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fes excellentes poëfies ne célébrent. Croyez-moy,l'on n'aime point tant le mérite d'autruy fans en avoir beaucoup. On a fait juftice à Sillanus mais lorfque Capiton luy affure l'immortalité, il se la donne à luy-même. Il n'eft pas felon plus glorieux de mériter une ftatuë dans Rome, que de la faire dreffer à celuy qui la mérite. Adieu.

LETTRE XVIII.

A Suetone.

moy

Ous m'écrivez qu'un fonge vous effraye; que vous craignez qu'un accident fâcheux ne traverse le fuccès de votre plaidoyer. Vous me priez de faire remettre pour quelques jours la caufe; ou du moins de la faire renvoyer à un autre jour, qu'à celuy qui étoit marqué. Cela n'eft pas

aifé: j'y feray pourtant de mon mieux; car

Le fonge affez fouvent eft un avis des Dieux. *

Mais il n'eft pas indifférent de fçavoir, fiordinairement vos fonges difent vray. Pour moy quand je me rappelle un fonge que je fis, fur le point de plaider la caufe de Julius Paftor, j'augure bien de celuy qui vous fait tant de peur. Je révay que ma belle-mere à mes genoux me conjuroit avec les dernieres inftances, de ne point plaider ce jour-là. J'étois fort jeune; il me falloit parler en quatre différents tribunaux. J'avois contre moy tout ce qui étoit de plus acrédité dans Rome fans excepter ceux que le Prince. honoroit de fa faveur. Il n'y avoit pas une de ces circonftances, qui jointe à mon fonge, ne dût me détourner de mon entreprise. Je plaiday pourtant, raffûré par cette reflexion, que

Vers d'Homere.

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Défendre fa patrie eft un très-bon augure. Maparole que j'avois engagéeme tenoit lieu de patrie, & même s'il eft poffible, de quelque chofe de plus cher encore. Je m'en trouvay fort bien. C'eft cette action qui la premiere me fit connoître, qui la premiere fit parler de moy dans le monde. Voyez donc fi cet exemple ne vous engagera point à mieux augurer de votre fonge; oufi vous trouvez plus de fùreté dans ce confeil des Sages, Ne faites rien avec répugnance.Mandez-le-moy. J'imagineray quelque honnête prétexte. Je plaideray pour vous faire obtenir de ne plaider que quand il vous plaira. Après tout, vous êtes dans une fituation différente de celle où je me trouvois. L'audiance des Centumvirs ne fouffre point de remife. Celle où vous devez parler ne fe remet pas aifément : mais enfin elle fe peut remettre. Adieu.

*Vers d'Homere.

N

LETTRE XIX.

A Romanus.

Ez dans un même lieu, inftruits en même école, nous n'avons depuis notre enfance pref que habité que la même maison. Votre pere étoit lié d'une étroite amitié avec ma mere, avec mon oncle, avec moy, autant que le pouvoit permettre la différence de nos âges. Que de raifons à la fois pour m'intéreffer dans votre élévation, & pour y concourir ! Il eft certain que vous avez * cent mille fefterces de revenu, puifque vous êtes Décurion dans notre Provin ce. Je yeux achever ce qui vous manque, pour monter jufqu'à l'ordre des Chevaliers : & pour cela, j'ay trois cents mille fefterces**avotre fervice. Je vous prie de tout

* Environ 10000 livres de notre monnoye ** Environ 30000 livres de notre monnoye,

mon cœur de les accepter. Retranchez les proteftations de votre reconnoiffance: notre ancienne amitié m'en répond affez. Je ne veux pas même vous avertir de ce que je devrois vous recommander, fi je n'étois perfuadé que vous vous y porterez affez de votre propre mouvement.Gouvernez-vous dans ce nouvel employ, avec une retenuë qui prouve que vous le tenez de moy. On ne peut remplir avec trop d'exactitude les devoirs de fon rang, lors qu'il faut juftifier le choix de l'ami qui nous y éleve. Adieu.

JE

LETTRE XX.

A Corneille Tacite.

E difpute fouvent avec un fort fçavant & fort habile homme, qui, dans l'Eloquence du Barreau,

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