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perdre de temps; c'eft une mauvaise maxime que de courir à l'emprunt pour ces fortes de chofes, outre qu'on rifque fouvent d'être refufé, c'est qu'on ne vous prête jamais que de tres-mauvais inftrumens.

Ce n'eft pas le tout que d'en être bien muni, il faut être foigneux qu'il ne s'en égare point; & pour cela les faire mettre en un endroit qui foit für, & ou où les puiffe prendre, quand l'occafion le demandera; tous ces outils feront rangez en bon ordre, & non pas mis confufément l'un parmi Fautre, les grands feparez des petits, & ceux de fer d'avec ceux de bois. Le mauvais temps eft encore celuy qu'on choifit pour curer les étables, bien faire ramafler les fumiers de la baffe-cour, tondre les hayes, couper du bois, & charier des materiaux pour bâtir fi l'on s'en eft formé le deffein.

Les ames vulgaires & mercenaires, comme font ordinairement les Valets & fervantes,ne fe mennent que par l'intereft; afin donc de fe faire aimer d'eux, ayez foin de payer leurs gages & tout ce que vous leur avez promis d'ailleurs fans leur rien rabattre. Faites-leur le moins d'avance que vous pourrez,car bien fouvent c'eft autant de perdu,à moins que ce ne foit dans une neceffité preffante d'une maladie, ou de quelqu'autre accident fâcheux qui leur foit arrivé, car ces gens qui ne fe piquent point tout-à-fait d'honneur, fouvent vous abandonnent quand vous les avez payé d'avance.

Un homme qui fait valoir fon bien à la Campagne, ne doit avoir de Domestiques qu'autant qu'il en faut pour la culture des terres, & quand il en auroit un peu moins, fes affaires n'en prendroient qu'un meilleur train: on ne manque point d'ouvriers à la journée, quand on veut avancer fes ouvrages, & le petit nombre de Valets qu'on a, fait qu'en travaillant ils ne s'attendent point au fecours d'autruy. Ce qu'on leur donne à faire pendant l'année eft alors comme une tâche, qu'ils fe font une efpece de point d'honneur de remplir, au lieu que lorsqu'ils se voyent trop bien accompagnez, ils ne travaillent pas tant.

La faifon de prendre les hommes à la journée, eft lors que les jours font grands, c'eft à dire depuis le mois de Mars jufqu'au mois de Novembre; car pendant les trois autres mois ; c'est quafi argent dépenfé inutilement à la Campagne, quand ce n'eft que pour l'Agriculture. Il faut toujours faire les premiers les Ouvrages qui preflent leplus; telles font les réparations les plus neceffaires, caufées par quelque inconvenient que ce foit, les Moulins endommagez & autres ouvrages de cette forte, dont le retardement ne pourroit être que préjudiciable & diminuer par confequent de beaucoup les revenus d'un domaine: le temps de planter les vignes & les arbres elt un temps encore à ménager, & qu'on doit prendre fans differer.

La veritable Oeconomie ne veut pas qu'un bon ménager entreprenne rien d'extraordinaire dans les temps que les danrées font cheres, il vaut micux vendre celles qu'on a, & en garder l'argent pour l'employer à fatisfaire fa petite ambition, quand l'année eft devenue meilleure; on excepte ̈ neanmoins de cette regle les réparations qui font de neceffité, & quelques ouvrages qu'on pourroit faire conftruire par un motif de Charité, afin de furvenir au foulagement des pauvres, en les faifant travailler dans la cherté du pain; quand les danrées font à trop bon marché, il faut les confom

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mer comme on peut, particulierement celles qui ne font point de garde, & de l'argent qui en provient, on en fait creufer des foffez pour égouter les eaux, épierrer les terres, détaupiner les prez, drefier une Garenne fi l'on veut, & plufieurs autres ouvrages dont on peut fe paffer pour un temps; mais qui lorfqu'ils font faits, apportent du profit à la maison.

