(1) Tom. I. anciens Peuples (1). La premiere contient la Cofmogonie P. 4. & fuiv. des Pheniciens; la feconde, l'Hiftoire des premiers hommes avant le Deluge, quoique cet Auteur ne dife pas un mot de ce celebre évenement; & la troifiéme parle de ceux qui ont vêcu après, & qui font defcendus des premiers. 93 1o. Selon cet ancien Auteur, » le premier principe de l'univers a été un air tenebreux & fpiritueux ; un chaos plein de confufion & fans clarté; éternel, & d'une durée fans » fin. L'efprit devenu amoureux de fes principes, il s'en fit une conjonction, & cette conjonction fut appellée l'amour. De là fortit Mot, ou Mod, c'eft-à-dire, ou un limon, ou plûtôt un mêlange aqueux, qui fut le principe & la femence » de toutes les créatures, & la generation de l'univers. Il y 2) 9 DO eut d'abord des animaux qui n'avoient aucun fentiment, lefquels en engendrerent d'intelligens, qui furent nommés Zophezemin, c'est-à-dire, contemplateurs des cieux. Im» médiatement après Mot, le foleil, la lune, les étoiles, » & les autres Aftres commencerent à paroître & à luire. L'air étant fortement illuminé par le violent degré de chaleur, communiqué à la terre & à la mer, des vents furent produits, avec des nuées qui tomberent en pluyes ; & les eaux dont la terre venoit d'être inondée, attirées par l'ar deur du foleil, furent de nouveau réunies dans l'air, où pouffées les unes contre les autres, elles formerent les éclairs & le tonnerre, dont le bruit réveilla les animaux intelligens, & les effraya tellement qu'ils commencerent à fe mouvoir dans la terre & dans la mer. »> כב B 3 Ce premier morceau du Fragment, ne regarde, comme on voit, que la formation des êtres, & mon objet n'eft pas de m'étendre fur cette matiere. Il fuffit d'obferver que ce fyfteme des Pheniciens conduifoit à l'athéifme, Dieu n'ayant aucune part dans la formation de l'univers. Sanconiathon dit même que l'efprit, tel qu'il le concevoir, ne connoiffoit pas La propre production. 2°. L'Auteur Phenicien, après cette Cofmogonie, commence l'Hiftoire du genre humain, par la production du premier homme & de la premiere femme, que Philon fon Traducteur nomme Protogone & Eon, & ajoûte que celle-ci trouva que les fruits des arbres pouvoient fervir de nourriture. Les enfans de ces premiers parens du genre humain, qui furent Genus & Genea, habiterent dans la Phenicie. Une grande fechereffe étant furvenue, ils étendirent les mains » vers le foleil, qu'ils regarderent comme le feul Dieu & le » maître des cieux, & lui donnerent le nom de Beelzemen, 99 D 93 lequel en Phenicien fignifie, Seigneur des cieux. Genus » dans la fuite engendra d'autres hommes, qui furent nom més Phos, Pur, Phlox, c'eft-à-dire, lumiere, feu, & flame: » ce furent eux qui en frottant deux pieces de bois l'une » contre l'autre, trouverent l'ufage du feu. Leurs enfans qui 20 furent d'une grandeur demefurée, donnerent leurs noms » aux montagnes qu'ils poffedoient; de là les noms du mont Caffius, du Liban & Antiliban, du Brathys, &c. » D "> " peaux Les enfans de ces Geants furent Memrumus. & Hypfu branius. Ce dernier habita à Tyr, & inventa l'art de conf»truire des cabanes de rofeaux & de jonc, & le papyrus; » & fon frere, avec qui il fe brouilla, apprit aux hommes à se couvrir de de bêtes. Il fit plus encore, car un vent impetueux ayant enflamé une forêt qui étoit près de Tyr, il prit un arbre, en coupa les branches, & l'ayant lancé dans la mer