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belles lettres, deviennent inu

tiles.

Eft-ce à l'égard de l'éloquence, l'une des principales parties de la littérature, que la dévotion mérite ce reproche? Quelle oppofition voyons-nous entre les préceptes de Cicéron & de Quintilien fur l'art oratoire, & les plus auftères maximes de l'évangile? Toutes les vertus que ces deux grands maîtres exigent d'un Orateur, la probité, l'amour du bien public, la fermeté, le défintéreffement, ne font-elles pas affermies & perfectionnées par le chriftianifme? Toutes les règles qu'ils prefcrivent pour parvenir au but de l'éloquence, qui eft de perfuader, ne peuvent-elles pas être connues & mises en pratique par un hom

me qui joint aux fentimens de la piété chrétienne des difpofitions naturelles pour l'éloquence? Rien ne l'oblige dans fes principes, à retrancher de fes difcours le ftyle qui attache, les raifonnemens qui convainquent, les mouvemens qui entraînent. Pour ce qui eft des fujets fur lefquels l'éloquence peut s'exercer, la dévotion lui laiffe ceux que les Orateurs de Rome & d'Athènes ont traités avec plus de fuccès, la défenfe de l'état, la protection du bon droit ou de l'innocence. l'éloge des grands hommes; & à ces fujets profanes, quoique intéreffans & légitimes, elle ajoûte les vérités facrées, qui ouvrent le plus vafte & le plus noble champ au talent de la parole.

C'est ici, dira-t-on, que les maximes de la dévotion contredifent les préceptes de l'éloquence. Car la dévotion, fi elle eft fincère, ne cherche pas l'eftime & les applaudiffemens des hommes. Elle craint pour elle-même le poifon des louanges, & pour ceux qui l'entendent, le charme féducteur de l'éloquence. Elle ne veut pas pour une chimérique récompenfe, hafarder le prix ineftimable que Dieu prépare à fes -travaux, ni fubftituer un frivole amufement à l'attention férieufe que fes auditeurs doivent aux vérités chrétiennes. Elle exige d'un Orateur qu'il prêche Jefus-Chrift, fans fe prêcher lui-même, & qu'il excite par fes difcours des gémiffemens plutôt que des acclamations. A v

Si ceux qui parlent ainfi rendent juftice à la dévotion, ils ne connoiffent guère l'éloquence. Quelle opinion ont-ils de ce fublime talent, lorfqu'ils en bornent tout le fruit à la réputation de l'Orateur, & à l'amufement de fon auditoire ? Eft-ce là ce qu'en ont penfé les Payens eux-mêmes, éclairés par les feules lumières de la raifon? Qu'on confulte leurs plus habiles Rhéteurs; &, ce qui eft d'un tout autre poids, qu'on jette les yeux fur les chefs-d'œuvres de leurs Orateurs, y trouvera-t-on que l'éloquence confifte à détourner fur celui qui parle l'attention de ceux qui l'écoutent? Qu'est-ce qui paroît occuper Démosthène dans ces immortelles Philippiques dont la rapide

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fimplicité touchoit plus M. de Fenelon, que l'art infini & la magnifique éloquence de Cicéron? Eft-ce fa propre gloire? Non: c'eft le danger que court fa patrie, l'ambition & les progrès du Roi de Macédoine, la ruine prochaine de la liberté; voilà ce qui l'anime, ce qui le transporte hors de lui-même, & ce qui tire de fon cœur, pluftôt que de fa bouche, ces véhémentes exhortations qu'il adreffe aux Athéniens. Infenfible à leurs applaudiffemens, il ne leur demande que le falut de l'état, & l'Orateur difparoît pour ne laiffer voir que le citoyen. Cicéron, quoiqu'avec moins de force & d'énergie, a connu, comme Démosthène, le

* Lettre à l'Académie Françoife..

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