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& les accorde enfuite par une explication fort jufte. C'eft pourquoi il intitule ce livre le Oui & le Non,Sic & Non, parce qu'en effet un paffage femble détruire l'autre, & ce que l'un affirme l'autre paroît le nier, avant qu'on ait la clef que donne Abeillard de ces énigmes.

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Če Traité paffa bientôt du Paraclet en d'autres lieux. On en fit plufieurs copies, elles allerent jufqu'à Rome & y trouverent plus d'Approbateurs qu'en France, ou bien des gens, fur le feul titre du Livre qu'ils traitoient de monstrueux & de barbare (a), le condamnerent fans l'avoir peut-être jamais lu; car dans le fond ce n'eft autre chofe que ce que faint Auguftin a fait dans fon traité de la Concorde des Evangéliftes. Mais de tout temps il s'eft trouvé des gens dont le grand talent eft de décrier les Ouvrages qui font au deffusde leur capacité.

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Celui dont nous parlons, a échappé aux recherches du fçavant Magiftrat qui a fait imprimer les œuvres d'Abeillard, quoiqu'il fubfifte encore (b) en

(a) Guillaume Abbé de Saint-Thierri, le traite ainfi dans fa Lettre à faint B rnard fur les héréfies d'Abeillard. Elle eft la 326. parmi celles du Saint de la derniere édition.

(b) Ces Ouvrages fe trouvent en France dans les

manufcrit dans quelques Bibliotheques de France & d'Angleterre, comme fon Hexameron, qui pour n'avoir pas fait tant de bruit, n'eft ni moins curieux ni moins fçavant.

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meron

C'est un Traité de la Création du L'Heras monde qu'il envoïa prefqu'en même d'Abeil temps à Heloïfe. Cette fçavante Ab- lard. beffe l'avoit confulté fur quelques difficultés qu'elle trouvoit dans les premiers chapitres de la Genese, où Moïfe décrit l'origine de toutes les créatures qui compofent le monde. Abeillard pour lui donner fur cette matiere tout l'éclairciffement qu'elle défiroit, compofa cet Ouvrage qu'il nomme Hexameron à l'exemple d'Origene, de faint Bafile & de faint Ambroife: je ne crois pas néanmoins qu'il traite cette: matiere, comme ont fait ces grands hommes. Il y a plus d'apparence que, felon fa coûtume, il s'eft attaché uniquement au fens littéral & hiftorique. Ôn en fera éclairci, lorfque les Scavans nous donneront une édition plus ample & plus correcte des Oeuvres d'Abeillard, que celle que nous avons;

Bibliotheques des Abbaïes de Saint-Germain des Prez
Paris, & du Mont Saint-Michel, Ordre de S. Benoît.
En Angleterre on les trouve dans la Bibliotheque publi-
que de Cantbrige, cod. 168 & dans celle du College
de S, Benoît de la même Ville,
cod. 39.

car il eft à croire qu'ils ne manqueront pas d'y insérer tous ces Traités que nous avons découverts.

Autres C'eft ainfi que l'Abbé de Saint-Gil Ouvra das adouciffoit les croix de fon gouverBeillard, nement par ce commerce de piété &

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de littérature qu'il avoit avec les Religieufes du Paraclet. Plus elles lui demandoient, plus il leur donnoit. Cedéfir qu'il remarquoit en elles de profiter de fes lumieres, le rendoit prodigue de fes travaux & de fes veilles.. C'est pourquoi il ajoûta à tant d'ouvrages qu'il n'avoit composés que pour Abeil, elles, un Livre rempli d'Hymnes & de Præfat. Profes , pour chanter à l'Eglife les jours folemnels, & leur fit des fermons fur tous les myfteres de la Religion, & des panegiriques des Saints: dont on célebre la Fête.

in jerm.

Ibid.

Il témoigne dans fa Préface, que c'est à la priere d'Heloïfe & de fes Religieufes qu'il a travaillé toutes ces piéces pour leur confolation, & pour leur fervir de lecture durant ces faints jours: ce qui nous fait voir, que celles qui compofoient cette fainte Communauté, entendoient le Latin. Il est vrai qu'alors la Langue Latine étoit plus commune en France qu'elle n'eft à préfent mais il eft certain auffi : que ce

n'étoit point la Langue maternelle comme quelques-uns le croïent. Le peuple & la plupart des femmes n'entendoient point d'autre langage que le Gaulois. J'en tire la preuve du fujet même que nous traitons, puifqu'on voit encore dans l'Abbaïe du Paraclet deux anciens Calendriers écrits dans le douziéme fiécle; l'un eft Latin, l'autre eft François. Voici un extrait de celui-ci, qui pourra faire juger de l'é-légance de ce temps-là.

Aftrane la premiere Prieufe Gift ou petit Cloitre, à la Porte dou Moustier l'ou 7 · Fuil. Agase (a) niece maistre Pierre Gift ou petit Moustier l'ou z. Oct.

Tel étoit alors le plus fin langage de la France encore faut-il que ce Calendrier foit à la fin du douzième fié cle, peut-être même du commencement du troifiéme; car so. ans auparavant on parloit beaucoup plus mal

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(a) Celle que ce Calendrier nomme ici Agace étoit la Seur Agathe, niéce d'Abeillard, & la cadette d'Agnés, qui avoit été la feconde Prieure du Paraclet. L'une & l'autre font mortes fur la fin du dou-xiéme fiécle.

comme on le peut voir par la traductiction des fermons de faint Bernard, qui fe fit de fon vivant, ou peu de temps après la mort qui arriva en 1153. Cette traduction fe garde en ori ginal dans la Bibliotheque des PP. Feuillans de Paris, & commence ainfi :

Nos faifons vi chier freire l'encom mencement de l'Avent,

Cui non eft affeiz rénomeiz & connuiz al monde

Si cum funt li nom des altres falempnitiez... Mais li

Raifon del nom n'en eft mie par avanture. fi conue &c.

Je fçai bien que les Arrêts, les plaidoïers, les Lettres Patentes, & généralement tous les actes autentiques fe faifoient alors en Latin, & fe font faits encore plus de trois cens ans après. (a) Ce qui marque à la vérité, que la Langue Latine étoit fort com mune en France, mais pour la plûc part des hommes feulement, & pour quelques femmes d'efprit.

(a) Voyez ce que dit là-deffus le P. Mabillon dans fa Préface du fecond Tome des Oeuvres de faint Ber

nard

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