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Fortune. Une tante l'avoit élevée à Paris, avec foin : cette tante devenue veuve, s'étoit retirée à Reims, où elle vivoit avec fa niéce. Madame de Rofoi venant, après fon mariage, dans les Terres de fon mari, paffa par cette Ville. L'Archevêque, frere de la Reine Mere, exigea du Seigneur de Rofoi, d'y faire quelque féjour. Ce Prélat, charmé de Madame de Rofoi, lui rendit les honneurs qu'elle méritoit: il lui donna des fêtes dignes de l'un & de l'autre. Ce fut dans ces fêtes, que Madame de Rofoi vit Mademoiselle de Rocheville; elle fut furprise de trouver dans Reims, une fille avec des manieres fi polies, & une éducation fi diftinguée: fon efprit, fa raison & fes talens, la charmerent. Mademoifelle de Rocheville étoit grande Muficienne; elle avoit la voix

belle, & joüoit bien de plufieurs inftrumens. Comme Madame de Rofoi ajoutoit ces mêmes talens aux graces de fa perfonne, elle fut charmée de trouver dans une jeune fille de qualité (car Mademoiselle de Rocheville n'avoit encore que vingt ans) une Compagne aimable, en état de lui adoucir le féjour de la Province. Prévenue, en peu de jours, d'une tendre amitié pour cette charmante fille, elle fit agréer au Seigneur de Rofoi le deffein qu'elle avoit formé, d'emmener avec elle la tante & la niéce. Depuis ce jour, Mademoiselle de Rocheville n'a plus quitté Ma dame de Rofoi; elle a même facrifié des établissemens affez avantageux, à l'amitié qu'elle a prife pour une femme,dont l'eftime pour elle eft parfaite, & la confiance fans réserve,

Lorfque je vis Mademoiselle de Rocheville, fa phifionomie, fa politeffe & fon efprit, me prévinrent en fa faveur. Le bien que le Seigneur de Rofoi m'avoit dit de fon caractere, & furtout fon tendre attachement pour Alix, me la firent regarder d'abord comme mon amie; je lui demandai même, & d'une maniere qui lui plut, de m'accorder ce titre. Elle m'a bien prouvé depuis, qu'elle ne me l'avoit pas refufé.

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Les trois mois prescrits, écou lez triftement nous partîmes aller à Rofoi. J'avois, penpour dant ce tems, langui à Rethel: ma tristeffe y auroit été extrême, fi Mademoiselle de Rocheville fidelle à fes engagemens,ne m'eût fouvent inftruit que Mademoifelle de Rofoi, toujours occupée du defir de faire mon bonheur, s'en entretenoit fans ceffe. A

peine fumes-nous arrivez à Rofoi, qu'aux mouvemens impétueux de ma joie, fuccéda la plus vive inquiétude. Je trouvai Mademoiselle de Rofoi trifte & rêveuse, n'osant me regarder, évitant, même avec foin, les occafions où je pouvois lui demander la caufe de ce changement: jufqu'à Mademoiselle de Rocheville, tout me fuioit, & fembloit craindre ma vûë. Il n'y avoit que Madame de Rofoi, dont toute la froideur avoit fait place à des manieres fi prévenantes, que je crus pouvoir me plaindre à elle, de l'indifférence de fa fille. Mon inquiétude ne me permettoit pas de me taire ; je voïois un orage s'élever, & je ne pouvois deviner par quelle caufe il étoit excité. Mon innocence vouloit en vain me raffurer, je craignois comme fi j'avois été

coupable: enfin, j’osai demander à Madame de Rofoi, le crime dont les mépris de fa fille me puniffoient.

Mon désespoir, lui dis-je, est trop violent, Madame, pour le contenir plus long-tems. J'adore Mademoiselle de Rofoi, je ne crois pas vous déplaire en vous l'avoüant; je me fuis flatté qu'elle voïoit ma paffion fans répugnance. J'efpérois toucher au moment où elle alloit me rendre le plus heureux des hommes; cependant je vois de toute part, les avantcoureurs d'une difgrace prochaine, qui m'effraie, & dont j'ofe vous demander la caufe. Vous fçavez, Comte, me répondit Madame de Rofoi, combien j'aime ma fille; ma tendreffe pour elle, ne me permet pas de lui faire la moindre violence: voilà d'abord mon excufe, à préfent écoutez-moi.

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