On ne doit point fouffrir de mauvais ouvriers, quand on les a connu pour tels à l'œuvre, il faut, fans rien dire, les renvoyer, & leur payer leur falaire. On ne doit pas auffi exiger un travail exceffif d'un Ouvrier, ni le pouffer à bout par de mauvais traitemens, en fe prévalant de l'avantage qu'on a fur luy. On doit auffi avoir de la douceur pour les Domeftiques, & ne pas agir comme ces Maîtres inhumains, qui ménagent moins leurs Valets que leurs chevaux, parce que les premiers ne leur coutent point d'argent.

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Le moyen d'être bien fervi eft de bien payer les Domestiques, comme on l'a déja dit, d'avoir de la charité & de la douceur pour eux, & de les bien nourrir felon leur état, ayant neanmoins toûjours la main ferme pour les contenir chacun dans les bornes de leurs fonctions. Trop de familiarité aussi avec eux les rend faineans & infolens, il faut toujours les tenir en refpect.

Quand une fois on a un bon Domeftique, on ne fçauroit avoir trop d'amitié pour luy; on appelle un bon Domestique, celuy qui eft fidele en fes ouvrages, & pour ce qui regarde les interests de fon Maître ; la fidelité est le fondement de toute focieté entre les hommes, & particulierement de la focieté domestique, qui ne fubfifte que par la confiance qu'un pere de famille a en fes ferviteurs.

Il feroit à fouhaiter que pour le labourage on trouvât de bons Valets: ce font ceux-là dont il ne faudroit pas fe défaire que dans l'extremité pour l'avantage des terres, parce que plus un Valet laborieux connoît la nature de chacune; plus elles apportent de profit à leur Maître; il fçait leur temperament, & y apporte du remede quand il le fent alteré ; il y proportionne la femence à leurs forces, & les tourne & retourne ainfi que leur génie le demande. On n'eft pas fi circonfpect à l'égard des autres Valets.

Le bon âge auquel on doit les prendre pour les travaux de la Campagne, eft depuis vingt ans jufqu'à quarante ou quarante cinq. Les hommes de grande taille font propres pour le labourage; les petits pour les vignes, & tout le travail qui regarde les Jardins, & pour la conduite du bétail & autres ouvrages de cette forte. Voilà les avis qu'on a cru les plus neceffaires à un Pere de famille qui veut s'établir à la Campagne, & tâcher par fes travaux d'y amaffer fuffifamment de quoy vivre. Tels font les devoirs que doit fuivre un bon ménager : paffons maintenant à ce que doit faire la ménagere, qui, comme nous avons déja dit, fait ou défait le mé nage,

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Ce qu'il faut qu'une femme pratique necessairement à la Campagne, pour entretenir l'abondance dans fa Maison.

'EST de tout temps que le foin du dedans de la maifon a été commis à la femme: il eft vray qu'il eft bien plus grand & plus étendu à la Campagne que dans les Villes, mais en quelque endroit que ce puiffe être, c'est toujours un foin qui occupe, & fans lequel les maifons vont en décadence mais laiffons là les Villes, & retournons à nôtre séjour champêtre.

Une femme de campagne qui veut réüffir à bien conduire fon ménage, doit d'abord fe faire un principe d'une folide vertu, comme étant la baze fur laquelle doit rouler toute fa conduite; c'eft cette vertu qui l'inftruit, qui la guide & qui luy attire l'eftime univerfelle de tout le monde; il faut que fes actions fervent de miroir à fes domeftiques, & particulierement à fes Servantes, dont les pas luy font entièrement commis.

C'eft à elle à faire à les regler & à les choifir. Une Servante pour être propre à la Campagne, ne doit être ni trop vieille ni trop jeune, c'est à dire, qu'on peut les prendre depuis vingt ans jufqu'à quarante, parce que lorfqu'elles font trop vieilles, ou dans un âge trop tendre, leurs forces ne fuf-fifent pas pour foutenir le travail qu'on leur deftine.

La mere de famille prendra pour Servantes les plus fages qu'il fera poffible, & veillera que cette fageffe ne fe corrompe point parmi l'air infect qu'exhalent la plupart des Valets, lors qu'elles font tant que de le vouloir refpirer, & qu'elles y prennent même plaifir; fon œil, autant qu'elle le pourra, ne doit point fortir de deflus elles, ni permettre qu'il fe paffe avec eux aucunes privautez que ce foit, fous prétexte d'un leger badinage; c'est par là que l'amour commence à s introduire dans le cœur, qu'il y entre enfin, & qu'il caufe parmi les Domeftiques les defordres dont on a tant vú d'exemples.

