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Romaine. Luther leur mit lui-même les armes à la AN. 1517. main pour envahir le patrimoine de l'Eglife. Rien ne put arrêter les progrès du défordre après qu'on en cut negligé les commencemens. L'intérêt,l'ambition, l'envie, l'amour même & la haine, toutes les paffions déguisées fous les apparences du zele, devinrent tour-à-tour les refforts de ces grands mouvemens. Tout le Corps Germanique le partagea en plufieurs Factions oppofées, qui confpirerent à se détruire. L'Allemagne devint ainfi le theatre d'une guerre funefte dont tout l'Empire fut ébranlé, & qui le mit plus d'une fois en danger d'être enfeveli fous fes propres ruines.

11.

L'agitation de l'Allemagne fe communiqua à tous les Etats qui l'environnent. De ce centre de l'Europe, le feu de la guerre penetra jufqu'aux extrémitez. L'on vit en un même temps toutes les Puiffances armées pour se secourir, ou pour se détruire mutuellement. Dès-lors les peuples les plus éloignez fe virent expofez à toutes les horreurs de la guerre. Les traitez mêmes & les négociations qui fe faifoient entre les Princes, loin de ralentir l'animofité des partis, fembloient n'avoir pour but que d'entretenir la difcorde. Toute l'Europe fut abreuvée de fang; & ce ne fut qu'après qu'elle eut été entierement épuifée de forces, que le traité de Munfter ramena enfin, du moins en partie, le calme & la paix. Telle eft la matiere de l'Hiftoire que je vais

commencer.

Le Lutheranisme après avoir rampé dans fa naifProgrès du Lu- fance, fit des progrès fi rapides en Allemagne & dans les Roïaumes du Nord, qu'on le vit en peu de

theranisme.

Hiftor. Thuani.

Spond. Annal.

Ecclef. ad hunc annum & feq.

temps former un parti confiderable. Il n'y avoit encore que peu d'années que Luther avoit publié sa AN 1523. nouvelle Doctrine, & déja il comptoit au nombre de fes fectateurs,des Rois, des Princes & des Nations entieres. Les peuples qui fe croïoient opprimez par leurs Souverains : les Souverains qui fe fentoient mal affermis fur leur Trône, appuïerent la Secte naiffante afin d'y trouver eux-mêmes un appui. Guftave Vasa aïant enlevé la Couronne de Suede à Christiern II. tandis que Frideric I. Duc de Holftein s'emparoit des Roïaumes de Dannemarck & de Nortwege, ces deux Princes crurent ne pouvoir mieux affurer leur nouvelle domination,qu'en obligeant leurs fujets à changer de religion, en Pufendorf.l.1. temps qu'ils changeoient de maître. La Secte pene- rEmpire, to. 1. tra dans la Livonie & dans la Pruffe par l'apoftafie du Marquis Albert de Brandebourg, Grand-Maître Act. Luth. de l'Ordre Teutonique. Frideric Electeur de Saxe, & Philippe Lantgrave de Heffc-Caffel la répandirent dans leurs Etats. Plufieurs Villes Imperiales, & une partie des Cantons Suiffes la reçurent avec empreffement. Enfin les Ducs de Pomeranie, de Lunebourg, de Mekelbourg, les Princes d'Anhalt, les Comtes de Mansfeldt & plufieurs autres fortifierent tellement le parti, qu'on commença dès-lors à preffentir l'orage qui éclata dans la suite.

même

Charles V. meprifa ces premiers mouvemens. Plus occupé depuis fon élevation à l'Empire, des démêlez qu'il avoit avec la France, que des interêts de la religion, il ne fit dans diverfes Dietes que de foibles démarches pour arrêter le cours de la nouveauté, perfuadé qu'après qu'il auroit dompté la

Rerum Suecic.

Heiff. hift. de

Cochlaus de

France & affujetti l'Italic, déja maître de l'Espagne AN 1530. & des Païs-Bas, il lui feroit aifé de réduire tous les Princes d'Allemagne.

III.

Ligue de Smalcalde.

IV.

Les Lutheriens au contraire après avoir concerté une confeffion de foi qu'ils présenterent à l'Empereur dans la Diete d'Aufbourg, voïant que la Diete entreprenoit de les gêner dans l'exercice de lcur religion, fongerent à fe mettre hors d'infulte en s'uniffant enfemble pour leur défense commune. Tandis que l'Empereur travailloit à Cologne à faire donner à Ferdinand fon frere déja Roi de Hongrie, le titre de Roi des Romains, les Princes Proteftans affemblez à Smalcalde avec les députez des Villes, firent ensemble une ligue défenfive.

a

Dès-lors la France s'intereffant à la confervation La France s'in- des droits & des conftitutions de l'Empire, qu'on bles de l'Allema- croïoit violez dans la nouvelle élection du Roi des

tereffe aux trou

gne.

