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cours auroit langui, s'il y eût entremêlé : HeEtor dit alors de telles ou femblables paroles. Au lieu que par cette Tranfition imprévûe il prévient le Lecteur, & la Tranfition eft faite avant que le Poëte même ait fongé qu'il la faifoit. Le véritable lieu donc où l'on doit ufer de cette Figure c'est quand le tems preffe, & que l'occafion qui fe préfente, ne permet pas de différer : lorfque fur le champ il faut paffer d'une perfonne à une autre, comme dans Hécatée : (1) Ce Héraut ayant assez pefé la conféquence de toutes ces chofes, il commande aux defcendans des Héraclides de fe retirer. Je ne puis plus rien pour vous, non plus que fi je n'étois plus au monde. Vous êtes perdus, & vous me forcerez bien-tôt moi-même d'aller chercher une retraite chez quelque au

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(1) Ce Héraut ayant pesë &c.] M. le Févre & M. Dacier donnent un autre fens à ce paffage d'Hécatée, & font même une reftitution fur &

&

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cet Hiftorien. M. le Févre avoit fort bien vû que Tavra des ne fignifie point du tout pefant la confequence de ces chofes mais étant bien v, dont ils changent ainfi fâché de ces chofes, comme mil. l'accent: prétendant le exemples en font foi, que c'est un Ionifme pour que n'eft point ici un parsv. Peut-être ont-ils rai-ticipe; mais e pour & dans Lon mais peut-être auffi le ftile d'Ionie, qui étoit celui qu'ils fe trompent, puifqu'on de cet Auteur ; c'est-à-dire ne fçait de quoi il s'agit en que ŵ‹ μà ŵ, ne fignifie pɔint cet endroit, le livre d'Hécomme fi je n'étois point au mon. catée étant perdu. En atten- de; mais afin done, & cela dant donc que ce livre foit dépend de la fuite. Voici le retrouvé, j'ai cru que le plus paffage entier : Le Hérant bien fûr étoit de fuivre le fens de faché de l'ordre qu'il avoit reçu, Gabriel de Petra, & des au- fait commandement aux defcen tres Interprétes fans y chan- dans des Heraclides de fe retiger ni accent ni virgule. rer. Je ne sçaurois vous aider, BOILEAU. Afin donc que vous ne périffiez entiérement & que vous ne m'enveloppiez dans votre ruine en me faifant exiler; partez. retirez-vous chez quelque autre peuple. DACIER,

Ibid. Ce Héraut ayant.] Ce paffage d'Hécatée a été expliqué de la même maniere par tous les Interprétes; mais ce n'eft guere la coutume qu'un Héraut péfe la conféquence Ibid. Ce Héraut.] J'ai fi des ordres qu'il a reçûs: ce bonne opinion de la franchin'eft point auffi la penfée defe de M. Boileau, & de M.

tre peuple. Démofthéne, dans fon Oraison contre Ariftogiton, a encore employé cette Figure d'une maniere différente de celle-ci, mais extrêment forte & pathétique. Et il ne fe trouvera perjonne entre vous, dit cet Orateur, qui ait du reffentiment de l'indignation de voir un impudent, un infâme visler infolemment les chofes les plus faintes? (1) Un fcélérat! dis-je, qui... Q le plus méchant de tous les hommes ! rien n'aura pû arrêter ton audace effrénée ? Je ne dis pas ces portes, je ne dis pas ces barreaux qu'un autre pouvoit rompre comme tor. Ilaife là fa pènfée imparfaite, la colere le tenant comme fufpendu & partagé fur un mot, entre deux différentes perfonnes. Qui... O le plus méchant de tous les hommes ! Et enfuite tournant tout d'un coup contre Ariftogiton ce même difcours, (2) qu'il sembloit avoir laiffé là, il touche bien davantage, & fait une plus forte impreffion. Il en eft de même de cet emportement de Pénélope dans Homere, quand elle voit entrer chez elle un Héraur de la part de fes amans :

De mes fâcheux Amans miniftre injurieux,
Héraut, que cherches-tu ? Qui t'améne en ces
Lieux ?

