on ajouta enfin le Pancrace, à la foixante-uniéme Pythiade, en laquelle Laïdus de Thebes eut la victoire. La couronne de laurier étoit d'abord la feule récompenfe des Vainqueurs, & les branches de cet arbre furent préferées à celles des autres arbres, par l'opinion où l'on étoit qu'Apollon avoit été amoureux Tome III.

Gggg

(1) Voyez de Daphné (1). Dans la fuite on donna une récompense en 'Hift. d'A- argent, dans les lieux même où regnoit l'ufage des couron

pollon, T. II.

125.

nes.

Finiffons, en obfervant qu'anciennement ces Jeux n'étoient célébrés que tous les huit ans, mais que dans la fuite ils le furent tous les quatre ans, & fervirent d'époque aux habitans de Delphes & des environs. Le temps de leur célébration, fuivant Diodore de Sicile, Paufanias & Plutarque, concouroit regulierement avec la troifiéme année de chaque Olympiade. Ce furent les Amphictyons qui firent ce changement, furquoi on peut confulter le P. Petau, Scaliger, & en particulier les Cycles du fçavant Dodwel.

Les Romains, fur quelques vers de Martius, adopterent (2) Tit. Liv. ces Jeux l'an 642. de la fondation de leur ville (2) & leur donnerent le nom d'Apollinaires. Si vous voulez vaincre l'ennemi, portoit la prédiction de ce Devin, établissez des Jeux en l'honneur d'Apollon. D'abord c'étoit le Préteur qui étoit préposé à la représentation de ces Jeux, puis on établit des Quindecimvirs, qui en prirent foin, & qui devoient les donner à la maniere des Grecs.

(3) Ci-deЛlus 1.4.

JA

CHAPITRE VI.

Des Jeux Neméens.

'Ai raconté dans l'Hiftoire de la premiere expédition de Thebes (3), de quelle maniere Adrafte & les autres Chefs qui l'accompagnoient, avoient inftitué les Jeux Néméens, après la trifte avanture arrivée au jeune Archemore, ou, comme d'autres l'appellent, Opheltès, fils du Roi Lycurgue, à qui Hypfiphile fille de Thoas donnoit à tetter. Cette tradition, touchant l'inftitution de ces Jeux, quoique fort autorisée dans l'Antiquité, n'étoit cependant pas la feule qui eût cours dans la Grece, & il y en avoit une autre qui l'attribuoit à Hercule, qui les établit après avoir délivré la forêt de Nemée & les

environs, de ce Lion fi célebre dans la Fable, dont il porta toujours depuis la dépouille. C'est le fentiment de Tertulien, qui l'avoit puifé fans doute dans les Auteurs Grecs: Olympia Jovi, qua funt Roma Capitolina, item Herculi Nemea (1). Ces (1) DeSpec. Jeux, au refte, quoique renouvellés à des temps marqués, c.ii. c'est-à-dire, ou tous les trois ans, fuivant quelques Auteurs, ou plutôt tous les cinq ans, tenoient beaucoup des Jeux funebres. C'est ainsi qu'en ont pensé Stace (a) & Artemidore: la couronne qu'on donne à Nemée, dit ce dernier, (2) eft (2) L. 9. du nombre de celles qu'on deftine aux combats funebres, appellés ἀγῶνας ἐπιταρίες, de ceux qui étoient morts dans quelque combat.

que

(3) Fab.273.

On donnoit dans ces Jeux les mêmes exercices que dans les autres, même ceux de la Mufique & des inftrumens. Il eft vrai que Pierre Faur qui foutient que cette forte de combat y étoit en ufage, rapporte pour cette opinion un passage d'Hygin (3), qui ne prouve rien pour les Jeux Neméens, car ce Mythologue ne parle en cet endroit que des Jeux d'Argos, qu'il fçait bien diftinguer de ceux de Némée, dont il fait un article à part; cependant la chofe n'en eft pas moins sûre, puifque nous avons fur cela un passage positif de Paufanias (4), où il eft dit que Philopemen affiftant aux Jeux Ne- (4) L. 8.c.so. méens, où des Joueurs de Cithare difputoient le prix de la Mufique, Pylade de Megalopolis un des plus habiles en » cet art, & qui avoit déja remporté le prix aux Jeux Pythi »ques, fe mit à chanter un Cantique de Timothée de Milet, intitulé les Portes, & qui commençoit par ce vers : He» ros qui rend aux Grecs l'aimable liberté, auffi-tôt tout le mon» de jetta les yeux fur Philopemen, & tous s'écrierent que >> rien ne convenoit mieux à ce grand homme ».

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La récompenfe des Vainqueurs aux Jeux Neméens étoit une couronne d'Ache verte, en mémoire de l'avanture du jeune Archemore que fa Nourrice avoit mis fur quelques brins de cette plante, lorfqu'elle l'abandonna pour conduire les Chefs de l'armée Argienne; & leur célébration servoit

(a) Illie & Siculi fuperaffem dona fepulchri,

Es Nemees Lucum, & Pelopis folemnia primi, Syl. 1. 5.

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