il le fit fervir de vaiffeau. Il rendit auffi un hommage religieux, & repandit le fang de quelques animaux en l'honneur de deux pierres qu'il avoit confacrées au vent & au feu; & voilà, pour le dire en paffant, le fecond exemple d'un culte rendu à des êtres créés, le foleil, comme on l'a vû, ayant été le premier objet de l'idolatrie. B R Après la mort de Memrumus & d'Hypfuranius, continue » Sanconiathon, leurs enfans leur confacrerent des morceaux informes de bois & de pierre, qu'ils adorerent, & établirent des fêtes annuelles à leur honneur ». C'eft ici la premiere fois qu'on rendit un culte religieux à des hommes morts. » Plufieurs années après cette generation, qui eft la fixiéme, vinrent Agreus & Halieus, inventeurs de la pêche & de la chaffe, comme leurs noms le fignifient. Ceux-ci eurent pour enfans deux freres qui inventerent l'art de faire » des inftrumens de fer. Celui des deux qui porta le nom de Chryfor, & qui eft le même que Hepheftus ou Vulcain, כם s'adonna à la funefte fcience des enchantemens & des for tileges; inventa l'hameçon, l'amorce & la ligne à pêcher, l'ufage des barques utiles à ce fujet, & même les voiles. Tant de découvertes lui meriterent après fa mort les honneurs divins, fous le nom de Zeumichius, ou Jupiter le » machiniste. On croit encore que ces deux habiles freres » inventerent l'art de faire des murailles de brique. Ils eurent pour enfans Technites, ou l'artifte, & Geinus Autocthone c'eft-à-dire, né dans la terre même, lefquels ayant trouvé » le fecret de mêler la paille avec la brique, en formerent des thuiles qu'ils firent feicher au foleil. Leurs deux fils » nommés Agraï, le champetre, & Agrotes, le laboureur » s'adonnerent à la vie ruftique, & à la chaffe. On les nom» ma auffi Aleta & Titans. Enfin Amynus & Magus, le contre-forcier & l'enchanteur, furent les derniers de cette premiere race, & ils enfeignerent aux hommes l'art de bâtir des villages, & d'y r'affembler leurs troupeaux. Il y avoit auffi de leur temps aux environs de Byblos, un certain Elion, nom qu'on peut rendre en Grec celui d'Hypfiftus, le plus haut, qui avoit pour femme Beruth. Ils 22 par eurent un fils nommé Epigée, qui fut dans la fuite appellé » Uranus, & une fille qui porta le nom de Gé, & c'est le » nom de ces deux enfans que les Grecs ont donné au ciel & à la terre. Hypfiftus étant mort à la chaffe, on l'honora comme un Dieu, & on lui fit des libations & des facrifices. Uranus s'empara du Royaume de fon pere, & ayant époufé Gé sa four, il en eut plufieurs enfans, Ilus, qui fut appellé Cronos Pou Saturne, Berylus, Dagon, & Atlas. » Telles furent, felon l'Auteur Phenicien, les dix premieres generations, lefquelles, fi on en excepte celle d'Elion ou Hypfiftus, font celles de la branche de Cain: furquoi il eft bon de faire quatre remarques. La premiere, que cet ancien Ecrivain, qui vouloit favorifer l'idolatrie, a affecté de ne parler que des defcendans de Caïn, qu'on croit avec raifon en avoir été les premiers auteurs. La feconde, qu'il ne fait aucune mention du Deluge, lequel felon les Peres de l'Eglife, fut la punition des crimes de cette race, dont le plus grand étoig כב le culte facrilege qu'ils avoient rendu aux créatures. La troifiéme, eft que Sanconiathon compte dix generations dans la branche de Cain, quoique Moyfe n'en mette que huit, paffant de la troifiéme, ou d'Henoc, à la fixiéme, ou à Irad.. Mais, on peut dire que Moyfe, dont