Romains, & regardant d'ailleurs comme un grand avantage de donner de l'occupation dans l'Allemagne à un ennemi tel que Charles V. promit du fecours aux Princes Proteftans; mais l'Electeur Palatin & l'Electeur de Maïence agirent fi efficacement auprès de ces Princes, que cette premiere ligue fut fuivie d'un accommodement avec l'Empereur. Heiff. hift. de La France ne perdit cependant pas de vûë les troubles de l'Allemagne, & elle cut peu de temps après une nouvelle occafion d'y prendre part. L'Empereur à la follicitation des Etats de Suabe, avoit dépouillé Ulric Duc de Wirtemberg de tous fes Etats, pour en inveftir Ferdinand Roi des Romains, Le Lantgrave de Heffe auroit dès-lors oppofé la force à cette violence, s'il avoit été fecondé, comme

l'Emp. l. 3.

il l'efperoit: mais il attendit une occafion plus favorable à fon deffein, & il la trouva dans l'éloigne- AN 1534. ment de l'Empereur qui étoit paffé en Italie. Il vint auffi-tôt folliciter lui-même du fecours en France, où il traita avec le Roi. Les troupes Françoises furent bien-tôt en état de marcher, & s'étant jointes au de-là du Rhin à celles du Lantgrave, elles tomberent fi à à propos fur un corps de douze cens Imperiaux qui étoit campé près de Lauffen, qu'elles le défirent entierement, & firent leur General prifon-. nier. Ce premier fuccès fit rentrer toutes les Places du Duché de Wirtemberg dans l'obéïssance de leur legitime Souverain, & ce rétablissement du Duc Ulric fut enfuite confirmé par l'Empereur & par Ferdinand lui-même, dans un traité que l'Electeur de Saxe Jean Frideric qui avoit fucccdé à Jean son pere, menagea entre ces Princes, après s'être aussi accommode avec l'Empereur.

pou

Ces accommodemens furent fuivis de plufieurs décrets de diverses Dictes, par lesquels les Proteftans gagnoient toujours quelque avantage, fans voir jamais être pleinement fatisfaits. La plûpart même affectant de s'abfenter des Dictes generales, faifoient des affemblées particulieres pour fortifier de plus en plus leur union. Après avoir long-temps follicité la convocation d'un Concile, ils laiffoient affez appercevoir qu'ils n'en refpecteroient pas plus les décifions que les décrets des Dictes de l'Empire, & les édits de l'Empereur. Comme leur parti s'accroiffoit par l'impunité, il acqueroit aussi de l'audace à proportion de fes forces, profitant encore d'une

heur de la Religion. Car tandis qu'elle étoit déchiAN. 1546. rée au dedans par une fecte audacieuse, elle étoit attaquée au dehors par Soliman, un des plus redoutables ennemis du nom Chrétien, & qui menaçoit alors de renverser fes plus fermes remparts.

V.

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L'Allemagne gemissoit ainfi des maux présens, & plus encore de ceux qu'elle appréhendoit, lorsque Charles V. délivré du foin des guerres étrangeres par le traité qu'il avoit fait récemment à Crêpy avec François I. & par la treve qu'il venoit de faire avec Soliman ; irrité d'ailleurs du peu de foumiffion qu'il trouvoit dans les Princes Protestans, entreprit enfin pour maintenir fa propre autorité, de les réduire par les armes. Le Pape s'offrit à païer les frais de l'entreprise par de grosses sommes d'argent qu'il envoïa en effet à ce Prince, avec un corps confiderable de troupes Italiennes.

Plufieurs Provinces de l'Empire avoient déja fouffert une rude secouffe par la révolte & les emportemens furieux d'une armée de Païfans Anabaptiftes; mais depuis la naissance du Lutheranisme, on n'avoit pas encore vû de guerre reglée dont la religion fût le motif, Il est cependant vrai que Charles craignant un foulevement general de tout le parti, & voulant même par une adroite politique attirer dans le fien quelques-uns des Princes Proteftans afin de les détruire les uns par les autres, déclara qu'il n'en vouloit point à la religion Lutherienne. C'est en effet un probleme affez difficile à réfoudre. Car fans vouloir trop approfondir les mifteres cachez d'une politique obfcure; d'un côté la conduite de ce Prince, & de l'autre fes divers interêts

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