pape. La faction du cardinal Matthieu fe chargea AN. Le premier des trois & leur plus affidé étoit Bertrand de Got archevêque de Bordeaux; & le cardinal de Prato crut que c'étoit celui qui leur convenoit le mieux pour arriver à leur but. Il est vrai qu'il étoit creature de Boniface & point ami du roi de France, à caufe des maux que Charles de Valois lui avoit faits dans la guerre de Gascogne: mais le cardinal de Prato le conoiffoit pour homme ambitieux & intereffé, & qui feroit aisément fa paix avec le roi. Ainfi lui & ceux de fa faction firent fecretement & par écrit leurs conventions avec l'autre faction, puis fans qu'elle en eût connoiffance ils écrivirent au roi & lui envoyerent ce traité par des couriers fidelles que leur fournirent leurs marchands, & qui firent telle diligence qu'ils vinrent de Perouse à Paris en onze jours. Par ces lettres ils prioient le roi de recevoir en grace l'archevêque de Bordeaux,s'il vouloit fe reconcilier lui-même avec l'églife & relever fes amis les Colonnes, parce qu'il dépendoit de lui de le faire pape. Le roi ayant reçu ces lettres, en eût une tres-grande joye & embraffa l'entreprise avec ardeur. Il écrivit à l'archevêque des lettres pleines d'amitié, lui donnant un rendés - vous pour conferer ensemble : favoir une abbaye dans une foreft prés S. Jean d'Angeli, où le roi 13050 AN. 1305. fe rendit fix jours aprés fecretement & avec peu de fuite & l'archevêque de fon côté. Aprés qu'ils eurent oüi la messe & fait ferment fur l'autel de fe garder fidelité, le roi propofa au prélat avec de belles paroles de le reconcilier avec Charles de Valois, puis il lui dit : Il est en mon pouvoir de vous faire pape fi je veux, & c'eft pour ce fujet que je fuis venu: en forte que fi vous me promettés fix graces que j'ai à vous demander, je vous procurerai cette dignité. Alors pour lui montrer qu'il avoit ce pouvoir, il tira les lettres qu'il avoit reçuës & le traité entre les deux factions des cardinaux. L'archevêque aïant vû ces piéces & transporté de joïe, fe jetta aux pieds du roi & lui dit: Sire, je voi maintenant que vous m'aimés plus qu'homme du monde, & que vous me voulés rendre le bien pour le mal : vous n'avez qu'à commander, je ferai toujours prêt à vous obéir. Le roi le releva & le baisa, puis lui dit: Voici les fix graces que je vous demande. La premiere que vous me reconciliés parfaitement avec l'églife & me faffiés pardonner le mal quej'ai fait à la prife de Boniface. La feconde de me rendre la communion à moi & à ceux qui m'ont fuivi: la troifiéme que vous m'accordiés toutes les décimes de mon royaume pendant cinq années, pour les frais que j'ai faits en la guerre contre les Flamans: la quatrième, que vous anéantirés la memoire du pape Boniface: la cinquième, que vous rendrés la dignité du cardinalat à Jacques & Pierre Colonne & que vous ferés cardinaux quelques-uns de mes amis. Quant à la fixiéme grace, je me réserve à la déclarer en temps & lieu, parce qu'elle est secrette & importante. L'arche vêque promit le tout avec ferment fur le corps de notre Seigneur & de plus donna pour ôtages fon frere & deux de fes neveux; & le roi lui promit auffi avec ferment de le faire élire pape. Aprés quoi ils fe féparerent tres-bons amis, & le roi emmena les ôtages fous prétexte de la reconciliation de l'archevêque avec Charles de Valois. AN. 1305. раре. L. Si-tôt qu'il fut de retour à Paris il écrivit au cardinal de Prato & à ceux de fa faction ce qu'il avoit Clement V. élû fait, & qu'ils pouvoient élire en fûreté l'archevêque de Bordeaux; & l'affaire fut fi bien conduite que la réponse arriva tres-fecretement à Perouse en trentecinq jours. Le cardinal de Prato l'ayant reçuë la communiqua auffi en fecret à la faction: puis ils dirent à la faction oppofée : Nous nous affemblerons tous quand il vous plaira, nous voulons observer les conventions. Les deux factions se réünirent donc, & ratifierent leur traité folemnellement par lettres & par ferments. Alors le cardinal de Prato ayant pris un texte de l'écriture convenable au fujet, fit un discours qu'il conclut