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que raison pour s'excuser de l'avoir commis, ou pour ne pas chercher quelque moyen de défense dans le droit naturel: or fi des scélérats osent bien réclamer des titres si respectables, à combien plus forte raison les gens de bien peuvent-ils y recourir ?

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Mais si la crainte de la peine & du supplice, en empêchant les hommes de mener une vie injuste & criminelle, fait fur eux ce que l'infamie d'une pareille vie ne sçauroit faire, il n'y a personne d'injuste, & l'on ne doit regarder les méchans que comme des gens qui ne se tiennent pas assez sur leurs gardes: tout de même nous, qui nous portons au bien moins par la considération de l'honnête, que de l'utile sommes pas à proprement parler des gens de probité, nous ne sommes simplement que plus avisez que les autres. Car supposez-moi un homme dans l'obscurité; de quoi ne doit-il pas être capable, s'il ne craint uniquement que les regards d'un témoin ou d'un Juge? A votre avis, comment traitera-t-il un pauvre malheureux qui se trouvera sous sa main dans un lieu écarté, seul, & sans défense, mais chargé d'or dont

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fuis commodis omnia, videtis, credo, quid fit acturus. Quòd fi negabit se illi vitam erepturum, & aurum ablaturum, nunquam ob eam caufam negabit, quòd id naturâ turpe judicet, fed quòd metuat, ne emanet, id eft, ne malum habeat. O rem dignam, in quâ non modò docti, verùm etiam agreftes erubef

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Jam verò ftultissimum illud, exiftimare omnia justa esse, quæ scita fint in populorum inftitutis, aut legibus. Etiamne, fi quæ fint tyrannorum leges ? fi triginta illi Athenis leges imponere voluiffent, aut fi homines Athenienfes delectarentur tyrannicis legibus, num id_ circò ea legis jussa habentur ? nihilo credo magis illâ, quàm

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il pourra le dépouiller impunément? En pareille rencontre notre honnête homme, je veux dire, celui qui suit les principes d'une justice naturelle parlera amiablement avec le voyageur, il le foulagera de son fardeau, il le remettra dans fon chemin : mais pour celui dont la maxime est de ne rien faire pour l'amour d'autrui, & de ne confulter en tout que ses intérêts, je vous laisse à penser de quelle maniére il se comportera. Quand il me foûtiendroit qu'il n'attentera point à sa vie, qu'il ne lui ôtera point son or, il ne s'en défendra certainement pas par la raison de la noirceur naturelle de cette action, mais par la crainte d'être découvert & d'en porter la peine. O indignité capable de faire rougir, je ne dis pas des Philosophes, mais tout ce qu'il y a de gens les plus grof fiers dans nos campagnes !

C'est encore une 19 autre extravagance de la même secte, de dire que tout ce qui est réglé par les Coûtumes ou par les Loix des peuples est juste. Quoi, les Loix mêmes que des Tyrans auroient faites le seroient? si les trente Tyrans en avoient voulu imposer aux

interrex nofter tulit, ut Diftator, quem vellet Civium indicta causà impunè poffet occidere: Est enim unum jus, quo devincta eft hominum societas, & quod lex constituit una. Quæ lex est recta ratio imperandi, atque prohibendi: quam qui ignorat, is est injuftus, five est illa scripta ufpiam, five nufquam.

Quòd fi justiria, est obtempe. ratio fcriptis legibus, institutifque populorum; & fi, ut iidem dicunt, utilitate omnia metienda funt: negliget leges, easque perrumpet, si poterit is, qui sibi eam rem fructuosam putabit fore. Ita fit, ut nulla fit omninò justitia fine naturâ, & ea, quæ propter utilitatem constituitur, utilitate illâ fublatâ, convellitur.

Athéniens, ou si tous les Athéniens s'étoient déclarez en faveur de ces Loix, feroit-ce une raison suffisante pour s'y soumettre aveuglément ? Pour moi, je crois qu'on n'en devroit pas faire plus d'état que de celle qui fut portée pendant l'interrégne qui étoit; que le Dictateur seroit en pouvoir de faire impunément mettre à mort ceux des Citoyens qu'il jugeroit à propos sans les entendre dans leurs défenses: car il ne peut y avoir qu'un droit qui cimente la société, & qu'une Loi qui étabilsse ce droit. Cette Loi est la droite raison qui est la régle des commandemens & des défenses. Quiconque l'ignore écrite, ou non écrite, celui-là est injuste.

Mais si la justice consiste à se soumettre aux Loix écrites & aux Coûtumes des peuples; & fi, comme disent encore les Epicuriens, il faut tout mefurer à son utilité propre, celui qui là trouvera à les mépriser ou à les enfreindre, n'en manquera pas l'occasion: en forte que la justice demeure sans effet si elle n'est pas foutenue de la nature, & que cette prétendue justice est renversée par l'utilité même qu'on lui donne pour fondement.

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