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fuis bien aise de profiter de cette occafion pour donner un léger échantillon des découvertes que nous devons au voyage de M. l'Abbé Fourmont. Les infcriptions finguliéres qu'il a déterrées dans la Gréce, & que l'on conferve aujourd'hui à la bibliothéque du Roi, ne pourront jamais être publiées qu'en détail, foit dans les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, foit dans des Recueils particuliers d'antiquités. Elles font en fi grand nombre, & la différence des caractères exigeroit une fi prodigieufe quantité de Planches, que le projet de les donner à part expoferoit peut-être à une dépense plus grande que l'avantage que les Lettres pourroient en retirer.

pro

M.Fourmont qui vient d'arriver d'Egypte, où il a fait quelque féjour pour se perfectionner dans les languesCophte & Arabe, & qui avoit accompagné M. l'Abbé Fourmont fon oncle dans le voyage de la Gréce, m'a affûré que les cinq autels gravés dans cette Planche font un peu évuidés fur leur surface supérieure; que dans le milieu de cette même surface on voit un trou de quelques pouces de fondeur; & qu'enfin il y en a deux qui font percés fur les bords de quelques autres trous plus petits, dans lefquels il avoit trouvé du plomb & des reftes de foudure. Je croirois que les trous ont été faits pour arrêter & fixer une baffine de cuivre, ou pour affeoir plus aifément la victime, ou plûtôt afin d'en recueillir les cendres avec moins de peine. Il y avoit auffi des fiches ou des pointes de métal auxquelles on attachoit la victime. Le trou que j'ai fait remarquer fur la table de l'autel Egyptien, & que j'ai exprimé dans le plan que j'en ai tracé dans la Planche XIX. N°.V. doit avoir fervi au même ufage. Je paffe à préfent aux defcriptions particuliéres des cinq autels Grecs que j'ai fait graver, & y joindrai l'explication des infcriptions qui s'y lifent, & que m'a donnée M. l'Abbé Barthelemy.

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N°. I.

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CET autel a trois pieds de haut. Il est de marbre blanc, & a été trouvé dans l'Eglife de S. Jean l'Evangéliste à Magoula, auprès de l'ancienne Sparte. L'inscription qu'on y lit peut fe rendre littéralement par ces mots : de l'Empereur Hadrien Cafar Sauveur ou Confervateur. Avant que d'en fixer le fens, il faut obferver que ce dernier titre se trouve dans une autre inscription du même Prince découverte à Smyrne ; & qu'ainfi il ne fuffiroit pas pour prouver que ceux qui ont conftruit l'autel euffent reçû des bienfaits particuliers de l'Empereur Hadrien, fi l'on ne fçavoit d'ailleurs que ce Prince avoit plus d'une fois parcouru la Gréce, & qu'il fe glorifie fur fes médailles d'avoir rétabli la Province de l'Achaïe, qui de fon temps comprenoit entr'autres pays tout le Péloponèfe. Les Grecs lui prodiguérent les titres les plus faftueux; ils n'oubliérent celui de Sauveur, qui, par le fréquent ufage qu'on en avoit fait, avoit prefque ceffé d'être une diftinction. On fçait que Ptolomée premier Roi d'Egypte, Antiochus I. Demetrius I. & Demetrius III. Rois de Syrie, l'avoient pris fur leurs médailles ; qu'on l'avoit accordé à plufieurs autres Rois Grecs qui femblent n'avoir fait aucun effort pour le mériter, & qu'enfin dans des temps poftérieurs les Grecs en abuférent au point d'appeller Néron le Sauveur de toute la terre. Je croirois volontiers qu'ils n'avoient fait que traduire en leur langue ces mots Salus generis humani, qu'on lifoit fur les médailles frappées à Rome pour quelques-uns des premiers Empereurs; mais il faut avouer en même temps dans que ce genre de flaterie les Grecs n'avoient pas befoin de modéles. En fuppofant que l'inscription de l'autel foit entiére, elle peut recevoir deux interprétations, & défigner qu'il a été élevé par les ordres de l'Empereur Hadrien en l'honneur de quelque Dieu, ou qu'il a été confacré à ce Prince lui-même. Si l'on avoit voulu rendre la premiére de

Voyage de Wheler, tom. 1. p.264•

Spart. p. 7.

ces idées, on n'auroit pas manqué d'exprimer le nom de la Divinité que l'Empereur vouloit fe rendre favorable par cet hommage. La feconde interprétation me paroît plus conforme à l'empreffement qu'il eut à partager dès fon vivant les honneurs immortels. Les Hiftoriens nous apprennent qu'il fe confacra à lui-même un autel dans la 1d. ibid. ville d'Athènes, & qu'il permit aux Grecs de lui bâtir Dio. lib.69.p.795. plufieurs temples. Mais fans fortir des environs de Magoula, où l'autel a été trouvé, M. l'Abbé Fourmont a rapporté deux inscriptions déterrées à Sparte,dans lesquelles on donne à ce Prince le titre de très-divin, EIOTATOZ. Je n'ignore pas que les formules de confécrations employées fur les monumens anciens font communément tournées d'une autre maniére; & qu'au lieu de dire de l'Empereur Hadrien, il auroit fallu dire à l'Empereur Hadrien: mais cette régle n'eft pas fi générale, qu'on ne puisse lui opposer des exemples contraires. Zozime rapporte qu'en faifant creufer à Rome dans le champ de Mars, on trouva un autel où ces mots étoient écrits: de Pluton & de Proferpine. On avoit ici sous-entendu le mot autel qui fe trouve exprimé fur plufieurs autres monumens semblables, fur lefquels on lit Ara Solis, ara Ventorum, ara Neptuni, &c. On pourroit croire qu'on l'avoit fous-entendu de même fur l'autel de Magoula, ou bien que ce mot a disparu, & qu'il s'y trouvoit joint non-feulement avec le nom d'Hadrien, mais encore avec le titre d'Augufte qu'on ne lit plus dans l'inscription, quoiqu'il dût naturellement accompagner celui de Cæfar.

