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Tiv. Liv.

1. 3.

D. H. 1.1.

La République par ces differents Reglemens, & par le rétabliffement de fes anciens Magiftrats, ayant repris fa premiere forme de gouvernement, il ne reftoit plus, pour ainsi dire,du Decemvirat que la perfonne même des Decemvirs. On fçait combien ils étoient odieux à la multitude. Virginius crut qu'il étoit temps alors de les pourfuivre, & en qualité de Tribun du peuple, il intenta action contre Appius, & fe rendit fon accufateur. Appius parut dans l'affemblée couvert d'habits noirs & conformes à l'état prefent de fa fortune. Le peuple vit avec plaifir ce fuperbe Decemvir avec une contenance trifte & abatue dans la même place où peu de jours auparavant il paroiffoit environné de fes fatellites, & menaçant fierement la multitude par l'appareil de fes Lic

teurs armez de leurs haches.

Diod. 1. 12. l'adreffant au peuple:

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Virginius prenant la parole & J'accufe Romains, dit-il, un homme qui » s'eft fait le tyran de fa patrie; qui » vous a contraints de recourir aux » armes pour défendre votre liberté ; qui pour fatisfaire fes infames vo

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luptez n'a point eu de honte d'ar-e racher une fille Romaine de condition libre d'entre les bras de fon « pere, pour la livrer à l'infame mi- ce niftre de fes plaifirs, & qui par un « jugement également injufte & cruel « a réduit un pere à donner la mort ce à fa fille pour fauver fon honneur. « Puis en fe tournant vers Appius, il lui dit que fans s'arrêter au détail de tous fes crimes dont le moindre meritoit les plus grands fupplices, il lui demandoit feulement raison du jugement qu'il avoit rendu contre Virginie. Pourquoi, lui dit-il, «e avez-vous refufé à une fille de con- « dition libre la provision de la liber- « té, durant qu'elle lui étoit contef- « tée? Si vous ne me pouvez répondre, j'ordonne que fur le champ on « vous conduise en prison.

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Appius reprefenta qu'on n'avoit jamais refufé aux accufez les délais neceffaires pour préparer leurs défenfes ; qu'il étoit inoui dans la Ré publique qu'on eût arrêté aucun citoyen avant qu'il eût été entendu en pleine affemblée, & que fi le Tribun contre toutes les Loix, prétendoit le faire arrêter, il en appel

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loit au peuple: & que la conduite qu'on tiendroit à fon égard ferviroit un jour de témoignage à la pofterité, fi les appellations dont le peuple paroiffoit fi jaloux, n'étoient que les apparences d'un privilege foumis à la brigue & à la cabale des Tribuns, ou li on les devoit regarder comme des foûtiens inébranlables de la liberté.

Les perfonnes défintereffées trouvoient de la juftice dans cette demande: mais Virginius foûtint qu'il n'y avoit qu'Appius qui ne devoit point jouir du benefice des Loix qu'il avoit violées lui-même pendant fon Decemvirat. Il lui reprocha que fans avoir égard aux privileges des citoyens Romains, il en avoit fait mourir plufieurs; qu'il avoit fait emprifonner les autres ; qu'il avoit fait même bâtir des prifons qu'il avoit coutume d'appeller par une cruelle ironie les maisons & la demeure du Peuple Romain. » Ainfi, lui dit Virginius, quand vous appelleriez cent fois devant le peuple, j'ordonne qu'on vous arrête, de peur que la punition de tant de "crimes n'échape à la juftice des Loix.

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On le conduifit fur le champ en prifon, & le Tribun lui affigna un jour pour produire fes défenfes.

C. Claudius fon oncle qui avoit Tit Liv. toujours été oppofé auxDecemvirs, Dec. 1.1. 3. & qui déteftoit furtout l'orgueil & l'infolence de fon neveu, accourut cependant à fon fecours fi-tôt qu'il eût appris fa difgrace. Nous avons dit que pour n'être point témoin du gouvernement tyrannique des Decemvirs, & des malheurs de Rome, il s'étoit retiré à Regile l'ancienne patrie de fes ancêtres. Il ne fut pas plûtôt à Rome, que paroiffant dans la place en habits de deüil, il follicita puiffamment pour la liberté de fon neveu. Ses amis & fes parens fe joignirent à lui, & reprefentoient au peuple qu'il lui feroit honteux dans les fiecles futurs qu'un homme qui avoit fait leurs Loix & compofé le Droit Romain eût été enseveli dans une prifon, parmi des brigands & des voleurs. Claudius conjuroit chaque particulier de ne point attacher ce deshonneur à la famille des Claudiens qu'ils donnaffent plûtôt un homme feul à tant d'illuftres citoyens du

II.

même nom & du même fang qui le reclamoient, que de refufer prefque tout le Senat en confideration du feul Virginius. Il ajoutoit que le peuple ayant heureusement recouvré la liberté par fon courage, il ne manquoit au bonheur de la République, que de rétablir l'union entre les differens Ordres de l'Etat par la clemence, & en pardonnant â Appius en faveur de ceux qui demandoient fa grace.

D. H. 1. Denis d'Halycarnaffe prétend que les Tribuns craignant qu'Appius ne leur échapât par le credit de fa famille, le firent étrangler dans la prifon, & qu'ils publierent enfuite que ce fameux criminel defefperant de fon falut, s'étoit tué lui-même avant que le jour qu'il devoit être jugé, fût arrivé. Tite - Live, fans parler des Tribuns, rapporte fimplement qu'Appius pour éviter l'infamie d'un fupplice public, s'étoit donné la mort en prifon. Quoiqu'il en foit, Sp. Oppius fon Collegue eut le même fort. Numitorius autre Tribun du peuple & oncle de Virginie, le mit en, juftice, comme fauteur & complice de la tyrannie d'Appius.

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