Imágenes de páginas
PDF
EPUB

4

[ocr errors]

tenter à la vie du Comte, je ne fuis venu ici que pour la défendre. Ma parole y eft engagée, mon honneur le demande. Sortons, Comte, poursuivit-il en s'adreffant à Belflor. Ah, lâche, interrompit Dom Luis en regardant Dom Pedre d'un cuil irrité, tu t'oppofes toi-même à une vengeance qui devroit t'occuper tout entier ? Mon fils, mon propre fils eft d'intelligence avec le perfide qui a fuborné ma fille. Mais n'efpere pas tromper mon reffentiment; je vais appeller tous mes Domestiques; je veux qu'ils me vengent de fa trahifon & de ta lâcheté. Seigneur, repliqua D. Pedre, rendez plus de juftice à votre fils. Ceffez de -le traiter de lâche, il ne merite point ce nom odieux. Le Comte m'a fauvé la vie cette nuit. Il m'a propofé, fans me connoître, de l'accompagner à fon rendez-vous. Je me fuis offert à par-tager les perils qu'il y pouvoit courir, fans favoir que ma reconnoiffance engageoit imprudemment mon bras contre l'honneur de ma famille. Ma parole m'oblige donc à défendre ici fes jours. Par-là je m'aquitte envers lui; mais je ne reffens pas moins vivement

que

que vous l'injure qu'il nous a faite, & dès demain vous me verrez chercher à répandre fon fang avec autant d'ardeur que vous m'en voyez aujourd'hui à le conferver.

Le Comte qui n'avoit point parlé jufques-là, tant il avoit été frappé du merveilleux de cette avanture,prit alors la parole: Vous pourriez peut-être, dit-il à l'Ecolier, affez mal venger cette injure par la voye des armes. Je veux vous offrir un moyen plus feur de rétablir vôtre honneur. Je vous avouerai que jufques à ce jour je n'ai pas cu deffein d'époufer Leonor; mais ce matin j'ai reçu de fa part une Lettre qui m'a touché, & fes pleurs viennent d'achever l'ouvrage; le bonheur d'ê tre fon époux fait à préfent ma plus chere envie. Si le Roi vous destine une autre femme, dit D, Luis, comment vous difpenferez-vous... Le Roi ne m'a propofé aucun parti, interrompit Belflor en rougiflant. Pardonnez de grace cette fable à un homme dont l'amour avoit troublé la raison. C'eft un crime que la violence de ma paffion m'a fait commettre & qu pie en vous l'avoüant. Seigneur,

prit le Vieillard, après cet aveu qui fied bien à un grand cœur, jene doute pas de votre fincerité. Je vois que vous Voulez en effet reparer l'affront que nous avons reçû; ma colerc céde aux affurances que vous m'en donnez : fouffrez que j'oublie mon reffentiment dans vos bras. En achevant ces mots, il s'approcha du Comte qui s'étoit avancé pour le prévenir. Ils s'embrafferent tous deux à plufieurs reprises; enfuitte Belflor fe tournant vers D. Pedre: Et vous: Et vous, faux D. Juan, lui dit-il, vous qui avez déja gagné mon eftime par une valenr incomparable & par des fentimens genereux, venez, que je vous voue une amitié de frere. En difant cela il embraffa D. Pedre qui reçût fes embraffemens d'un air foumis &refpectueux, & lui répondit: Seigneur, en me promettant une amitié fi prétieufe, vous acquerezi la mienne. Comptezfur un homme qui vous fera dévoué jufqu'au dernier moment de fa vie.Diepen

Pendant ce temps-là Leonor qui étoit à la porte de fa chambre, ne perdoit pas un mot de tout ce que l'on difoit. Elle avoit d'abord été tentée

de

de fe montrer &'de s'aller jetter au milicu des épées fans a pourquoi Marcelle l'en avoit empêchée; mais lors que cette adroite Duegne vit que les affaires fe terminoient à l'amiable, elle jugea que la préfence de fa Maî treffe & la fienne ne nuiroient point à l'accomodemement. C'eft pourquoi elle parurent toutes deux le mouchoir. à la main, & coururent en pleurant fe profterner devant Dom Luis. Elles craignoient avec raifon qu'après avoir été furprifes la nuit derniere, il ne leur fçût mauvais gré de la récidive. Mais il fit relever Leonor & lui dit: Ma fille, effuyez vos larmes; je ne vous ferai point de nouveaux reproches;puifque vôtre Amant veut garder la foiqu'il vous a jurée, je confens d'oublier le paffé

[ocr errors]

Oui, Seigneur Dom Luis, dit le Comte, j'épouferai Leonor, & pour reparer encore mieux l'offenfe que je vous ai faite pour vous donner une fatisfaction plus entiere, & à votre fils un gage de l'amitié que je lui ai vouée, je lui offre ma foeur Eugenie, Ah Seigneur, s'écria D. Luis avec tranf port, que je fuis fenfible à l'honneur

que

www

que vous faites à mon fils! Quel Pere fut jamais plus content? Vous me donnez autant de joye que vous m'avez caufé de douleur.

Si le Vieillard parut charmé de l'offre du Comte; il n'en fut pas de même de D. Pedre comme il étoit fortement épris de fon Inconnue, il demeura fi troublé & fi interdit qu'il ne put dire une parole. Mais Belflor fans faire attention à fon embarras fortit en difant qu'il alloit ordonner les apprêts de cette double union, & qu'il lui tardoit d'être attaché à eux par des chaînes fi étroites.

Après fon départ,.D. Luis laiffa Leonor dans fon appartement, & monta dans le fien avec Dom Pedre qui lui dit avec toute la franchise d'un Ecolier: Seigneur, difpenfez moi, je. vous prie, d'époufer la foeur du Comte. C'eft affez qu'il époufe Leonor, ce mariage fuffit pour rétablir l'honneur de nôtre famille. Hé quoi, mon fils, répondit le Vieillard !auriezvous de la répugnance à vous marier avec la fœur du Comte? Oui, mon Pere, repartit D. Pedre; cette union, je vous l'avoue, feroit un cruel fupplice

pour

« AnteriorContinuar »