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» vous les eaux falutaires, je m'occupois entierement de l'idée que » je me formoisd'un fpectacle fi faint, où je me figurois voir plu» fieurs Evêques employer leurs mains confacrées au Seigneur, » à fervir un Roi redoutable aux Nations, qui s'humilioit devant "le Dieu Tout - puiffant. Nous voyons un de ces Prélats vous »oindre à la tête, & un autre vous ôter votre cotte - d'armes & » & votre cuiraffe pour vous revêtir des habits des nouveaux » Chrétiens. Ces habits, quoique faits d'une étoffe fans résis» tance (4), vous rendront plus de fervice dans toutes vos » guerres, que ne feroient des armes de la meilleure trempe. Croyez-moi, grand Prince, votre destinée ne vous a jamais » fait avoir autant d'heureux fuccès que votre pieté va bientôt » vous en procurer. Vos lumieres naturelles & votre fageffe me difpenfent de vous donner ici les avis que je donnerois à un » autre Profélite. Irois-je vous dire qu'il faut avoir de la foi, » quand vous croyez déja? Vous dirois-je qu'il faut avoir dé l'humilité, quand vous avez daigné vous recommander à mes prieres, même avant que vous euffiez promis en recevant le Baptême d'être humble de cœur? Puis je vous prêcher la compaffion pour les affligés, quand un peuple de captifs dont » vous avez brifé les chaînes, entretient fans ceffe les Nations "fur votre débonnaireté, & demande continuellement à Dieu qu'il veuille bien récompenfer votre charité? Il ne me refte >> donc qu'une chofe à vous propofer. Le Seigneur aura bientôt » achevé par votre moyen la converfion de toute la Nation des » Francs. Difpofez-vous dès aujourd'hui à faire connoître fon >> faint nom aux Peuples qui font au-delà des pays où cette Na» tion habite maintenant, & qui ne font pas encore infectés » du venin de l'héréfie. Employez tous vos foins à faire con»noître aux Peuples dont je parle, le Dieu qui vous a comblé » de tant de benedictions; & paffant par- deffus la délicatesse » ordinaire des Souverains, envoyez-leur des Ambaffadeurs qui » les preffent d'entrer dans le bercail de l'Eglife. Que les Na» tions idolâtres qui vous regardoient comme le plus grand Roi » de leur Religion & comme leur Chef, en quelque forte, foient >> converties par vos foins. Qu'elles fe réuniffent toutes dans le » même fentiment de refpect pour vos volontés, quelque dif» ferentes qu'elles reftent dans les autres chofes. Vous êtes un

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(a) Faciet fi quid creditis Regum floren- | rigor armorum & quidquid felicitas ufque tiffime, faciet, inquam, ifta mollities in- huc præftitit, addet hinc fanctitas. dumentorum, ut deinceps vobis plus valeat Ibidem.

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» foleil qui fe leve pour tout le monde, & dont aucun pays particulier, n'a droit, pour ainsi dire, de s'approprier la lumiere. » Les pays qui ont le bonheur d'en être plus voifins, joüiront, » il eft vrai, d'une plus grande fplendeur; mais ceux qui en » font le plus éloignés ne laifferont pas d'en être éclairés. Vos » bienfaits fe répandent déja dans tous les lieux, & déja vos » Miniftres rendent fervice à tout l'Empire. (a) Continuez à » faire les délices des Provinces où brille votre Couronne, & la >> confolation du reste du monde. Toutes les Gaules retentiffent » du bruit des heureux évenemens qui arrivent aux habitans de »fes Provinces, par votre moyen. Nous-mêmes nous prenons » une part très-grande à vos fuccès; & toutes les fois que vous triomphez, nous croyons avoir remporté une victoire. Votre » bonheur n'a point changé la bonté naturelle de votre ame, & » vous aimez toujours à faire les œuvres de miféricorde que la Religion nous recommande. C'eft en exerçant votre charité » que vous donnez les plus grandes preuves de votre puif» fance. (b) Voilà fans doute le motif qui vous a engagé à » demander qu'on remît entre vos mains le fils de l'illuftre Lau»rentius qui vous eft fi dévoué, & qu'on exécutât prompte»ment l'ordre que l'Empereur Anaftafe avoit donné à ce fujet-là. » J'ofe me vanter d'avoir obtenu de mon Maître Gondebaud, qu'il fit en cela votre volonté. Il eft Roi de fa Nation, mais » cela n'empêchera point que dans les occafions, vous ne trou» viez en lui toute forte de déference. Je vous recommande ce » fils de Laurentius qu'on vous envoye, & que je félicite fur » fon bonheur, quoique je le lui envie. Il eft moins heureux à » mon fentiment d'être rendu à fon pere, que d'être remis en»tre les mains de notre pere commun.

