converfion qui fait tant d'honneur à la grace de Je

fus-Chrift. On a même dif

fimulé fes vertus, & une infinité de faits fi dignes de la curiofité des Sçavans. Touché du peu de justice que notre fiécle a rendu à ce grand homme, j'ai cru dans le loifir d'une profonde folitude, que ma plume feroit utilement employée à décrire ce que j'ai puisé de sa vie dans les fources les plus pures de l'antiquité. Par mon application & par mes veilles,j'en ai formé ce corps d'Hiftoire, qui ne fervira pas moins à l'édification des Fideles, qu'à la fatisfaction de ceux qui defirent péné

trer dans le fond de l'Hif toire de l'Eglife du douziéme fiécle.

Cet Abeillard fi connu, & en même tems fi inconnu, va donc paroître au naturel dans cet Ouvrage. On le verra né avec un bel esprit, capable des sciences les plus fublimes, devenu grand Philofophe malgré fes inclinations un peu trop tendres; la fin tragique de fon amour pour Heloïfe l'ayant conduit à une génereuse pénitence. Entré dans l'état manaftique, il y paroîtra un des plus illuftres Abbez de fon tems,& comme un Martyr par l'aufterité de fa vie, & par les cruelles perfécu

tions qu'il fouffre pour maintenir la difcipline réguliere. La grandeur de fon ame, sa patience héroïque, éclatent dans toutes fes traverses. Cependant on le voit Fondateur d'Ordre, Legislateur de Loix, qui vont de pair avec celles des Bafiles & des Pacômes; fçavant Théologien qui a fouvent pris la plume pour défendre les véritez orthodoxes attaquées de fon tems; un grand Maître qui a formé de faints Prélats dont les lumieres ont long-tems éclairé l'Eglife, qu'il a lui-même enrichie de fçavans Ecrits, dont nous avons encore la meilleure partie. Mais la plus rare de

toutes ces grandes qualitez eft, qu'avec ce génie qui lui acquit une réputation des plus étendues, il eut la modeftie & l'humilité du plus parfait Religieux.

Ce portrait furprendra fans doute ceux qui fe font formez des idées fort differentes de la vertu d'Abeillard. Mais comme la vérité eft toûjours agréable à toutes fortes de perfonnes, je me flatte que celle-ci mife dans fon jour, ne déplaira pas au Public.

J'ai cru qu'il étoit néceffaire de traiter à fond fes differends avec S. Bernard, & ce qui s'eft paffé aux Conciles de Soiffons & de Sens,

affemblez à son occafion; parce que la matiere n'a pas été jufqu'à present bien développée content néanmoins d'avoir produit ce qui s'eft dit pour je me fuis abftenu de prononcer fur cette affaire, pour laiffer au Lecteur le plaisir d'en juger.

& contre,

L'enchaînement des matieres, qui ne permet pas d'écrire la vie d'Abeillard fans tracer en même-tems celle d'Heloïfe, découvre le triomphe de la Grace fur un cœur le plus attaché à la créature. Sa pénitence est un exemple pour celles qui ont eu le malheur de l'avoir fuivie dans fa chûte.