en élifant au nom de tous pour pape Bertrand de Goth archevêque de Bordeaux, & on chanta le Te Deum avec grande joïe. Ainfi furent trompés ceux de la faction de Boniface, qui croyoient avoir pour pape l'homme en qui ils avoient le plus de confiance. Tout cè recit eft tiré de l'hiftoire de Jean Villani. to.xs:cons. p. Rain 1305, Mais dans le decret autentique de cette élection en forme de lettre au nouveau pape les cardinaux difent 1496. en substance : Le S. fiége étant vacant par le decés de Benoist XI. nous entrâmes en conclaves à Perouse dans le palais où il demeuroit au temps de fa mort: mais quatre cardinaux en fortirent, favoir Jean évê 7.6. AN. 1305. que de Tufculum, Mathieu de fainte Marie au portique & Richard de faint Eustache diacres : puis Ĝautier cardinal prêtre qui étoit entré au conclave aprés les autres, & fut auffi obligé d'en fortir pour maladie. Aprés quoi nous avons choifi d'entre nous des fcrutateurs de nos fuffrages,& aujourd'hui famedi veille dela Pentecôte nous avons procedé en l'élection en cette maniere. Premierement nous avons fait examiner les fcrutateurs, puis ils ont pris les sufrages en secret & auffi-tôt les ont publiés; & nous avons trouvé que nous étions en tout quinze cardinaux demeurans dans le conclave, qui avions donné nos fuffrages dans le fcrutin; dix defquels vous avoient élû pour pape: ce que voyant les cinq autres ils se font rangés à leur avis par voye d'acceffion. En confequence de quoi François Cajetan cardinal diacre de fainte Marie en Cofmedin par notre mandement special vous a élû en cette forme: J'élis en fouverain pontife & pasteur le seigneur Bertrand archevêque de Bordeaux, tant en mon nom que de tous ceux qui l'ont elû. Et aprés avoir chanté le Te Deum,nous avons fait publier folemnellement cette élection au clergé & au peuple, fuivant la coutume. L'acte eft datté du cinquième de Juin 1305. qui étoit le même jour veille de la Pentecôte & foufcrit par dix-fept cardinaux. Les dix qui avoient élû en forme étoient quatre évêques, Leonard d'Albane, Pierre de Sabine, Jean de Porto, Nicolas d'Oftie: deux prêtres, Jean de faint Pierre & faint Marcellin, Robert de fainte Potentiene, & quatre diacres, Napoleon de faint Adrien, Landulphe de faint Ange, Guillaume de faint Nicolas à la prifon, & François Cajetan de fainte Marie en Cofme din. Les cinq qui vinrent par accession étoient Thierri évêque de la cité papale, c'eft-à-dire de Palestrine, Gentil prêtre de faint Martin aux monts; & trois diacres, François de fainte Luce, Jacques de faint Georges au voile d'or & Luc de fainte Marie in via lata. Les des autres qui foufcrivirent furent Jean évêque de Tufculum & Gautier prêtre. Ce decret d'élection fut envoyé par trois députés Gui abbé de Beaulieu au diocefe de Verdun, le facriftain de Narbone & un Italien chanoine de Chaalons. Ils étoient auffi porteurs d'une lettre où les cardinaux prioient inftament le pape de venir prendre poffeffion du faint fiége: lui réprefentant les perils où étoit exposé l'état temporel de l'églife Romaine & le peu qui reftoit aux Chrétiens dans la terre fainte. Il femble qu'ils prévoyoient qu'il demeureroit deça les monts. AN. 1305. LI. Commencement de Clement V. Aven. p. 61. & Bertrand de Got étoit né à Villandran dans le diocefe de Bordeaux. Son pere nommé auffi Bertrand ou felon d'autres Beraud, étoit chevalier & de la pre- Rain. 1305 n. 5. miere nobleffe du pays, & avoit un frere nommé auffix. bift, pap Bertrand qui fut évêque d'Agen. Son neveu, qui eft le 66. pape dont nous parlons, fut fait évêque de Comminge en 1295, par Boniface VIII. qui peu avant Noël en 1299. le transfera à l'archevêché de Bordeaux, qu'il poffedoit depuis prés de fix ans quand il devint pape. Il avoit un frere nommé Beraud, qui fut archevêque ..& $76. de Lion, depuis l'an 1290. jusqu'en 1294. qui fut fait cardinal évêque d'Albane; & en 1295. il fut envoyé legat en France avec Simon évêque de Palestrine pour negocier la paix entre les deux rois de France & d'Angleterre. L'archevêque de Bordeaux étoit en Poitou occupé p. 62. & dij |