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doit le faire, je voudrois qu'il fûr fait. J'ai prie Monfieur de Rosoi de le preffer; je l'en prie tous les jours: lui, ma fille & vous, exigez tous le facrifice que j'en fais ; mais il coûte trop cher à mon cœur, pour être la maîtreffe de ne pas regreter ce que je perds. Enfin, le jour approche où vous épouserez ma fille; je l'attends, comme vous, avec impatience: ce jour arrivé, tous les mouvemens qui m'agitent feront peut-être vaincus, par la néceflité de me faire une raifon. Le Seigneur de Rofoi & mon pere. parurent dans ce moment, & interrompirent cette converfation.

Tout le préparoit pour mon bonheur, lorfque le Seigneur de Roloi fut frappé d'une attaque d'Apoplexie, qui lui ôta d'abord toute connoiffance. Le quatrième jour, mon pere le voïant fans aucune efperance, obligea Madame de Rofoi & Alix à quitter un féjour où elles auroient eu un trop douloureux fpectacle: elles fe retirerent à deux lieuës, dans un Château dépendant. de celui qu'elles quit

toient.

toient. Madame de Rofoi laiffa le foin à mon pere, de rendre les derniers devoirs à ce digne & refpectable ami, qui expira le lendemain. Mon pere le fit porter au lieu de la fépulture de cette illuftre Maison, & lui fit rendre tous les honneurs dûs à fa naiffance.

Pendant que ces triftes foins nous occupoient, Madame de Rofoi envoïa un Gentilhomme remercier mon pere, & nous prier de l'attendre: elle arriva le dixiéme jour de la mort de fon mari. J'étois dans ce moment à l'extrémité du Parc, enfeveli dans une rêverie d'autant plus profonde, que ma trifteffe étoit extrême. L'inquié tude où j'étois, connoiffant la ten-. dreffe de Mademoiselle de Rofoi pour fon pere, & mon impatience de la voir de retour, ne me permettoient pas de m'éloigner longtems du Château. J'en reprenois le chemin, lorfque j'entendis un bruit de chevaux: je précipite le pas, j'avance, je trouve mon pe-re: Je vous cherchois, me dit-il; l'aspect de cette trifte demeure, &

le

le tendre souvenir d'un pere, viennent de porter un coup fi fenfible au cœur de l'affligée Alix, qu'elle. eft reftée, prefque fans vie, entre les bras de fes femmes : allons, mon fils, allons la fecourir, tandis que l'on cache à Madame de Rofoi l'état de fa fille.

Je volai dans l'appartement où l'on avoit porté Mademoiselle de Rofoi: je me jettai à fes genoux, je lui dis tout ce que la plus vive douleur & la plus forte paffion peuvent fuggérer; mais elle ne m'entendoit point. Allarmé de la voir en cet état, je m'écriai, en lui ferrant les mains: Hél quoi, divine Alix, verrez vous, fans pitié, la violente affliction que me caufe la vôtre? A ces mots, Alix ou. vrit les yeux; elle me dit: Mon pere ne vit plus ; quelle perte! Cependant, montrez-moi moins de fenfibilité: Hélas! j'ai aflez de ma douleur, fans avoir encore la vồn tre à foutenir. Votre pere n'eft plus, Mademoiselle, lui dit le mien; mais il vous reste une mere à qui vous vous devez: c'est à vous de

fécher

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fécher fes larmes ; commencez donc par faire tarir les vôtres. Mademoifelle, vous devez cet effort à fa tendreffe pour vous. Mademoiselle de Rofoi fe leva, courut à mon pere, & en l'embraffant, elle lui dit: Non; je n'ai point perdu mon pere, je le retrouve en vous; mon refpect & la plus tendre amitié, me feront toujours vous regarder comme un autre lui-même. Madame de Rofoi entra comme Alix achevoit ces mots, & parla ainfi à mon pere.

Le malheur dont retentit cer Château, en fait un féjour de tris-teffe & de larmes, qui nous ordonne de fufpendre le mariage de ma fille.

Affuré de mon eftime & de ma reconnoiffance, retournez à Rethel; mais fouvenez-vous, Monfieur, que je vous prie de me laisfer trois mois, fans que ni vous, ni le Comte votre fils, falliez aucune démarche pour me diftraire dans ma retraite: la bienféance & le défir de remplir tous mes devoirs, exigent cette conduite & ce retardement: perfonne ici n'en peut

légitimement murmurer: les pleurs que nous arrache la perte de Monfieur de Rofoi, doivent prévaloir fur tout autre sentiment. Et vous, Comte, me dit-elle d'un air affec tueux, je vous permets de faire vos adieux à ma fille. Elle fortit après avoir achevé ces mots. Mon pere la fuivit: il refta deux heures avec elle, & il la quitta, fans avoir pû obtenir le moindre adouciffement à l'arrêt fatal qu'elle avoit prononcé.

Je reftai vis-à-vis d'Alix, fans avoir la force de me plaindre; je la regardois, & mes yeux pleins de larmes, lui exprimoient seuls ma douleur. Je fus affez longtems dans cet état; puis tout à coup je m'écriai: Quoi! Mademoiselle, mon bonheur eft differé de trois mois! Quoi! de trois mois je ne vous verrai! & Madame de Rofoi défend de murmurer! Ah! divine Alix, lui obéïffez-vous? Vous ne répondez point? Parlez. Je n'ofe m'avouer criminelle, me dit-elle, les yeux pleins de larmes. Partez; ma mere l'ordonne: mais fouvenez

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