Elle donnera foir & matin fes ordres à fes Servantes, & prendra garde aprés fi elles les ont bien executez. L'employ de fes Servantes regarde au dedans du logis quelques Chambres à tenir propres, mais ce n'est pas le principal; les beftiaux font les objets qui doivent les occuper davantage; c'eft pourquoy la Maîtreffe examinera fi ces animaux font bien foignez, s'ils ont bonne litiere, & fi rien ne leur manque pour leur nuit.

Une bonne ménagere de campagne doit être fédentaire à la maifon. tandis que fon mary travaille au dehors, foit pour conduire fes Ouvriers, foit pour faire ailleurs quelqu'autre affaire qui la regarde, parce que lorfqu'elle fort fans neceffité, fes Servantes le plus fouvent, & les autres Domestiques, s'il en reste à la maison, ne font que lentement & imparfaitement leur Ouvrage; c'eft un fujet de divertiffement pour eux, & de dommage pour le Maître.

De tout ce qui vient de danrées à la maison, c'est à faire à elle à les gouverner, à entrer en connoiffance de ce qu'elles font, afin qu'en con-noiffant la nature, elle fache à propos les mettre à profit; mettre à part ce qui n'eft pas de durée, conferver ce qui eft de garde, & veiller que ce qui doit fervir de dépenfe pour toute l'année, ne fe diffipe pas en bien moins de temps: cette regle qu'elle fe doit abfolument prefcrire luy eft importante pour foutenir fa famille.

Si quelqu'un de fes Domestiques ou autres de fa maison, qui luy appartiennent, tombe malade, il eft de fon devoir de prendre foin qu'ils foient traitez comme il faut : la charité chrétienne luy ordonne, luy attire la bienveillance de ceux qui la fervent, & fait qu'elle en eft mieux fervie dans la fuite.

Elle doit prendre garde, quand elle parle à fes Domestiques, de ne pas s'accoûtumer à certaines manieres rudes & feches, qui bien qu'en apparence peu importantes, ne laiffent pas de faire mauvaise impreffion dans leur efprit ; de forte qu'au lieu de fervir avec affection, ils fe rebutent, & ne travaillent que parce qu'ils y font forcez. Elle doit éviter tout cer qui marque du mépris, & ne point piailler à tout moment pour rien; c'est un état de foy fâcheux à la nature d'être réduit à fervir par pauvreté : il eft jufte de l'adoucir autant qu'il eft poffible.

·Elle fera foigneufe de ne rien laiffer à l'abandon, & de placer tout de maniere qu'elle le trouve tout d'un coup, quand elle en aura befoin; il faut qu'elle foit propre en ce qu'elle fait, & dans l'ordre qu'elle apporte à arranger les chofes qui font de fon reffort: fans cette précaution il fe perd bien des chofes dont on devroit tirer du profit.

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La dépenfe du ménage la regarde entierement, & elle en eft l'oconôme; c'est à elle à s'étudier à la bien diftribuer, c'eft à dire, à n'en point faire de profufion, tant pour les habits que pour la nourriture; il ne faut pas auffi qu'une avarice craffe la guide en cela, il y a un milieu à prendre qui eft honnête, & qu'elle doit rechercher.

Il eft certain que les Servantes ne font jamais micux leur devoir, que lorfqu'elles voyent leurs Maîtreffes être la premiere à l'ouvrage; on entend de ces ouvrages qui conviennent aux femmes de campagne, comme de coudre, de filer & manier le laittage, de tailler le chanvre, & quelques autres qui fe font à la maison, lorfque les Servantes n'ont plus rien à faire dehors , ou que le mauvais temps ne leur permet pas de fortir: cet exemple leur fait beaucoup d'impreffion, & les rend des plus diligentes.