le but étoit de parler: principalement de la race de Seth, ou de celle des Juftes, n'a pas fuivi de même celle de Cain, fur tout la quatriémet & la cinquiéme, parce que peut-être c'étoient des hommes qui ne meritoient pas d'être nommés; car il n'y a pas d'apparence que les huit generations de Cain ayent duré auffi longtemps que les dix de Seth, dont Moyfe fait méntion. La quatrième enfin, que l'Auteur Phenicien attribue à ces defcendans de Caïn la plupart des inventions utiles, ainsi que Moyfe, quoique ces deux Auteurs ne foient pas toûjours d'accord fur le temps de ces découvertes, ni fur les perfonnes qui les ont faites, Sanconiathon donnant à une race ce que Moyfe donne à une autre, comme on pourra s'en convaincre en lifant les premiers Chapitres de la Genese. J'ai dit que ces dix generations regardoient les defcendans de Caïn, fi on en exceptoit Hypfiftus, parce que les Sçavants, après Cumberland qui a expliqué dans un grand détail ce fragment de l'Auteur Phenicien, prétendent que cet Hypfiftus étoit le pere de Noé, & qu'il n'en eft parlé que comme en paffant, parcequ'il étoit ennemi des Idolatres dont Sanconiathon plaide la cause. Pour la fatisfaction des Lecteurs, je vais metttre ici les deux Tables des defcendans de Caïn. Dans Moyfe, comme on le voit, la race de Caïn finit auxTM derniers hommes que je viens de nommer, parce qu'eux-mêmes, ou leurs defcendans, furent engloutis dans les eaux du Deluge, fans qu'il s'en fût fauvé aucun. Comment, dira-t'on, at'elle donc été continuée par Sanconiathon dans la troifiéme partie de fon extrait que je vais rapporter? Il eft aifé de répondre à cette difficulté, en difant qu'il a pris dans les defcendans de Noé, les perfonnages de cette feconde decade, La chofe paroîtra évidente par les reflexions qu'on trouvera dans la fuite. 3 pere 3o. De ceux-ci, dit Sanconiathon, c'est-à-dire, d'Amynus & de Magus, n'aquirent Mifor & Sydic, le Libre, & le Jufte, qui trouverent l'usage du fel. Le premier fut de Thaautus, l'inventeur des premieres Lettres; c'eft le Thoot des Egyptiens, le Thogit des Alexandrins, & l'Hermès des Grecs: & Sydic eut pour enfans les Dioscures » ou Cabires, nommés dans la fuite Corybantes ou Samo 3) thraces. Ceux-ci perfectionnerent la navigation, en faisant » un vaiffeau; & parmi leurs enfans, il y en eut qui trou» verent l'ufage des fimples, des remedes contre la morfure des animaux, & enfin l'art des enchantemens, ou la maniere de guerir ces morfures par des paroles, » Uranus, dont les enfans vivoient du temps de ceux dont on vient de parler, ayant fuccedé à fon pere Elion, eut » de Gé fa fœur, les quatre enfans qu'on a déja nommés, Cronus, Betylus, Atlas, & Dagon ou Siton, qui fut fur» nommé Zeus Arotrius, ou Jupiter le laboureur, lorfqu'il » eut inventé l'art de femer le blé; il eut auffi plufieurs au» tres enfans de differentes Concubines. Gé mécontente » des galanteries de fon époux, lui en fit des plaintes ame»res; ce que l'obligea à la repudier. Mais comme il l'ai BD 32 moit, il la reprit & en eut plufieurs enfans, qu'il chercha » dans la fuite à faire perir. Cronus ayant atteint l'âge viril, époufa le reffentiment de fa mere, mit à la tête de fon Confeil Hermès Trifmegifte qui étoit fon Secretaire, s'oppofa vivement aux deffeins d'Uranus, le chaffa du Royau» me, fucceda à fon pouvoir; & ayant pris dans le combat une Concubine que fon pere aimoit tendrement, il la don na כם ככ |