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Avant que

de rapporter ce qui fe trouve dans d'autres Lettres

apud Dominum meum fuæ quidem gentis Regem fed Militem veftrum, obtinuifle me fuggero. Nihil quippe eft in quo fervire non poteft. Commendo directum, congaudii milfo, invidi vos vifuro, cui minus computandum eft ad utilitatem proprio parenti restitui, quam patri omnium præfentari.

(4) Nulla igitur patria quafi fpeciali felium principali Oraculo juberetis. Quod de fibi vindicet totis quos honorum gradibus attollitis. Conftat vos effe quo communis uno folis jubare omnia perfruuntur. Vicina quidem plus gaudent lumine, fed non carent remotiora fulgore. Quapropter radiare perpetuo præfentibus diademate abfentibus Majeftate.... Succeffus felicium triumphorum quos per vos regio illa gerit, cuncta concelebrant. Tangit etiam nos felicitas, quotiefcumque illic pugnatis, vincimus. Ibidem.

(b) Ex quo utique factum eft ut dirigi ad vos fervi veftri viri illuftris Laurentii

Ibidem.

Nota. Sirmundi ad hac verba Laurentii Filium. pag. 31. Hunc ad patrem redire cum cuperet Anaftafius, Chlodoveum intercefforem adhibuit ut cum à Gondobaldo reciperet.

d'Avitus concernant ce jeune homme, & de montrer que le Pere Sirmond a eu grande raifon d'entendre par Principale Oraculum, un ordre de l'Empereur Anaftafe, il eft à propos de faire ici quelques autres obfervations fur la dépêche de cet Evêque àClovis. Ce ne fera point pour remarquer l'efprit dans lequel elle eft écrite. Il y eft trop fenfible. Ce fera feulement pour en commenter l'endroit qui a rapport à un évenement dont nous n'avons point encore dû parler, & pour en expliquer un terme que quelques-uns de nos Auteurs modernes ont, à ce qu'il me paroît, mal interprété.

Je dirai donc en premier licu, que tout ce qui fe trouve vers la fin de cette dépêche concernant les heureux évenemens qui arrivoient aux Habitans des Provinces des Gaules déja foumifes à Clovis, & dans lefquels Avitus prend tant de part, regarde la réduction des Armoriques à l'obéiffance de ce Prince, suivie immédiatement de la Capitulation que firent avec lui les troupes Romaines qui étoient encore dans les Gaules. Nous rapporterons dans le Chapitre fuivant ces deux évenemens arrivés peu de mois, & peut-être peu de jours après le Baptême du Roi des Saliens, mais qu'il fut aifé de prévoir, dès que ce Prince cût déclaré qu'il alloit fe faire Catholique.

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En fecond lieu, j'obferverai que l'épithete de votre Soldat de Miles vefter, qu'Avitus donne au Roi Gondebaud, ne doit être prife abfolument dans fon fens litteral, & qu'elle ne fignifie pas néceffairement que le Roi des Bourguignons fût le Soldat de Clovis, ou pour parler le langage des ficcles fuivans, fon Feudataire: Gondebaud étoit un Roi bien plus puiffant fans comparaifon que Clovis, lorfque ce dernier parvint à la Couronne en quatre cens quatre-vingt-un, & nous ne voyons point que Clovis ait fait la guerre à Gondebaud, ni qu'il ait acquis aucun avantage fur lui, avant l'année cinq cens, qu'il l'attaqua & qu'il l'obligea de fe rendre fon Tributaire. Suivant l'apparence cette Ceft-à-dire expreffion de votre Soldat a rapport à ce qui fe traitoit dès-lors à Conftantinople par Laurentius. On peut bien croire que lorfque Anaftafe conféra la dignité de Conful à Clovis, ce ne fut point en conféquence d'une négociation momentanée. L'Empereur d'Orient n'aura point pris un parti auffi délicat que celui-là, fans avoir traité long-tems fur une pareille affaire, & fans avoir voulu être informé du fentiment des Serviteurs qu'il avoit dans les Gaules. Ainfi quoiqu'Anaftafe n'ait conféré la dignité de Conful à Clovis que díx ou douze années après fa converfion, il fe peut

en 496.

bien faire que long-tems auparavant, cette affaire importante fût déja fur le tapis, & peut-être, que l'Empereur eût laiffé entendre qu'il revêtiroit le Roi des Saliens de cette Dignité auffi tôt qu'il fe feroit fait baptifer. Avitus qui étoit de l'intrigue, & que la fituation où il fe trouvoit, obligeoit à ne s'expliquer qu'en termes ambigus, aura donc fait allufion à l'état prefent de la négociation, lorfqu'il aura écrit à Clovis: » Gondebaud est à » vos ordres, il eft déja votre Soldat. » C'étoit lui dire, puisque vous voilà Chrétien, vous allez recevoir bientôt de Conftantinople le Diplome du Confulat, & vous pouvez déjà regarder Gondebaud comme un Officier qui vous fera bientôt fubordonné. En effet Gondebaud n'étoit que Patrice, & nous avons vû que fuivant la Conftitution de l'Empire dont les Rois Barbares établis fur fon territoire, affectoient de paroître refpecter les Reglemens, le Patriciat étoit une dignité fubordonnée a Confulat.