Lib. 2.

N°. II.

CET autel n'a point d'inscriptions. On l'a trouvé dans la ville d'Athènes. Il eft de marbre blanc, & a trois pieds de hauteur.

N°. III.

Polyb. 1. 5. p. 367. Edit. Cafaub. Polyb. ut fuprà. Philoft, de vita Apoll. lib.3.c. 14.

La ville d'Amyclæ, fituée au Midi de Lacédémone, dont elle n'étoit éloignée que d'environ une lieue, renfermoit dans fon enceinte un des plus anciens & des plus célébres temples de la Gréce. Il avoit été fondé vers l'an 1480. avant l'Ere vulgaire ; & le culte d'Apollon, à qui il étoit confacré, y fubfiftoit encore dans tout fon éclat du temps de Paufanias, qui vivoit vers le milieu du fecond fiécle de l'Ere vulgaire. M. l'Abbé Fourmont a trouvé dans fes ruines le catalogue des Prêtresses qui le desservoient. C'est une des plus anciennes infcriptions qui soit venue jufqu'à nous; & comme avec le nom de ces Prêtreffes, elle contient auffi les années de leur Sacerdoce, elle répandroit un grand jour fur la Chronologie, fi elle étoit entiére; mais dans l'état où elle fe trouve, elle peut être très-utile pour la Philologie. C'eft dans ces mêmes ruines que l'on a déterré le troifiéme des autels gravés dans la Planche XX. Le mot AПOAONI que l'on y prouve qu'il avoit été confacré à Apollon. Ce mot va de droite à gauche, façon d'écrire que les Grecs avoient empruntée des Orientaux, à qui ils devoient leur alphabet. Le nom d'Apollon n'eft écrit qu'avec un feul lambda, comme on le voit fouvent dans d'autres infcriptions trouvées à Lacédémone. Les omicrons font faits en forme de triangle, & l'un de ces omicrons tient lieu d'oméga, que les Grecs n'ont connu qu'affez tard. Toutes ces fingularités & bien d'autres que je pourrois rapporter, m'engagent à croire que ce monument eft antérieur de huit à neuffiécles à l'Ere vulgaire. Il eft de marbre noir, & fa hauteur eft de trois pieds.

N. IV.

voit

A cinq cents pas du temple d'Apollon Amycléen M. l'Abbé Fourmont découvrit un autre petit temple, dont

Steph. xi.
Helychius .

Scholiaft. Æfchyl. p. 130. Edit. Stan

il a donné la description dans les Mémoires de l'Académie Tom. 15. p. 402. des Belles-Lettres. Une infcription en caractères trèsanciens, tracés fur le frontispice, nous apprend qu'il avoit été confacré à la Déeffe Onga par Eurotas, Roi de Lacédémone, près de 1500. ans avant Jefus-Chrift. Il paroît que fous le nom d'Onga les Phéniciens adoroient la même Divinité que les Grecs, fous le nom de Minerve. Nous fçavions que fon culte avoit été établi de très-bonne heure, & peut-être & peut-être par Cadmus dans la ville de Thèbes : mais nous ignorions qu'il fe fût introduit dans la partie méridionale du Péloponèfe; & comme il n'y a pas d'apparence qu'il y ait passé de la Béotie, c'est une très-forte préfomption que les Phéniciens l'ont apporté dans ce canton. Deux bas-reliefs trouvés dans le temple d'Onga, & représentant des vafes, des couteaux, des pieds, des mains, & d'autres parties du corps, feroient foupçonner qu'on immoloit à cette Déeffe des victimes humaines: ils nous apprennent du moins que fon temple étoit deffervi par des Prêtreffes. On lit fur un de ces bas-reliefs: AAYATETA ANTIПATPOY IEPEIA, Layagéte fille d'Antipater Prêtreffe.

lei.

Après ces notions générales, le monument qui donne lieu à cet article n'aplus rien d'obscur. C'est un autel fur lequel on lit: KAEOAAMA OTAI. Cléodama à Onga; ou : Cléodama a confacré cet autel à la Déeffe Onga : l'infcription eft en boustrophédon, c'est-à-dire, que les deux lignes vont alternativement de droite à gauche, & de gauche à droite. Il n'y a qu'un gamma dans le motOFAI: parce que l'ufage étoit alors de fupprimer les lettres doubles. Enfin l'infcription étant en dialecte Dorique,le datif du mot OгA a dû fe terminer de même en A: & on y a joint un I, qui anciennement caractérisoit ce cas, & qu'on a remplacé depuis par un I foufcrit. Cet autel, que je crois auffi ancien que le précédent, eft de pierre noire; il a deux pieds & demi de hauteur,

N.V.

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