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prince, méconnu par les Anglois, les a moit toujours, & veilloit à leurs intérêts. La lettre fut brûlée, à la bourse, par l'exécuteur de la juftice; & toute cette affaire fut enfevelie dans un profond filence.

Cette même année fut célébre par un de ces évènemens qui font frémir la nature, & qui font plus communs en Angleterre, qu'en aucun autre pays. Richard Smith, & Bridger Smith, fa femme, désefperés de la continuité de leur mauvaise fortune, après s'être tendrement embraffés, & avoir tué dans fon berceau le feul enfant qui leur reftoit de leur mariage, fe pendi rent aux colomnes de leur lit. On trouva fur leur table un écrit adreffé à leur coufin M. Brindley, qui contenoit les raifons qui les avoient portés à agir fi cruellement, envers eux & envers leur fille. Ils reconnoiffoient dans ce papier, la toute-puiffance de Dieu, & mettoient toute leur espérance dans fa miféricorde, fans être effrayés de la juftice de fes arrêts. Ils difoient que, n'ayant rien à fe reprocher, & ayant été malheureux toute leur vie, ils n'avoient trouvé que ce moyen de fe décharger du fardeau de la mifere qui les accabloit, & qu'ils avoient privé leur fille de la vie, pour lui épargner les malheurs auxquels elle feroit, fans doute, exposée. Ces deux ¡nfortunés avoient toujours vécu avec fa

geffe & économie. Des pertes dans le commerce avoient abforbé leur petite fortune, & les avoient réduits au désespoir. Il eft à remarquer que ces deux époux, qui venoient de tuer leur enfant, dans la crainte qu'il ne fût auffi miférable qu'eux, recommandoient à un ami leur chien, & leur chat. << Peut-être, dit M. de Voltaire, »croyoient-ils qu'il étoit plus aifé de faire, » dans ce monde, le bonheur d'un chien » & d'un chat, que celui d'un homme. »

[1734.]

M. Pultenec, membre de la chambre des communes, indigné que la cour eût rejetté trois propofitions, qui lui paroiffoient fort raisonnables, compara le miniftere à un empirique, & la conftitution de l'Angleterre à un malade. L'empirique, confulté par le malade fur fa fanté, lui dit ordinairement qu'il y a deux ou trois » moyens de traiter fa maladie, qui fe»ront peut-être tous inutiles, le vomitif,

le purgatif & la faignée. Que le vomitif » lui donnera des convulfions, qui le con» duiront à la mort; que le purgatif lui » procurera une forte évacuation, qui l'em» portera en peu de tems; & la faignée,

qu'il l'a déja tant éprouvée, qu'il n'eft plus » en état de la fuppórter. Le malade ouvre

» alors les yeux: il reconnoît pour un em»pirique & un charlatan celui qu'il re» gardoit comme un docteur. Il le chaffe, »& lui dit que, lorfqu'il s'eft mis entre »fes mains, il avoit une excellente confti»tution; que lui feul l'a détruite, & qu'il » n'a d'autre moyen, pour fe conferver la » vie, que d'avoir recours à un véritable » médecin.» Ce farcafme tomboit fur le miniftre Robert Valpole. Il y répondit fur le même ton: « Ce membre, dit-il, traite » le ministère, comme on traite un habil»lement. Quand je porte un habit uni, on » prétend que je fuis mal-propre. Quand je » prends un habit galonné, chacun crie: Cet » homme eft fou de porter un habit fi ri» che avec une fi pauvre mine. » C'étoit avec de telles plaifanteries qu'on traitoit alors dans le parlement les affaires les plus importantes de la nation.

[1736.]

Il y eut, cette année, une émeute confi dérable à Edimbourg. Le commandant de la garde payée par la ville, homme brutal & fans mœurs, irrité de quelques infultes qu'il avoit reçues de la populace, à l'exécution d'un contrebandier, ordonna, fans obferver les formalités prefcrites par les loix, de faire feu fur elle. Plufieurs

perfonnes du peuple furent tuées. Le commandant fut arrêté; & ayant été jugé coupable de meurtre, il fut condamné à mort. Mais la reine, en qualité de Régente, fit différer l'exécution. Le peuple d'Edimbourg s'affemble auffi-tôt. Il fe faifit des portes, des armes: La garde force la prifon; traîne le commandant à la place de l'exécution; le pend à une perche de teinturier, & fe retire en filence.

*[1740.] A

Georges Anfon

chef d'efcadre, fameux par fon voyage autour du monde, part avec cinq vaiffeaux de guerre, une frégate de huit canons, & deux bâtimens chargés de vivres, de munitions & de marchandises. On verra avec plaifir un détail fuivi de ce voyage, le plus long & le plus heureux qu'aucun mortel ait jamais entrepris. Anson, avec fon efcadre qui portoit quatorze cens hommes reconnoît l'isle de Madere, celles du Cap-Verd; range les côtes du Bréfil; se repose à l'ifle Sainte Catherine, à vingt-fept degrés par de-là l'autre tropique. Enfin, après avoir effuyé les plus grandes fatigues, il entre dans le détroit de le Maire, avant la fin de Février 1741, après avoir franchi, en cinq mois, plus de cent degrés de latitude. Des

tempêtes affreufes dispersent son escadre; un fcorbut d'une nature extraordinaire répand la mort fur fon équipage. Il aborde feul à l'ifle de Juan-Fernandez, dans la mer du Sud: bientôt il eft rejoint par un de fes vaiffeaux & une frégate. Il fait quel ques prifes; attaque Payta, vers la ligne équinoxiale; en fait, pendant trois jours, enlever les thréfors par cinquante foldats, aidés des Négres, efclaves des Efpagnols, tandis que leurs maîtres fuient dans les bois. Il remonte vis-à-vis de Panama, & s'avance devant Acapuler au revers du Mexique. Anfon n'avoit plus que deux vaiffeaux. Il fut même bientôt obligé d'en abandonner un, & d'en recueillir l'équipage fur fon bord. Il entreprit cependant de furprendre le galion, que le Mexique envoie chaque an née dans les mers de la Chine, à l'ifle de Manille, l'une des Philippines. Pour exécuter ce projet, il lui falloit traverser l'Océan pacifique, & tous les climats oppofés à l'Afrique, entre notre tropique & l'équateur. Anfon, fans fe rebuter, va relâcher à l'ifle de Tinian, l'une des Marianes, enfuite à l'ifle de Formofe. Il cingle vers la Chine à Macao, & entre dans la riviere de Canton, pour radouber le Centurion, le feul vaiffeau qui lui reftât. Il repart; & le 9 de Juin 1743, il découvre le waiffeau Efpagnol qu'il cherche, & l'attaque.

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