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Qu'Avitus fe foit fervi des termes de Miles vefter, pour exprimer la fubordination de Gondebaud à Clovis, laquelle Avitus croyoit déja voir, il n'en faut point être furpris. Dès qu'on eft médiocrement verfé dans la connoiffance des ufages du quatriéme fiecle & des deux fiecles fuivans, on n'ignore plus que les Romains de ces tems-là donnoient abufivement le nom de Miles, ou de Soldat, à tous ceux qui étoient au fervice des Empereurs, en quelque qualité que ce fût, même à ceux qui exerçoient les emplois les plus éloignés de la profeffion des Armes. En un mot on comprenoit alors fous le nom de Soldat, ceux mêmes des Of ficiers du Souverain qui font défignés par le nom de Gens de plume, dans quelques-uns, de nos Auteurs François. Le Lecteur peut confulter fur ce point-là, le Gloffaire (a) de la moyenne & de la baffe Latinité, de M. Ducange. Cet ufage étoit même caufe qu'il y avoit dès le quatrième fiecle deux Milices diftinctes, l'une défignée par le titre de Milice armée, & l'autre par celui de Milice du Palais. Severe Sulpice dit dans la Vie de Saint Martin (b), que ce Saint avoit fervi étant encore fort jeune dans la Milice armée. Cette diftinction des deux Milices, étoit comme une fuite néceffaire de la nouvelle forme de Gouvernement que Conftantin le Grand avoit établie, & dont nous avons parlé fuf

(a) Qui alicui Principi five in officio Palatino, five in militaribus expeditionibus militabat, ejus miles effe dicebatur. Gang. Glof. lat. tom. 2. p. 5.3.1.

(b) Ipfe armatam Militiam in adolefcen tia fecutus.

Sulp. de vita Martini, pag. 287.

fifamment dans le premier Livre de cet.Ouvrage.

Il fe peut bien faire encore qu'il n'y ait point dans la Lettre d'Avitus à Clovis autant de mystére que je viens de le fuppofer. Peut-être que lorfqu'elle fut écrite, l'ufage avoit donné une fi grande extenfion à la fignification du mot Miles, qu'il étoit permis de l'employer pour dire fimplement, un homme qui fait profeffion d'avoir beaucoup de déférence pour un autre, & comme nous le difons familierement, qui eft fon ferviteur: Peut-être qu'alors le terme de Soldat, n'emportoit pas plus l'idée d'une perfonne fubordonnée & obligée par fon emploi à obéir à une autre, que le terme de fervus, emportoit l'idée d'efclave, quoique fervus fignifie proprement un efclave. Ainfi notre Evêque aura dit à Clovis que Gondebaud étoit fon Soldat, dans le même fens qu'il dit à Clovis que Laurentius eft fon Efclave, quoique se Romain, comme nous l'allons voir, ne fût en aucune façon l'Efclave de Clovis, & qu'il fût feulement une perfonne attachée aux interêts de ce Prince.

Ce qui fortifie cette derniere conjecture, c'eft qu'Avitus dans une Lettre dont nous allons rapporter le contenu, qualifie ce même Laurentius de Soldat du Senateur (a) Vitalianus à qui elle eft écrite, quoique Laurentius ne fervît 'en aucune maniere fous ce Vitalianus. Laurentius étoit feulement un homme attaché aux interêts de Vitalianus, un homme qui faifoit fa cour à Vitalianus. C'est ce que nous tenons d'Avitus lui-même (6), qui dans cette Lettre, & dans la Lettre fuivante qu'il écrivit dans le même tems à un autre Senateur de Conftantinople nommé Celer, traite Laurentius de Perfonnage illuftre. Avitus lui donne encore le même titre dans une Lettre écrite au Patriarche de Conftantinople, & il le lui avoit donné dans fa Lettre à Clovis. L'E-· vêque de Vienne n'auroit pas qualifié ainfi un homme aux gages d'un Sénateur. Tous les jours l'ufage autorife des acceptions de mots encore plus abufives que la fignification dans laquelle je conjecture qu'Avitus aura employé le terme de Soldat en écrivant à Clovis.

Voyons prefentement quel étoit ce Laurentius, & quel's fervices il étoit à portée de rendre à Clovis; Aidons nous pour cela de ce qui en eft dit dans les Lettres d'Avitus. Nous n'avons au(a) Clientis veftri viri illuftris Lauren- luftris Laurentii, filium. tii filius. .... fupereft ut præfatus Miles vefter.

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Avit. Ep. 43.

rem.

Adjecit vir illuftris Laurentius hono

Idem, Ep. fe prima.

cunes

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