,

de mon royaume. TOLLIUS.

Dacier, que je ne doute pas. qu'ils n'approuvent ma tra- (1) Un fcélérat, disje,】 duction Latine que j'expri- J'aimerois mieux tourner: De merai comme je pourrais, voir cet impudent, cet infâme. en François Le Roi Ceyx forcer infolemment les droits fa étant fort troublé de cette décrés de cette ville. Ce fcélérat claration de guerre, commandis-je qui de incontinent aux defcendans des Heraclides de quitter fon royau me. Car je ne fais pas affez puif fant pour vous protéger. Allezvous-en donc, & retirez-vous dans un autre pays: afin que Vous ne vous mettiez. en pas danger de perdre la vie,& moi, d'etre à cause de vous chaffe

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Côle plus méchant de tous les hommes) voyant qu'on avoit réprimé l'audace effrenée de tes difcours non par ces barreaux, ni par ces portes qu'un autre pouvoir auffi bien rompre que toi, &q. TOLLIUS,

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(2) Qu'il fermbloit. J'eufle dita Jorfqu'il fembloit avarr

Y viens-tu de la part de cette troupe avare
Ordonner qu'à l'inftant le feftin fe prépare ?
Faffe le jufte Ciel, avançant leur trépas,
Que ce repas pour eux fait le dernier repas.
Lâches, qui pleins d'orgueil, & foibles de courage,
Confumez de fon fils le fertile héritage,

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Vos peres autrefois ne vous ont-ils point dit
Quel bomme étoit Ulyße, &c.

abandonné les Juges, il les tou-
che bien davantage par la cha-
leur de fon emportement, & fait
ne bien plus forte impreffion

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I

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dans leurs efprits, que s'il avoit fimplement poursuivi le fil de fon difcours TOLLIUS.

CHAPITRE XXI V.
De la Périphrafe.

L n'y a perfonne, comme je croi, qui puiffe douter que la Périphrase ne foit encore d'un grand ufage dans le Sublime. Car, comme dans la Mufique le fon principal devient plus agréable à l'oreille, lorfqu'il eft accompagné (1) des différentes parties qui lui répondent de même, la Périphrafe tournant autour du mot propre, forme fouvent, par rapport avec lui, une confonance & une harmonie

:

(1) Des différentes parties qui | la fuite, d'une diction toute lui répondent, ] C'est ainfi qu'il fimple on fait une espèce de faut entendre apaguar. Ces concert & d'harmonie. Voilà mots if you wapi, ne you- le fens le plus naturel qu'on lant dire autre chofe que les puifle donner à ce pallage. parties faites fur le fujet, & Car je ne fuis pas de l'avis il n'y a rien qui convienne de ces modernes, qui ne veumieux à la Periphrafe, qui lent pas, que dans la Mufin'eft autre chofe qu'un affem- que des Anciens dont on blage de mots qui répondent nous raconte des effets fi pro, différemment au mot propre, digieux, il Y ait eu des par& par le moyen defquels ties: puifque fans parties il comme l'Auteur le dit dans ne peut y avoir d'harmonje,

fort belle dans le difcours; fur tout lorfqu'elle n'a rien de difcordant ou d'enflé, mais que toutes cho'fes y font dans un jufte tempérament. Platon nous en fournit un bel exemple au commencement de fon Oraifon funébre. Enfin, dit-il, nous leur avons rendu les derniers devoirs, & maintenant ils achévent ce fatal voyage, & ils s'en vont tout glorieux de la magnificence avec laquelle toute la Ville en général, &leurs parens en particulier, les ont conduits hors de ce monde: Premiérement il appelle la mort ce fatal voyage. Enfuite il parle des derniers devoirs qu'on avoit rendus aux morts, comme d'une pompe publique, que leur pays leur avoit préparée exprès pour les conduire hors de cette vie. Dirons-nous que toutes ces chofes ne contribuent que médiocres ment à relever cette penfée? Avouons plûtôt que par le moyen de cette Périphrafe, mélodieufement répandue dans le difcours, d'une diction toute fimple, il a fait une espéce de concert & d'harmonie. De même Xénophon: Vous regardez le travail comme le feul guide qui vous peut conduire à une vie heureufe plaifante. Au refte votre ame eft ornée de la plus belle qualité que puißent jamais poßéder des hommes nés pour la guerre ; c'est qu'il n'y a rien qui vous touche plus fenfiblement que la louange. Au lieu de dire: Vous vous adonnez au travail comme le feul guide qui vous peut conduire à une vie beureufe. Et étendant ainfi toutes chofes, il rend fa pensée plus grande, & reléve beaucoup cet éloge. Cette périphrafe d'Hérodote me femble encore inimitable : La Décße Vénus, pour châtier l'infolence des Scythes, qui avoient pillé fon Temple, leur envoya (1) une maladie qui les rendoit femmes.