Pendant l'absence de fon mary cette femme ne dédaignera pas d'entrer en connoiffance avec fes Valets de quelques foins qui le regardent, elle en conferera avec eux, elle aura l'oeil dans fa cour, à ce qu'ils gouvernent bien les animaux qui font à leurs foins, & à leur ordonner ce que feroit le Maître, s'il y étoit. Quoique cette vigilance ne parte pas d'un efprit pleinement inftruit dans ce que ces Domestiques doivent faire, cela ne laiffe pas neanmoins de leur impofer,& de leur infpirer de la crainte.

Il y a mille petites épargnes honnêtes à quoy il faut qu'elle s'applique dans fon Domeitique: la maifon n'en vaut que mieux; c'est à elle à fonger aux provisions du dedans, à examiner fi les ouvrages qu'elle a distribuez à

fes Servantes font faits comme il faut, finon leur montrer leurs défauts. Elle ne doit point être pareffeufe à fe lever matin, la femme forte, dit le Prov.xxx. Sage, fe leve avant le jour pour diftribuer la nourriture à fes Domeftiques. Nous xxv. en voyons peu aujourd'huy qui foient de ce caractere; elles fe contentent de donner leur ordre là deffus, & s'en rapportent à la bonne foy de leurs

Servantes.

La mere de famille tiendra auffi un Registre de toutes les danrées qu'elle veut envoyer au Marché, afin qu'au retour la fervante, qui a cet employ, luy en rende compte ; ce foin d'envoyer vendre le beurre, la volaille & autres chofes qu'on tire du domaine, doit être pour elle une étude particuliere, c'est ce qui fournit de quoy vivre à la maifon.

Ce Regiftre contiendra auffi le nombre du linge qu'on met à la leffive, les meubles courans qu'elle aura donné à fes Servantes pour l'ufage de la table & autres chofes du logis, & elle foignera dans l'occafion de s'en faire rendre compte ; cette vigilance reveille celle des Servantes, parce qu'il y va de leur interest.

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Une femme ménagere eft capable de rétablir une maifon tombée par trop grande dépenfe, au lieu que celle qui dépenfe tout fans raifon, détruit en peu de temps celle qui eft la mieux fondée. La femme forte, dit Salomon, eft la couronne de fon mary, elle bâtit la maison, elle plante la vigne, &ne craint my le froid ny la gelée. On ne prétend point prendre cette Sentence à la lettre car enfin une femme étant d'une conftitution plus délicate que celle d'un homme, n'eft point refervée pour ces rudes travaux qui le regardent, on veut feulement dire qu'il faut qu'une mere de famille qui a des Domeftiques à la campagne, foit active & vigilante,afin que par là elle les tienne en refpect, & les oblige à faire leur devoir.

Cette femme fera foigncufe d'enfermer tout fous clef, hors le pain qui doit être à la difcretion des Domeftiques: elle vifitera fouvent fes caves, ainfi que le mary, & les greniers pour voir fi ce qu'ils contiennent, ne fe gîte point.

Le Four eft encore de fa dépendance, ainfi que de fonger à faire ourdir de la toille pour l'ufage de la maifon, tondre les brebis pour en tirer la laine dont on fait de la tiretaine, qui eft un étoffe propre à habiller des Domestiques, cela leur tient licu de payement, & cnfin d'avoir foin des Mouches à Miel.

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C'est ainsi qu'une bonne ménagere doit paffer une vie active dans fa maifon ; & quoique ces foins, ces mouvemens ne foient renfermez qu'au dedans, tandis que le mary s'occupe au dehors on peut on peut dire cependant qu'ils font tres- importans, & que c'eft par ces foins que fe couronnent tous les travaux de l'Agriculture. On voit donc de quelle confequence il eft, que l'homme & la femme ayent l'oeil fur leurs Domef tiques : ils ne doivent point fouffrir qu'ils foient oififs, leur intereft les oblige, & l'Ecriture le leur commande; lors qu'elle dit, fais travailler ton fer- Eccl. 33. viteur, & tu trouveras du repos: lâches-luy la main, il cherchera la liberté; jettes-le dans le travail, qu'il ne foit point cifif; car l'aifiveté enseigne bien de la malice; fais le travailler comme il luy convient, & s'il n'obéit pas, charges- Gr.25.27. le de fers, c'eft à dire, punis-le comme il le merite. Un Valet, une Servante 28.

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