Je m'en rapporte pourtant aux Sçavans en Mulique: & je n'ai pas affez de connoiffance de cet Art , pour décider fouverainement là, deflus. BOILEAU.

(1) Une maladie qui les rendoit femmes. ] Ce pallage a fort exercé jufqu'ici les Sçavans, & entr'autres M. Coftar & M. de Girac. C'est ce dernier dont j'ai fuivi le fens qui m'a pa

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(1) Au refte il n'y a rien dont l'ufage s'étende plus loin que la Périphrase, pourvû qu'on ne la répande pas par tout fans choix & fans mesure. Car auffitôt elle languit, & a je ne fçai quoi de niais & de groffier. Et c'eft pourquoi Platon, qui eft toujours figuré dans fes expreffions, & quelquefois même un peu mal-à-propos, au jugement de quelques-uns, a été raillé, pour avoir dit dans fes Loix: Il ne faut point fouffrir que les richesses d'or & d'argent prennent pied, ni babitent dan; une Ville. S'il eût voulu, pourfuivent-ils, interdire la poffeffion du bétail, affurément qu'il auroit dit par la même raison, les richeffes de bœufs de moutons.

mais qui auroient été toutes ou rudes, ou malhonnêtes au lieu que celle qu'il a choifie eft très-propre & ne cho que point. En effet, le mor

ru le meilleur y ayant un fort grand rapport de la maladie naturelle qu'ont les femmes avec les Hémorrhoïdes. Je ne blâme pourtant pas le fens de M. Dacier. BOILEAU.oos maladie n'a rien de grofIbid. Une maladie qui les ren- fier, & ne donne aucune idée doit femmes. Par cette maladie fale; on peut encore ajoûter des femmes, tous les Interpré- pour faire paroître davanta tes ont entendu les Hémorroï-ge la délicatelle d'Hérodote en des; mais il me femble qu'cet endroit, qu'il n'a pas dit Hérodote avoit eu tort de n'ato yurar la maladie des tribuer qu'aux femmes ce qui femmes; mais par l'Adjectif eft auffi commun aux hom-Shear voer, la maladie fémimes & que la periphrafe nine, ce qui eft beaucoup plus dont il s'eft fervi, ne feroit doux dans le Grec : & n'a pas fort jufte. Ce paffage a point du tour de grace dans embarralle beaucoup de gens, notre langue, où il ne peut & Voiture n'en a pas été feul être fouffert. DACIER. en peine, Pour moi je fuis perfuadé que la plupart, pour avoir voulu top finaffer, ne font point entrez dans la penfée d'Hérodote, qui n'entend point d'autre maladie que celle qui eft particuliere aux femmes. C'eft en cela auffi que fa periphrafe paroit admirable à Longin, parce que cet Auteur avoit plufieurs autres ma mieres de circonlocution.",

Ibid. La maladie des femmes.] Voyez mes remarques Latines, où je montre , que ce n'eft ni l'une ni l'autre mais une maladie plus abominable. TOLLIUS.

"(1) Au reste, il n'y a rien. 1 Le mot Grec enixator fignific une chofe qui eft fort com mode pour l'ufage. Tor

LIUS.

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